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mercredi 8 février 2017

La Chine s'abreuve d'or en provenance de Suisse




Les raffineries helvétiques, les plus puissantes du monde, ont livré en décembre un montant record de métal jaune à Shanghai. Les Chinois, premiers consommateurs devant les Indiens, en ont besoin pour offrir et investir alors que Pékin veut réorganiser le marché mondial.

Les lingots sont estampillés «Credit Suisse» et «Valcambi», le nom d’une raffinerie tessinoise. Quatre-vingts pièces d’un kilo au total, qui tapissent le sol à l’entrée de l’Emperor. Ce grand casino de Macao a affiché au mur la copie d’une lettre de HSBC Guyerzeller. Envoyée fin 2005 de Zurich, elle certifie l’authenticité des lingots.

Cette attraction parmi d’autres dans cet enfer du jeu illustre à la fois la fascination des Chinois pour ce métal précieux et le rôle unique que joue la Suisse, centre majeur du raffinage. L’an passé, près d’une tonne exportée sur quatre par Valcambi et ses concurrents Metalor ou Pamp avait pour destination la Chine.

Encore provisoires, les chiffres publiés fin janvier par l’Administration fédérale des douanes ont surpris le monde du négoce de l’or. En décembre, la Suisse a envoyé 158 tonnes en Chine, cinq fois le volume de novembre et près de trois fois celui de décembre 2015. En outre, ces exportations ont surclassé celles au départ de Hongkong, comme l’indique le Département hongkongais des statistiques. A 52,1 tonnes, ces dernières étaient pratiquement au même niveau qu’en novembre. Pourtant, l’ancienne colonie britannique est habituellement le premier fournisseur de l’économie chinoise, «devant la Suisse, suivie de l’Australie et de la Grande-Bretagne», remarque Koos Jansens, spécialiste du marché chinois de l’or pour BullionStar, un courtier singapourien.

Shanghai, capitale de l'or

Pour expliquer le bond de décembre pour la Suisse, Koos Jansen voit «les possibles effets d’une stratégie» échafaudée par Pékin. En 2002, le monopole du négoce de l’or en Chine a été donné à Shanghai. La mégalopole est depuis devenue le marché physique le plus grand au monde. Pourtant, «Londres reste le centre le plus influent. Ses prix font référence, Shanghai ne fait que suivre», poursuit l’analyste de BullionStar. En 2014, les autorités chinoises y ont alors créé un marché international. Une façon de prendre des affaires à sa concurrente directe, la place de Hongkong. Petit à petit, les investisseurs sont incités à se passer d’elle. Pékin privilégierait alors la place suisse, la seule en mesure de répondre à sa demande.

Andrew Driscoll ne valide pas complètement cette théorie. Cependant, le spécialiste des matières premières auprès du courtier hongkongais CLSA reconnaît que les autorités chinoises mènent des réformes pour attirer les investisseurs étrangers, hongkongais compris. Un accord récent permet d’ailleurs aux courtiers hongkongais d’aller passer leurs ordres sur le marché de l’or de Shanghai, sans que la réciproque soit possible.

Le soudain appétit des Chinois pour les lingots en fin d’année s’expliquerait lui par deux phénomènes. «Comme les Indiens, ils en offrent beaucoup, en particulier à l’occasion du Nouvel an chinois», décrypte Andrew Driscoll. Selon lui, les bijoutiers ont pu passer des ordres supplémentaires pour préparer l’année du Coq, qui a commencé la semaine passée. Deuxième explication: la baisse du cours de l’or, notamment après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. «En Occident, les investisseurs achètent lorsque le cours de l’once grimpe. Les Chinois font le contraire», constate Koos Jansen.

La Chine puise dans ses réserves

Andrew Driscoll pointe un troisième facteur. Pour soutenir le yuan, la Banque centrale chinoise (PBOC) puise dans ses réserves de changes. Hier, elle a d’ailleurs annoncé que fin 2016, elles étaient passées sous les 3000 milliards de dollars, leur plus bas niveau en six ans. Comme cela ne suffit pas, la PBOC renforce le contrôle sur les capitaux pour qu’ils ne quittent pas la Chine, et affaiblissent le renminbi. Or «il est plus facile pour les Chinois d’acquérir de l’or que des dollars», relève l’analyste de CLSA. L’achat de lingots constitue donc une alternative à la sortie des capitaux, et permet ainsi aux fortunes chinoises «de diversifier leurs avoirs», ajoute-t-il.

La Suisse profite de cet intérêt des Chinois grâce à sa force industrielle. L’an dernier, la Chine a importé un total de 770 tonnes d’or de Hongkong, et 442 tonnes de Suisse. A fin novembre, l’Australie lui en avait fourni 53 tonnes, Royaume-Uni 16 tonnes. A ces importations, il faut ajouter la production domestique, évaluée l’an passé à plus de 450 tonnes, selon l’association chinoise de l’or. Elle consomme ainsi plus d’or que l’Inde. La publication des chiffres des prochains mois permettra de vérifier la théorie de mise à l’écart de Hongkong.

Reste une dernière variable, les achats d’or par la PBOC. Officiellement, la banque centrale n’en possède que 1843 tonnes, mais la plupart des observateurs estiment que ses coffres en détiennent bien davantage. «En recoupant les indices que j’ai recueillis, j’estime que ses réserves approchent les 4000 tonnes», avance Koos Jansen, qui souligne l’opacité des opérations de la PBOC. Les réserves de la Chine seraient ainsi les deuxièmes au monde après celles des Etats-Unis (plus de 8000 tonnes) et devant l’Allemagne, la Suisse se situant au 7e rang, avec quelque 1000 tonnes, selon le Conseil mondial de l’or.

Frédéric Lelièvre