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dimanche 23 juillet 2017

«Les vaches dans les alpages sont bonnes pour le tourisme»


Pour les touristes, voir des vaches sur les alpages est une attraction.
(sommerzeit-der-film.ch)


Les Alpes et les vaches sont à la Suisse ce que la mer est à l’Italie et la tour Eiffel à Paris. L’économie alpestre se perpétue depuis des siècles et a évolué en permanence pour faire face à de nouvelles situations. Bien que le travail y soit pénible, l’agronome Felix Herzog estime qu’elle a certainement un avenir. Non seulement parce que les paysans sont attachés aux traditions alpestres, mais aussi en raison du large soutien dont elle jouit dans la population et les milieux politiques.

swissinfo.ch: Quelle est l’importance de l’économie alpestre pour l’agriculture en général?

Felix Herzog: Elle reste encore très importante pour l’économie de montagne. Les pâturages alpins et du Jura représentent en définitive environ un tiers de la surface agricole de Suisse. Nous avons à peu près un million d’hectares de surface agricole dite utile (en régions de plaine et de montagne) et un bon demi-million d’hectares de surface d’économie alpestre. Financièrement toutefois, elle a moins de poids parce que sa productivité est faible. La croissance du fourrage y est bien plus modeste qu’en plaine.

Les zones d'estivage sont représentées en vert.
(Office fédéral de l'agriculture)


swissinfo.ch: Pourquoi les paysans passent-ils l’été avec leurs bêtes sur l’alpage alors que la vie y est frugale et le travail pénible?

F.H.: Les pâturages et leur herbe constituent toujours la principale raison parce qu’ils permettent aux paysans de former de plus grands troupeaux. Un autre facteur qui relève aussi de la production est la santé des animaux.

swissinfo.ch: Mais il n’est pas toujours facile de trouver le personnel d’alpage adéquat...

F.H.: Le problème n’est pas nouveau. Il a toujours été difficile de trouver des gens pour ce boulot pénible. Certains des alpages qui emploient du personnel doivent chaque année constituer une nouvelle équipe et la former, ce qui est très éprouvant pour les responsables. Et évidemment, la qualité du travail en souffre aussi.

Le personnel est aussi difficile à trouver parce que c’est un job saisonnier. Vous avez un boulot pour trois mois, mais il faut aussi pouvoir travailler le reste de l’année. Pourtant, aussi bien en Suisse qu’à l’étranger, il y a des gens qui arrivent à s’organiser et qui le font volontiers.

swissinfo.ch: Que faudrait-il pour remédier à ce manque de personnel?

F.H.: L’infrastructure joue un rôle important. Je ne parle évidemment pas de maisons de vacances, mais au moins qu’il y ait de l’eau chaude et une pièce qui peut être chauffée. La reconnaissance par les responsables d’alpage est aussi importante, parce que le travail est dur et la responsabilité est lourde. Il y a évidemment aussi le salaire, qui n’est pas princier, mais suffit pour attirer certains travailleurs étrangers.

swissinfo.ch: Le nombre d’animaux dans les alpages et les surfaces exploitées diminuent. Pourquoi?

F.H. Il y a un peu moins d’animaux en estivage notamment parce qu’il y a toujours moins de petites exploitations agricoles de montagne. Un village qui en comptait auparavant de 10 à 15 n’en a maintenant plus que deux d’importance moyenne. Cela signifie aussi que la main-d’œuvre fait défaut pour entretenir les pâturages, ce qui nécessite un certain travail. Et s’il n’y a pas assez de main-d’œuvre, il est compréhensible qu’on exploite d’abord au mieux les surfaces de plaine les plus productives. Les régions marginales des Alpes viennent ensuite, si on a encore le temps.

swissinfo.ch: Est-ce que l’augmentation du nombre de vaches à haute productivité contribue également à la baisse des animaux qui estivent?

F.H.: Oui, ces vaches ne sont pas faites pour la montagne et le fourrage n’a pas les qualités dont elles ont besoin. Ce serait tout simplement de la cruauté et elles souffriraient de la faim. Ces vaches d’élite existent dans toutes les grandes races. Elles produisent environ 10'000 litres de lait par an alors que les vaches mixtes qui peuvent monter à l’alpage en donnent de 5 à 6000 litres.

swissinfo.ch: Est-ce que les fusions d’exploitation d’alpage ont un sens?

F.H.: Cette mutation structurelle n’est pas nouvelle et elle se produit également en plaine: des exploitants arrêtent, d’autres peuvent se développer. Toutefois, la topographie fixe certaines limites dans les régions de montagne et dans les Alpes. Si deux alpages sont séparés par un sommet, on ne peut que les exploiter séparément. Et les gens sont plutôt traditionalistes, ce qui peut bloquer certaines réunions.

swissinfo.ch: S’ils ne sont plus exploités, les pâturages alpins partent en friche. Y a-t-il des différences régionales?

