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dimanche 26 février 2017

«One man, one vote» – pas en Suisse!


Le fédéralisme privilégie et protège les citoyens des petits cantons, par exemple, celui d’Uri.
(Keystone)


Lors des élections et votations en Suisse, la voix d’un Zurichois a bien moins de poids que celle d’un habitant d’Appenzell Rhodes-Extérieures. La règle de la double majorité et l’institution du Conseil des Etats accordent aux petits cantons plus de poids qu’ils n’en auraient au vu de leur population. Est-ce encore justifié de nos jours?

Gros émoi après l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, lorsque l’on a appris que sa rivale malheureuse Hillary Clinton avait en fait obtenu presque 2,9 millions de voix de plus que lui.

Responsable de cette bizarrerie: le système électoral de ce pays fédéraliste que sont les Etats-Unis. Les Etats peu peuplés ont davantage de Grands Electeurs par rapport à leur population que les Etats les plus peuplés, majoritairement urbains. Dans l’esprit des pères de la Constitution américaine, l’idée était de protéger la population rurale de la puissance dominante des villes.

La Suisse connaît aussi ce type de mécanisme de protection fédéraliste. Ici, il y en a deux, qui donnent aux petits cantons plus de poids qu’ils n’en auraient au vu de leur seule population:
Le Conseil des Etats: la Chambre haute du parlement fédéral est composée de deux représentants par canton et un par demi-canton, indépendamment de la population du canton.

La double majorité (peuple et cantons): les modifications de la Constitution fédérale doivent être approuvées dans les urnes non seulement par la majorité des citoyens, mais également par la majorité des cantons et demi-cantons. Il arrive qu’une majorité de la population approuve une proposition, mais pas la majorité des cantons. L’objet est ainsi refusé. Théoriquement, ce système permettrait à 9% de tous les citoyens suisses (soit la moitié des citoyens des 11 cantons et demi les moins peuplés) de repousser une proposition. Lorsque l’on vote sur une modification de la Constitution (ce que sont toujours les initiatives populaires), un citoyen d’Appenzell Rhodes-Intérieures a environ 39 fois la puissance électorale d’un Zurichois.

En Suisse, la plupart des petits cantons sont plutôt ruraux, alors que les cantons urbains sont par nature plus peuplés et que cette population ne cesse d’augmenter. En bref, cela signifie que le fédéralisme privilégie la population des campagnes.

(swissinfo.ch)


Fossé ville-campagne

Ceci est particulièrement problématique, car ville et campagne votent et élisent bien différemmentexternal link. Les villes sont majoritairement orientées à gauche, alors que les campagnes votent et nomment des représentants plutôt de droite ou des partis bourgeois.

Le politologue et blogueur Sandro Lüscher a évaluéexternal link les résultats des votations entre 2007 et fin 2016 et comparé les résultats de la ville de Zurich avec ceux de la Suisse dans son entier.

Résultat: la différence entre les pourcentages de «oui» était de 9,2 points de pourcent en moyenne. Dans 16 cas sur 82, les citadins de Zurich ont été minorisés par le reste du pays, ce qui correspond à 19,5% des votations environ. «Dans une votation nationale sur cinq, la ville de Zurich se voit balayée», écrit Sandro Lüscher.

A Zurich, mais également à Berne et à Lucerneexternal link, certains ont même déjà posé la question de la création d’un demi-canton pour la ville, vu que la population de la campagne vote différemment de celle du chef-lieu.

Ne pas heurter la Suisse romande

Alors, pourquoi la Suisse a-t-elle adopté ce système qui ne donne pas le même poids à la voix de chaque citoyen? Il faut en chercher les raisons dans l’Histoire: après la défaite des cantons catholiques qui avaient formé une alliance séparée ayant causé la guerre civile dite du Sonderbund en 1847 (environ 150 morts), on a voulu les convaincre de se rallier à l’Etat national en introduisant les institutions du Conseil des Etats et de la majorité des cantons. Dès la première version de la Constitution fédérale (1848), les cantons sont considérés comme des entités étatiques, ce qui est encore partiellement le cas aujourd’hui.

Pour Rainer J. Schweizerexternal link, professeur émérite de droit public, la raison principale du maintien de ce système est l’existence des cantons francophones. «Déjà lors de la révision totale de la Constitution de 1872/74, on a discuté de la possibilité de tenir compte du chiffre de la population des cantons pour le décompte de la double majorité et pour le nombre de sièges au Conseil des Etats». Mais c’est par égard pour les cantons francophones que cela a été rejeté et que rien n’a changé jusqu’à aujourd’hui.

Le juriste souligne que dans certains cantons, la population a considérablement augmenté. «Cela rend l’égalité schématique entre les cantons difficile à comprendre». Mais toute adaptation dans le sens de plus de proportionnalité conduirait à des débats interminables. Et comme l'abolition de la double majorité ne pourrait être décidée qu’à la double majorité, les petits cantons seraient naturellement peu enclins à limiter leur propre pouvoir.

Protection des minorités?

Pour autant, les petits cantons ou les cantons francophones n’ont pas tout à fait tort de se défendre contre une adaptation qui tiendrait compte du chiffre de leur population. Car leurs intérêts sont effectivement différents de ceux des cantons urbains ou des cantons alémaniques.

En forçant le trait, on pourrait dire que la question est de savoir si l’on veut une dictature de la majorité ou une dictature de la minorité. Avec le principe «one man, one vote», les cantons fortement peuplés comme Zurich, Berne, Vaud ou Argovie pourraient régulièrement minoriser les petits comme Glaris, le Jura, Schaffhouse ou Uri. De même, la Suisse alémanique pourrait facilement l’emporter sur la Suisse latine, vu que 70% des Suisses parlent allemand.

Par contre, si l’on privilégie les petits cantons, la minorité peut décider contre la majorité. Le dilemme est insoluble. A tout le moins dans un pays hétérogène comme la Suisse.