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lundi 30 août 2010

Comment Ricola a converti le monde aux herbes alpines

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Depuis 80 ans, l'entreprise bâloise impose sa marque sur les marchés internationaux en tablant sur les clichés suisses. Réussira-t-elle à séduire l'Asie? Reportage dans ses quartiers généraux de Laufon.

Une douce odeur de menthol flotte autour du bâtiment industriel de la Baselstrasse à Laufon (BL). A l’intérieur, l’effluve s’intensifie et se mêle à l’incessant bruit des machines. Des petites boîtes aux couleurs bigarrées défilent sur les tapis roulants et se remplissent de pastilles estampillées d’un «R». Des ouvrières les récupèrent à un rythme soutenu pour les réunir dans des cartons. C’est sur ce site que les produits de l’emblématique maison Ricola sont emballés et stockés.

A quelques kilomètres de là, l’usine du groupe fabrique chaque année près de 18′000 tonnes de confiserie à base de plantes. Pour assurer une telle production, 250 tonnes d’herbes cultivées et séchées par des agriculteurs indépendants suisses sont acheminées jusqu’à Laufon. «Il s’agit de la principale matière première de tous nos produits, précise Adrian Kohler, actuel CEO de la société qui a débuté chez Ricola il y a vingt trois ans. Nous réunissons les plantes pour réaliser notre mélange de base. Ensuite, nous ajoutons, entre autres ingrédients, les arômes naturels. A l’aide des machines, quelques minutes suffisent pour produire les bonbons.»

Voilà 80 ans que Ricola grandit dans cette commune du canton de Bâle-Campagne au point de s’imposer comme une marque culte du folklore alimentaire helvétique. En misant dès le départ sur les valeurs traditionnelles véhiculées par la Suisse, et grâce à ses bonbons aux herbes, l’entreprise familiale a trouvé son marché. En 2009, la société a enregistré un chiffre d’affaires de 316 millions de francs, ce qui représente une hausse de 3,6% par rapport à 2008. «Sans la chute des taux de change, l’augmentation aurait été de plus de 6%, précise le CEO. Les premiers mois de l’année ont été difficiles, les commandes ont chuté à cause de la crise. Les ventes ont ensuite redémarré, notamment grâce à la grippe (A)H1N1. Au final, ce fut une année record pour Ricola.»

«Nos principaux marchés sont la Suisse, l’Italie, la France, l’Allemagne et les Etats-Unis, détaille le CEO. Nous sommes également présents à Hong Kong et Singapour depuis trente ans. L’Asie représente un réel défi pour nous. Car nos produits restent trop chers pour le pouvoir d’achat local. Nous avons par exemple essayé de proposer des paquets plus petits, et donc plus accessibles.» Les résultats n’ont jusqu’ici pas été significatifs.

Ricola vise également d’autres régions. «Si nous voulons continuer de croître, nous devons trouver des consommateurs dans d’autres pays, dit Adrian Kohler. Nous devons renforcer notre présence au Japon et dans les pays de l’Europe de l’Est.» Des actions concrètes ont déjà été lancées, telles que des publicités et des tests auprès des consommateurs locaux ainsi que des partenariats avec des célébrités, telle l’actrice japonaise Koyuki, la partenaire de Tom Cruise dans Le dernier Samouraï.

Car pour optimiser ses ventes à l’étranger, Ricola adapte les parfums de ses dragées, parfois de manière exclusive, aux goûts et tendances de chaque pays. Par exemple, on ne trouvera des Ricola à la sauge qu’en Allemagne. Point fort de la marque également: ses bonbons sont doublement positionnés — à la fois friandises et pastilles contre les refroidissements. C’est ainsi que, aux Etats-Unis, ils sont enregistrés en tant que produits médicinaux alors que, en France, ils figurent sur la liste des confiseries.

