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mercredi 7 septembre 2016

Comment la Suisse transforme ses déchets en or


L’initiative «Economie verte» sur laquelle les Suisses voteront le 25 septembre vise à réduire la consommation nationale de ressources d’environ 65%. La Suisse se situe parmi les plus grands producteurs de déchets, mais en matière de recyclage, elle rafle les médailles et prodigue ses conseils à l’étranger.



Lorsqu’il termine son yogourt, le bon Suisse tire la languette verticale qui sépare l’emballage en carton détachable du gobelet en plastique, les jette tous deux dans des poubelles distinctes, puis place l’opercule en aluminium dans un troisième récipient. Le bon Suisse recycle, c’est dans son ADN. Il figure même parmi les champions du recyclage. Alors qu’en 2015, le taux de recyclage des déchets ménagers en Europe flirtait avec une moyenne de 28%, la Suisse atteignait un niveau de 53,5%. Seules l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique font mieux. L’injonction politique a aidé. Depuis l’application du principe du «pollueur-payeur» aux cantons en matière de déchets, les trois quarts des communes suisses ont introduit une taxe au sac et le taux de recyclage, en vingt ans, a doublé.

Pourtant, l’initiative «Economie verte» sur laquelle les Suisses voteront le 25 septembre veut mieux faire encore. Il s’agirait d’améliorer les cycles de vie des matériaux afin de réduire les besoins en matières premières ainsi que la production de déchets.

Plus de cartons, moins de journaux

Au centre de tri Retripa à Crissier (VD), on connaît ce concept d’économie circulaire. L’entreprise collecte, trie et recycle des déchets achetés aux communes. Elle en ressort des ressources naturelles secondaires qu’elle vend aux industries. «Vos déchets sont précieux», affiche-t-elle en slogan. «Une mine d’or se cache dans ces ordures», lance avec enthousiasme Marc Ehrlich, président de Retripa. «Nous gérons dix-huit déchetteries intercommunales et sommes les leaders romands pour le papier et carton. Cela, grâce à nos machines parmi les plus modernes de Suisse. Enfilez ce gilet jaune et suivez-moi, je vais vous montrer», enchaîne son directeur, Xavier Mahue.

Au sein du hangar, des montagnes de Migros Magazine, d’exemplaires du Temps et de courriers divers se mêlent aux boîtes Zalando. Toutes les quinze minutes, un camion déverse papiers et cartons qui vont ensuite défiler à la vitesse de trois mètres par seconde sur un tapis roulant équipé d’un trieur optique. Si les ordures des camions poubelles ne font pas rêver, il faut avouer que cette danse colorée et inodore de papiers virevoltants est assez exaltante. Chaque année, indique Retripa, 200 000 arbres sont épargnés en Suisse grâce aux 90 000 tonnes de papier et carton recyclés par l’entreprise, ainsi que de l’énergie, de l’eau et des produits chimiques. «La numérisation des journaux nous a fait perdre de l’argent qui a été compensé par l’augmentation des cartons provenant des ventes en ligne», indique Marc Ehrlich.

La taxe au sac ne dispense pas de trier ses déchets

La taxe au sac, entrée en vigueur dans le canton de Vaud le 1er janvier 2013, a fait râler dans les chaumières. Mais elle a surtout obligé les Vaudois à optimiser leur tri pour faire maigrir leurs poubelles. Résultat: aujourd’hui, le taux de 57% de recyclage des déchets urbains dans le canton de Vaud atteint pratiquement la demande fédérale de 2020 fixée à 60%. Genève, qui épargne à ses habitants les sacs taxés, ne dépasse pas 45%.

