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dimanche 18 mars 2018

Une femme pour chanter le «Ranz des vaches» ?




«Je pense que je n’ai aucune chance. Je souhaite même qu’un armailli soit pris. Mais j’ai postulé pour faire réfléchir et, peut-être, susciter l’idée d’un duo.» La chanteuse Carol Rich s’excuserait presque d’avoir déposé son dossier pour être soliste du Ranz des vaches à la prochaine Fête des Vignerons, une candidature révélée dans La Gruyère . Cette fois-ci, ce n’est pas un poisson d’avril, au contraire de ce qu’avait imaginé ce périodique l’an dernier, à l’insu de Carol Rich, en affirmant, pour la blague, qu’une femme tiendrait ce rôle en 2019.

Interrogée par téléphone, elle explique sa réelle postulation: «Fille de laitier, j’ai baigné dans ce milieu, j’ai porté les boilles et je sais la difficulté du métier de paysan. Il faut avoir ce lien: Céline Dion ou Madonna ne pourraient pas se mettre à chanter le Ranz des vaches à peine posé le pied en Suisse.» Celle qui représenta la Suisse à l’Eurovision de 1987 a entonné l’hymne des armaillis depuis petite. Mais ce n’est qu’au tournant du siècle qu’elle s’ose au solo public: «La télévision m’avait demandé de le chanter suite à la Fête des Vignerons de 1999. Le journaliste Jean-Philippe Rapp avait affirmé que si j’avais eu un sac sur la tête, il aurait pensé que ce n’était pas une femme mais un jeune vacher. Un compliment! Je ne suis qu’à un demi-ton de Bernard Romanens (ndlr: soliste de
la Fête de 1977)! En 2003, j’ai enregistré un disque avec Patrick Menoud (ndlr: soliste principal de l’édition 1999). À cette époque, en tournée, il chantait le Ranz des vaches, et j’intervenais sur le refrain.» Jusqu’à une grande fête du 1er Août de cette année-là, au Tessin, où, Menoud absent et son frère aphone, elle s’en charge seule. «Depuis 2010, je chante chaque année le Ranz des vaches au pied du Moléson. C’est comme entrer en prière. Des bus entiers viennent de toute la Suisse pour m’écouter. Des gens pleurent.»

«Plus brutal qu’innovant»

Après l’annonce d’intégrer des Cent-Suissesses à la Fête de 2019, quid d’une femme pour ce moment phare du spectacle? «La masculinité est prépondérante dans ce chant, affirme François Margot, abbé-président de la Confrérie des Vignerons. Je ne peux m’avancer sur les développements qu’imagineront le metteur en scène Daniele Finzi Pasca et la direction artistique, mais, à titre personnel, je pense qu’une soliste femme dans cet univers masculin amènerait une brutalité plus qu’une innovation.» Il est appuyé par Denis Rohrbasser, président de la Société des armaillis de la Fête: «L’abbé-président a ouvert le Conseil de la Confrérie à des femmes. Et les Cent-Suissesses auraient été encore inimaginables en 1977 et en 1999. On n’est pas des machos, on s’ouvre! Mais il
faut une voix de ténor pour le Ranz des vaches, cela doit rester masculin.» À part cette postulation féminine, qu’en est-il des autres candidatures? Ont-elles été nombreuses? D’où proviennent-elles? La Confrérie garde le secret: «En accord avec le Conseil artistique, il a été décidé de donner un temps d’analyse serein des différents dossiers aux personnes chargées de ce tableau, en respectant une
procédure qui se doit d’être protégée de toute pression extérieure. Durant cette phase, la Confrérie et la Fête ne communiqueront pas à ce sujet.» Pour rappel, l’annonce avait paru le 27 février et les intéressés avaient jusqu’au 9 mars pour se faire connaître. Un appel dans la presse qui a suscité des inquiétudes, même à l’interne de la Confrérie: si cette procédure aboutissait au choix d’un soliste non
fribourgeois? Ainsi, le Confrère Pierre-David Blanc, trois Fêtes à son actif, insiste: «Octroyer le rôle de soliste à un gars de la Veveyse ou de la Gruyère, c’est renouveler le pacte de proximité du sud fribourgeois avec Vevey-Lavaux. En faire un marché libre et ouvert, où la seule qualité vocale sera prise en compte, c’est faire fi de cette relation d’amitié et de confiance. Le «patron» du Ranz des vaches en est le symbole, auquel tous ses citoyens s’identifient: c’est notre voix, notre identité, notre émotion, nos tripes!»

«Armailli en dentelles»

Une affirmation dans La Gruyère de l’abbé-président, selon laquelle la provenance de la voix importait peu, a semble-t-il mis le feu aux poudres. Ce dernier tempère: «Nous avons envie d’être étonnés, de nous laisser séduire par des voix qui ne se limitent pas à la Gruyère. Mais il est évident qu’elles doivent s’incarner dans un substrat historique, culturel et géographique.» Il rappelle: «Bernard Romanens, armailli chanteur en 1977, est le mythe sur lequel on cristallise l’image du soliste du Ranz des vaches. Mais Robert Colliard, en 1927, était Veveysan, et Placide Currat, en 1889 et en 1905, était notaire!» «Il avait quand même de la terre au soulier, car il habitait en Gruyère et était issu d’une famille paysanne», estime André Brodard, président du Chœur des armaillis de la Gruyère. «Il avait pourtant fait débat à l’époque, comme «armailli en dentelles», rappelle Isabelle Raboud, directrice du Musée gruérien. Pourtant, habitué de par sa fonction à produire un effet sur un public, il a porté ce chant tout autour du monde!» «Certains portent le costume sans avoir la pratique de l’alpage, mais ne sont pas pour autant des armaillis de salon! constate Raoul Colliard, maître armailli de la Fête de 1999. Certains nous aident et savent préparer le bétail sans être nécessairement agriculteurs. Nous avons une pléiade d’excellents ténors. Je fais confiance à la Confrérie pour trouver cette voix authentique, qui connaisse si possible le patois fribourgeois.»