La Suisse, de Genève à Saint-Gall, tend à devenir une seule grande métropole. Mais l'opposition ville-campagnes ressurgit, surtout en région alémanique.
Chercheur en urbanisme, Shin Alexandre Koseki s'est spécialisé dans la cartographie des votations fédérales. Il a récolté et traité les résultats des votations fédérales des 30 dernières années, un large spectre historique qui fait la nouveauté de sa démarche, note l'EPFL.
Son analyse porte sur la période de 1981 à 2014, soit près de 300 votations fédérales. Elle montre que les années 1980 étaient marquées par beaucoup de fragmentations entre les régions linguistiques et les cantons. Les intérêts de la population étaient clairement différents de Genève à Zurich, observe le doctorant en architecture, Canadien d'origine.
Les villes se rapprochent
Dès les années 1990, le paysage change et un rapprochement se dessine entre les villes alémaniques. Le même phénomène se produit en Suisse romande, villes et campagnes confondues. Dès les années 2000, les populations de toutes ces régions commencent à s'accorder. «Le facteur linguistique tend à disparaître», observe le chercheur qui conclut à un affaiblissement du Röstigraben.
Une nouvelle polarisation émerge, opposant d'un côté les grandes villes, la Suisse romande, le Tessin et une partie des Grisons. De l'autre, les banlieues et la campagne alémaniques.
Mégalopole
De 2003 à 2014, les cartes qu'il a développées avec le Laboratoire Chôros montrent une grande masse verte - pour les oui - de Genève à Saint-Gall. Elle illustre une nouvelle articulation sociale et politique. «Il y a davantage de mobilité et de connectivité. On échange de plus en plus, ce qui conduit à une convergence des préférences culturelles, commerciales mais aussi politiques», dit-il.
L'axe Genève - Saint-Gall tend à devenir une mégalopole helvétique. Un ensemble urbain commun se dessine, avec d'innombrables liens entre les individus.
Cette uniformisation s'observe aussi dans d'autres pays en Europe occidentale et en Amérique du Nord. «Cela a à voir avec les processus de globalisation que l'on vit aujourd'hui», explique le chercheur.
Villes contre campagne
Des divisions perdurent toutefois. Ainsi, l'opposition historique entre les villes et les campagnes ressurgit, observe Shin Alexandre Koseki. Surtout côté alémanique, où les grandes villes s'opposent à leur périphérie, à la campagne et aux régions alpines.
Pour le chercheur, cette convergence lors des votations fédérales devrait amener les grandes villes suisses à créer plus de projets communs et à mieux défendre leurs intérêts.
Il suggère qu'il conviendrait aussi de s'interroger sur la pertinence du système de la double-majorité, des votants et des cantons, car le poids effectif des grands centres urbains n'est pas pris en compte lors des votations fédérales.
ATS