Etienne Ruegg est responsable du recyclage pour le canton de Vaud. Il commente. «L’objectif quantitatif est quasiment atteint, reste l’objectif qualitatif. Il subsiste 5 à 6% de déchets indésirables dans le papier, et 20% dans les végétaux, obligeant parfois la commune ou le centre de tri à tout incinérer. Les centrales doivent s’équiper pour éliminer ces indésirables, ça coûte cher. Et aujourd’hui, nous avons des agriculteurs qui refusent l’engrais qu’on leur livre, sous prétexte qu’il y a trop de bouts de plastique clairsemés à l’intérieur.» Chaque année au centre de Retripa de Crissier, trois mille tonnes de «distorsions» sont déplacées pour rien avant d’être triées et renvoyées à l’incinération. Xavier Mahue hasarde: «Comme s’il y avait une légitimité de polluer, depuis que les gens paient la taxe au sac.»

Le bois, le verre, les métaux y sont également transformés en matières premières revendables. Le cas du plastique mérite quelques explications. Aujourd’hui en Suisse, seules environ 90 000 des quelque 780 000 tonnes de déchets plastiques annuels sont recyclés.

Le plastique trié était incinéré

Car sous cette appellation, une cinquantaine de matières différentes sont regroupées. Le PET, les bouteilles de lait, le film plastique, les jouets en plastique dur avec du métal intégré ne sont pas recyclables sous la même forme, pire: certains objets contenant des impuretés nocives contaminent le tout.

Le canton de Fribourg a bien essayé de recycler son plastique, en vain! De 2008 à 2014, ses habitants l’ont trié inutilement: tout finissait incinéré! Face à l’impossibilité de son recyclage, le principe du pollueur-payeur est de rigueur et, très encombrant, le plastique remplit les sacs-poubelles taxés. L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) lui-même déconseille aux communes de commencer à le collecter. A Fribourg, le fait d’incinérer gratuitement ces déchets ôtait à la commune quelque 85 000 francs par année.

«Le recyclage du plastique est coûteux, car les procédés de tri et de nettoyage sont compliqués. La possibilité du recyclage dépend de la pureté des déchets. Une déchetterie ne recycle pas toutes les sortes de plastiques. Un emballage qui a contenu un produit dangereux tel que du «White-Spirit», on se doit de l’incinérer», commente Xavier Mahue.

Tri et parlement de milice

Les bouteilles en PET fonctionnent avec un système à part. Une taxe de quatre centimes que paie le consommateur en achetant sa boisson contribue à financer de manière anticipée son recyclage. Les consommateurs financent intégralement le système, les gains sont redistribués au monopole «pet recycling».

«Le système suisse du tri à la source explique pourquoi la qualité des déchets sélectionnés est si bonne et les coûts si bas», se félicite Marc Ehrlich. «Comprenez, si l’on jette son papier dans le sac blanc taxé: la commune va payer Tridel pour l’incinérer. Si l’on incite les citoyens à le trier, la commune est rémunérée pour ses déchets. Grâce à cela, à Pully, on a pu baisser les impôts d’un point», révèle celui qui est également conseiller communal PLR dans la commune vaudoise. Marc Ehrlich associe le geste de tri au pays de milice dans lequel nous vivons. «Le citoyen est mis à contribution, comme dans beaucoup d’autres domaines en Suisse. C’est ce qui fait notre fierté. Responsabiliser la société est toujours une bonne chose.»

Au vu de son statut professionnel, beaucoup lui demandent conseil sur l’initiative populaire «Economie verte». «Je me vois obligé de rester neutre car je trouve le projet des Verts trop abstrait. Je lui préférais son contre-projet». L’initiative «Economie verte» entend «réduire l’empreinte écologique de la Suisse à une terre», alors qu’elle agit actuellement comme si elle avait trois planètes à disposition. «Impossible à mettre en œuvre et irréaliste», jugent ses opposants. Mais si les Suisses se distinguent par un recyclage exemplaire, ils se classent toujours parmi les plus gros producteurs de déchets en Europe. Pour l’année 2014, la Suisse a généré 730 kg de déchets par habitant. Seul le Danemark, avec 759 kilos, la dépasse.

Aïna Skjellaug