F.H.: Au Tessin et aux Grisons, il y a déjà longtemps que des alpages sont abandonnés aux broussailles et à la friche. Les vallées du sud et du sud-est du pays sont principalement touchées, mais le Valais n’est pas épargné. Les Alpes du Nord sont moins affectées et le Jura ne l’est pas du tout. Les crêtes jurassiennes sont plus basses et moins escarpées, ce qui permet de les exploiter plus intensivement.

Des différences régionales se manifestent aussi dans les conditions de propriété: aux Grisons, il y a davantage d’alpages en consortage alors qu’en Suisse centrale et orientale, ce sont plutôt des alpages privés. Mais on trouve de tout: des troupeaux réunis pour lesquels la traite est cependant séparée. Des cabanes privées sur des pâturages communs. Il y a aussi les grands consortages de Suisse centrale issus de vieilles traditions ou encore les alpages familiaux classiques où tout est privé.

swissinfo.ch: Quelles sont les conséquences des friches sur la biodiversité?

F.H.: Une bonne partie des espèces sauvages qui dépendent de l’exploitation agricole des sols vivent dans les régions de montagne et une grande partie des surfaces protégées inventoriées sont situées dans des zones d’estivage, que ce soient des marais, des prairies ou des pâturages secs. Les espèces installées dans ces biotopes entretenus disparaissent, mais l’embroussaillement permet à d’autres de s’implanter. Mais ce ne sont généralement pas des espèces rares.

swissinfo.ch: Quelle influence le changement climatique a-t-il sur l’économie alpestre?

F.H.: Tous ceux avec qui nous avons parlé ont constaté que la saison de l’estivage commence une semaine plus tôt, que le fourrage pousse plus vite et que la végétation se développe plus rapidement, toutes choses qui ont une incidence positive sur la production. Mais les buissons et les arbres indésirables se développent aussi plus vite, ce qui est moins apprécié.

Il est aussi difficile de savoir exactement ce qui relève du changement climatique et ce qui résulte d’autres causes – par exemple les recommandations sur le fourrage ou, plus généralement, pour une meilleure exploitation des alpages. Autrement dit, le climat et la gestion ont tous deux évolué au cours des trente dernières années.

Les modèles climatiques prédisent que nous aurons à l’avenir dans toute la Suisse de plus longues périodes de sécheresse en été. Le fourrage poussera donc moins bien. Mais les pâturages alpestres seront moins touchés que les régions de plaine parce que le terrain y est plus diversifié, les précipitations plus locales et que des vallées ombragées permettront au fourrage de pousser. Les alpages pourraient donc jouer à l’avenir un rôle plus important dans la production.

swissinfo.ch: Dans quels domaines la politique doit-elle intervenir pour soutenir l’économie alpestre?

F.H. La politique fait déjà beaucoup. Ainsi, la Confédération a accru la contribution d’estivage pour la période 2014-2017. Et il y a maintenant aussi des paiements directs pour les surfaces dites de promotion de la biodiversité. Toutefois, on parle de nouveau d’une réduction pour les alpages de courte durée. Il est clair qu’une telle mesure rendrait l’exploitation alpestre bien moins intéressante.

swissinfo.ch: Les produits venant des alpages ont bonne réputation, mais ils sont chers. Comment réagissent les consommateurs?

F.H.: Nous avons constaté qu’ils sont prêts à mettre le prix pour les produits d’alpage qui bénéficient d’une très bonne image. On part de l’idée que les animaux ne mangent que de l’herbe et que le fromage est produit à la main et non de manière industrielle.



swissinfo.ch: Quelle est l’importance de l’économie alpestre pour le tourisme? 

F.H.: Le tourisme bénéficie des pâturages soignés, de l’entretien du paysage par les alpagistes et des vaches dans les alpages. De l’autre côté, les alpagistes profitent certainement de la possibilité de vendre leur fromage sur l’alpage. Une situation classique où tous deux sont gagnants. 

L’économie alpestre

Chaque été, environ 17'000 alpagistes montent dans les hauteurs pour trois mois environ d’estivage avec leurs bêtes, soit 400’000 vaches et veaux, 210’000 moutons ainsi que des chèvres, des chevaux, des ânes, des lamas et des alpagas. Un tiers des personnes travaillant dans les alpages viennent de l’étranger, surtout d’Allemagne, d’Autriche et d’Italie. Les vachers et les bergers touchent de 3 à 4000 francs net par mois. 

Les 4655 kilomètres carrés de pâturages dans les Alpes et le Jura représentent un tiers de la surface agricole utile de la Suisse. Les quelque 7000 exploitations d’alpage – tendance à la baisse – y génèrent chaque année 280 millions de francs de revenu, ce qui représente 11% du revenu des exploitations agricoles de Suisse.