Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mardi 27 décembre 2011

La mobilité lente? Oui, mais pas si vite...

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A vélo, à pied ou en transports publics, la notion de «mobilité douce» fait gentiment son chemin en politique, ainsi que dans les médias. Mais l’intégrer dans nos habitudes quotidiennes, c’est déjà plus difficile.

A vélo au boulot, mais en voiture à la montagne. La bonne conscience environnementale, relayée par les médias, ONG et des publicités lénifiantes, cache une mobilité paradoxale. Car dans les faits, nous avalons bon an, mal an toujours davantage de kilomètres. Pour fuir le stress du quotidien, nous recherchons la lenteur, un espace hors du temps qui nous permette de nous ressourcer. Mais ces marches, randonnées à dos d’âne et autres descentes de rivière à l’autre bout du monde commencent souvent par un voyage en avion. Lenteur et vitesse représentent alors deux éléments indissociables.

Le touriste cherche l’isolement, mais souvent sans succès. Coincé entre son smartphone, internet et les réseaux sociaux, il est «physiquement éloigné, mais psychologiquement présent dans sa routine quotidienne», glisse Rafael Matos-Wasem, professeur à la HES-SO Valais Wallis filière tourisme. Même l’éco-conscient finit par prendre l’avion – quitte à acheter des indulgences avec Myclimate. L’argument économique reste surpuissant et les prix des compagnies low cost irrésistibles. «Un de mes étudiants m’a dit avoir pris 30 fois l’avion en une année.»

En voiture vers l’air pur

Bien sûr, certains refusent l’avion. «Le grand-père de ma femme ne prend plus que l’autocar pour se rendre de Pologne en Suisse», raconte Rafael Matos-Wasem. «Il veut ainsi ressentir l’éloignement ou le rapprochement. Mais ces cas restent marginaux.» La mobilité lente est plus concept marketing que réalité.

Mêmes paradoxes au niveau local. Plus de 80% des Suisses prennent leur voiture pour aller en montagne et les slowup attirent des foules qui s’y rendent en automobile, les vélos chargés dans le coffre. Les efforts politiques ne suffisent pas. Mis sur pied par l’ATE, le WWF et l’Institut de tourisme de la haute école valaisanne, «le projet Vacances sans voiture est pour l’instant un échec patent», confie le chercheur. Quant au programme SuisseMobile – des parcours à pied, à vélo et canoë qui sillonnent le pays –, qui avait des ambitions internationales, il a subi des coupes budgétaires. Disposées à la sortie de chaque gare, ces cartes entretiennent le fantasme, rarement réalisé, de traverser un jour le pays entier à pied.

Les distances parcourues par les pendulaires augmentent mais les durées restent à peu près constantes au cours du temps, que ce soit à pied ou à cheval, en auto ou à vélo, note Malene Freudendal-Pedersen, spécialiste de la mobilité à l’Université de Roskilde au Danemark. Très performant en ville, le vélo est bien le nouvel acteur de la mobilité urbaine. Si les kilomètres parcourus globalement en Suisse restent stables, le nombre de cyclistes en ville explose, comme à Lausanne qui a observé une augmentation de 60% entre 2002 et 2008 à quatre lieux de passage.

«La notion de vitesse va avec celle de liberté», note Malene Freudendal-Pedersen. Le vélo offre une sensation de liberté et même de rapidité lorsqu’on remonte une file de voitures. C’est toute la différence entre vitesse de pointe et vitesse moyenne: en ville, des voitures potentiellement plus rapides arrivent après les vélos. La mobilité douce est la plus rapide – sauf dans les mégapoles, où aller plus vite exigera de prendre l’hélicoptère.

Psychologie de l’auto

Avec la démocratisation de l’avion et de la voiture, la vitesse a perdu de son exclusivité. Les conducteurs recherchent surtout le confort et la sécurité que promettent les voitures lourdes telles que les 4x4. «Souvent, les gens qui ne possèdent pas d’automobile n’en ont pas les moyens», note Giuseppe Pini, directeur de l’Observatoire de la mobilité à Genève. «Les autres, qui s’en passent par choix, sont souvent des jeunes professionnels. Mobiles, ils se rattrapent avec des voyages en avion et sont donc lents du lundi au vendredi, et rapides le week-end.» Ils s’achèteront une voiture avec l’arrivée des enfants et le déménagement du centre-ville pour la banlieue. Les considérations environnementales sont absentes – en tout cas pour les Vaudois qui dans les enquêtes privilégient toujours la rapidité et le confort, indique Giuseppe Pini.

«Les urbanistes et planificateurs ont négligé l’expérience ressentie par les voyageurs», poursuit Malene Freudendal-Pedersen. «Leurs modèles comptent les kilomètres et les minutes, mais ne prennent pas en compte les aspects émotionnels.» Ceux-ci sont surprenants. «Face à l’exigence croissante d’être atteignable et efficace, les déplacements deviennent l’unique opportunité de rester avec soi-même. On peut être seul, écouter la radio au volant ou lire dans le train.» Pris dans les bouchons, certains automobilistes disent savourer ce temps mort pour ne rien faire.

En principe, la marche devrait permettre de ne «rien faire». Mais hélas, équipés de nos smartphones, nous deviendrons bientôt des marcheurs-lecteurs, qui se déplacent certes lentement, mais sans perdre une seconde. «Si le temps est de l’argent, l’accélération est le pouvoir», disait le philosophe Paul Virilio. Et la décélération de la mobilité, un vœu pieux. I

* «Hémisphères» est le magazine scientifique de la Haute Ecole spécialisée HES-SO. Le dernier numéro est consacré à la lenteur. Disponible en librairie, www.revuehemispheres.com.

Daniel Saraga
Hémisphères*
La Liberté