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lundi 24 avril 2017

Victoire de l'avatar de François Hollande


PHILIPPE WOJAZER / REUTERS
Emmanuel Macron vainqueur du 1er tour de l'élection présidentielle, c'est la victoire de François Hollande.



Emmanuel Macron vainqueur du 1er tour de l'élection présidentielle, c'est la victoire de François Hollande.

Le principal victorieux de ce soir était absent des plateaux télévisés, mais sa présence pouvait clairement se faire sentir: François Hollande.

Sa victoire est à la fois tactique et doctrinaire. Tactiquement, il a su rendre possible la victoire d'Emmanuel Macron. Il en a assuré l'ascension en faisant de lui son conseiller, l'a nommé ensuite ministre de l'économie. Par ailleurs, la construction du mouvement "En marche" n'a pas déclenché les foudres élyséennes. M. Hollande a eu plus de souci de malmener M. Hamon que M. Macron. Son soutien devenant presque gênant en fin de campagne que le jeune candidat à la présidentielle invitait le président de la République à s'occuper de sa fonction avant toute chose.

M.Hollande est un habile manœuvrier, c'est certainement une leçon bien apprise du Mitterrandisme. Dimanche soir, il a assuré sa quasi réelection sous un autre nom. Son ancien premier ministre Manuel Valls est même disponible en cas de besoin. Nous assistons là à un chef d'œuvre du transformisme politique.

C'est aussi une victoire doctrinaire du président de la République. Ce dernier n'a pas trahi la gauche, il a achevé de poursuivre cette fois sans fard, la transformation du PS en parti de droite ou de centre-droit. La mutation opérée à partir de 1983 connaissait ainsi son accomplissement. La loi El khomri et la loi Macron, en étaient les plus éclatants symboles. Ici il ne parait pas nécessaire de revenir sur la capitulation pour réorienter la construction européenne. Lionel Jospin avait largement ouvert la voie en 1997 avec l'acceptation du Pacte de stabilité et de croissance.

Mais ne l'oublions pas le hollandisme économique est un macronisme avant toute chose. Par les positions stratégiques qui ont été les siennes: conseiller de François Hollande, ministre de l'économie, il a largement façonné les orientations libérales du quinquennat et surtout ses échecs. La Loi Macron ou encore le CICE ont été des fiascos. Ce dernier coûte cher aux finances publiques avec le résultat que l'on sait en matière d'emploi. Quant à la loi El Khomri, même s'il est encore tôt pour en apprécier les effets, l'expérience historique en matière de flexibilité, laisse espérer peu de choses.

Aujourd'hui M. Macron reprend son propre héritage et veut s'il est élu le rendre pérenne. Il prépare un super CICE, compte aller plus loin dans la flexibilisation du marché du travail par le biais des ordonnances, et modifier la fiscalité, particulièrement l'ISF, dans un sens encore plus inégalitaire. Le président de la République peut donc s'assurer de la continuité de son œuvre.

C'est aussi une victoire doctrinaire dans le champ européen car le président renonçant à réorienter les institutions européennes et poser la question de l'euro, s'est alors rabattu sur le marché du travail pour satisfaire leurs attentes

M. Macron ne dit rien d'autre en assurant l'Allemagne, faux nez, de l'Union européenne que les réformes attendues seront réalisées à savoir la réduction du périmètre de l'Etat social.

La victoire de M. Hollande est presque totale. Une victoire à la Pyrrhus car il laisse le parti socialiste à terre. Ce parti a vécu. Mais les hommes qui le composent sauront offrir leur service au candidat d'"En Marche". Mais comme ils ne parviendront pas à eux seul à faire advenir un succès aux législatives à M. Macron, ils trouveront leurs alliés avec des membres des Républicains, prêts à déserter leur navire.

Il n'est pas non plus surprenant de voir Jean Claude Juncker, ou la chancellerie Allemande se féliciter de la victoire probable de M. Macron car c'est une grande coalition qui se dessine. N'oublions pas que c'est la formule politique qu'affectent les institutions européennes pour assurer la mise en œuvre des réformes dites "structurelles".

Depuis dimanche soir, nous entendons une agitation dans laquelle des voix nous disent que les vieux clivages ont disparu, que M. Macron incarne la nouveauté tant attendue. Bien au contraire, c'est pour reprendre un titre célèbre, à l'ère du vide à laquelle nous assistons. Son discours du premier tour, assez creux somme toute, semblait déjà tourner vers les prochaines échéances électorales tant la question des alliances va se poser.

Ce qui est à regretter, c'est que le fond ne soit jamais discuté.

A aucun moment, un débat sérieux ne s'est engagé pour mettre en lumière l'absence de nouveautés dans les propositions du jeune candidat. Pourtant, ce sont trente années de politiques d'inspirations libérales qui ont nourri notre recul économique et la montée du Front National.

Ce soir il est trop tôt d'affirmer que les idées de M Macron sont majoritaires dans notre pays.

Plus de 55% des électeurs ne se reconnaissent dans aucun des deux candidats du second tour. Et sans vouloir se livrer à des mathématiques électorales contestables, l'addition des voix de M. Melenchon et Hamon donne la gauche en tête. Là est le véritable problème, l'absence de ce courant politique au second tour, ce qui rend le débat à nouveau interdit.

En effet, les critiques doivent être reportées à plus tard car le FN menace. Le vrai débat sur les choix de politique économique et sociale pour ne citer que ceux là, et qui devrait être au cœur de la présidentielle, sera maintenu dans le silence.

Il faudra attendre les législatives nous dit-on. De ce jeu politique délétère, il parait nécessaire d'en sortir. Comme le dit le grand poète turque N. Hikmet "être captif là n'est pas la question, il s'agit de ne pas se rendre".

La gauche, pas celle du PS du moins pas celui d'aujourd'hui, a un impératif de renaitre de ses cendres pour offrir une autre politique économique et sociale que celle qui est proposée par le candidat de droite, M. Macron. Le débat est à cette condition.

Le clivage gauche-droite n'est pas mort ce soir, il persiste plus que jamais. La France ne peut avoir pour seul choix: la droite ou l'extrême droite.

Frédéric Farah 
Professeur de sciences économiques et sociales