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mercredi 7 juin 2017

Pourquoi le Qatar est devenu vilain petit canard…




Il y a une quinzaine de jours, Donald Trump était reçu, tel le Messie, à Riyad, brisant ainsi son relatif encerclement diplomatique et se faisait pardonner, dans la foulée, quelques sorties antimusulmanes tenant autant du propos de comptoir que des foucades de campagne électorale.

À l’occasion, il enjoignait le monde arabo-musulman de lutter contre ce terrorisme diligenté, comme chacun sait, par l’Iran. La suite est connue : le Qatar fut mis en quarantaine par ses voisins du Golfe. Les raisons d’un tel retournement sont multiples, même si contradictoires en apparence.

Malgré son peu de marge de manœuvre, Barack Obama, fin connaisseur du monde musulman, entendait ne pas être trop esclave de la vieille alliance américano-saoudienne, ayant compris, à l’instar de nombre d’analystes de la CIA, que Riyad était un allié de moins en moins fiable. Renouer avec Téhéran était donc l’option de rechange, l’Iran bénéficiant à la fois d’une certaine stabilité politique et d’au moins autant de ressources énergétiques.

Dans la foulée, le Qatar commençait à prendre son indépendance vis-à-vis de ses voisins, investissant à tout va, sachant que les richesses de son sous-sol n’auraient qu’un temps. Mieux : en créant la chaîne télévisée Al-Jazeera, Doha entendait concurrencer, en matière de communication mondiale, la toute-puissante CNN américaine et faire honte à la chape de plomb médiatique saoudienne.

On notera encore qu’en France, et ce, depuis François Mitterrand, le même calcul avait été fait, lequel consistait à ne pas être trop dépendant des pétrodollars saoudiens tout en favorisant ce petit émirat aussi audacieux que soucieux de se parer des atours d’un État relativement « moderne ». Le sommet de cette politique de contournement fut atteint sous l’ère de Nicolas Sarkozy, avant qu’avec François Hollande Paris n’en revienne au traditionnel attelage franco-saoudien.

Le seul à tenter de freiner des quatre fers ? Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, qui tenta et réussit à renouer avec l’Iran, malgré une intransigeance de façade quant à son programme nucléaire.

Dans ce grand jeu diplomatique, il est coutume de mettre en avant la lutte contre le terrorisme. Jeu de dupes, ou poudre aux yeux médiatique, dira-t-on. Téhéran ou Doha, financiers du terrorisme ? Hormis « l’expert » BHL, personne n’y croit une seconde. Certes, ces deux capitales financent de longue date les Frères musulmans, mais cette confrérie n’est finalement pas plus « terroriste » que l’OLP put l’être en son temps, avant de devenir partenaire officiel d’Israël, État lui-même fruit d’un autre terrorisme… À Gaza, le Hamas, épigone palestinien de ces mêmes Frères musulmans, ne fait rien d’autre que de résister à une occupation régulièrement condamnée par toutes les instances internationales.

Ce n’est donc pas à l’aune d’une fantasmatique « guerre au terrorisme » qu’il faut juger cet actuel rapprochement, étrange de prime abord, mais simple contorsion permettant à Riyad de sortir de son isolement. Ainsi, ce n’est pas un hasard si Ankara proteste contre la mise à l’écart de Doha, la Turquie ayant toujours entretenu des rapports « courtois » avec le Qatar. Idem pour Téhéran, qui a toujours pris soin de ne pas trop se brouiller avec ce petit émirat sunnite, tout en prenant garde à ne pas couper les ponts avec Ankara, allié à manier avec précaution, sachant que ces deux pays musulmans, l’un sunnite et l’autre chiite, ont au moins ceci de commun de ne point être arabes et de se disputer le leadership politico-religieux régional.

Que nous réserve ce coup diplomatique de Riyad ayant tout d’un coup de bluff ? Nous le saurons bientôt. Mais à la place des Saoudiens, on ne mettrait pas trop d’espoir en cette tentative de retournement, à la va-vite expédiée, sachant que les pesanteurs historiques et géopolitiques pèsent autrement plus lourd que ces petites combinaisons, à la fois légères et de circonstance.

Nicolas Gauthier
Journaliste, écrivain