La diversification fait également partie de la stratégie de l’entreprise. Après les infusions instantanées et en sachet, la marque a lancé l’an dernier des chewing-gums, toujours à base de plantes, qui sont pour l’instant «en phase test» uniquement en Suisse. Ricola n’envisage pas de travailler sur d’autres déclinaisons que les infusions et le chewing-gum. «Mais nous allons innover en matière de formes et d’arômes», dit le CEO.

L’entreprise bâloise doit aussi une bonne partie de son succès à ses campagnes publicitaires drôles et efficaces. Depuis une dizaine d’années, Ricola s’est défait de son image désuète pour un positionnement résolument fun et décalé, grâce aux services de l’agence allemande Jung von Matt. Le budget marketing de l’entreprise reste confidentiel, mais représente une «part significative des investissements».

«Nous tenons à garder notre image sérieuse et traditionnelle, explique Felix Richterich, actuel représentant de la troisième génération de la famille fondatrice, et président du conseil d’administration. Mais nous avons pris conscience qu’il fallait moderniser certains aspects de notre communication.» L’entreprise annonce d’ailleurs vouloir renforcer sa présence dans les nouveaux médias, notamment sur les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter.

Une pérennité certainement inespérée pour Emil Richterich qui, en 1930, avait créé la confiserie «Richterich & Co. Laufon», nom dont sera tiré l’acronyme Ricola. «Mon grand-père, qui possédait une petite boulangerie dans le village de Laufon, s’est lancé dans cette activité pour s’assurer un meilleur revenu, raconte Felix Richterich. A l’époque, son premier enfant — mon père — venait de naître. Il a emprunté de l’argent à ses proches et a commencé avec une cuisinière chauffée au charbon, quelques chaudrons en cuivre et des tambours à dragées.»

Ce fils aîné, Hans Peter, intégrera l’entreprise familiale en 1951 pour en reprendre la direction en 1968. Il aura lui-même trois enfants. «Nous avons grandi dans la maison qui jouxte l’actuel bâtiment administratif, mais qui à l’époque abritait l’usine et l’appartement de mes grands-parents, se souvient Felix Richterich. Mon frère fait aujourd’hui partie du conseil d’administration. Quant à ma sœur, elle s’occupe du jardin de l’entreprise qui cultive des plantes pour nos recherches.» Qu’en est-il de la succession? «Nous y réfléchissons, mais il est encore trop tôt pour prendre une décision. Nous espérons que la nouvelle génération s’intéressera à l’entreprise, qui appartient entièrement à notre famille.»

Leader des confiseurs helvétiques

En Suisse, 14 entreprises fabriquent industriellement des bonbons. La production de Ricola (18 000 tonnes) représente plus de la moitié de celle de l’ensemble de ses concurrents helvétiques. Le confiseur Hunziker par exemple, qui est basé à Dietikon, fabrique 5000 tonnes de bonbons par année, et 1000 tonnes sortent de l’usine argovienne de la maison Halter. De même, près de 50% des employés de ce secteur travaillent pour l’entreprise de Laufon.

Si Ricola a augmenté son chiffre d’affaires en 2009, toute l’industrie de la confiserie ne peut en dire autant. Selon Biscosuisse, l’association helvétique des industries de biscuits et de confiserie, le chiffre d’affaires moyen des fabricants de bonbons suisses a baissé de 1,7% en 2009. «Grâce à son vaste portefeuille de clients sur le plan international, Ricola s’en est sorti audessus de la moyenne, constate le directeur de l’association, Franz Schmid. Ricola est connu et reconnu partout dans le monde grâce à sa ligne directrice très claire. Ses produits aux herbes, facilement reconnaissables, lui garantissent la fidélité de ses clients depuis de nombreuses années.»

Ricola en chiffres

316 millions de francs: le chiffre d’affaires de Ricola en 2009.

400 employés travaillent pour l’entreprise, dont 370 en Suisse. 100 agriculteurs indépendants cultivent des herbes pour les produits Ricola.

18 000 tonnes produites chaque année, dont 90% de bonbons. Les 10% restant représentent la production de tisanes et de chewing-gums.

20%: la part de Ricola dans le marché de la confiserie en Suisse.

Melinda Marchese