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vendredi 14 décembre 2018

Les chocolats Cailler fêtent leurs 200 ans





Fondée en 1819, la maison Cailler a tracé un sillon indélébile dans l'histoire de la confiserie en Suisse. La production industrielle de chocolat au lait a façonné la manière dont le cacao est consommé encore aujourd'hui dans le pays. De nombreuses réussites et quelques déconvenues - dont une faillite - ont ponctué les deux siècles d'existence de la marque.

La marque Cailler voit le jour à Vevey sous l'impulsion de François-Louis Cailler. A l'époque, le chocolat est réservé à une élite et considéré plutôt comme un fortifiant. «Il était vendu dans les boulangeries et chez les confiseurs, mais également en pharmacie», indique à AWP l'historien Albert Pfiffner, des Archives Historiques Nestlé.

Le chocolat de l'époque est noir, assez amer. Au cours du 19e siècle, il est consommé sous forme de boisson, comme remède et concentré de calories facile à conserver, souligne l'historien. Une révolution se prépare toutefois, avec l'arrivée du lait dans la recette.

Agé de 23 ans, le jeune François-Louis Cailler prend un associé et ouvre une épicerie fine, dans laquelle il écoule notamment son chocolat, produit dans une usine louée à cet effet. «Il faut considérer ces années comme un apprentissage. Tout ce qu'il a appris, il l'a exploité ensuite pour obtenir son succès», selon M. Pfiffner.

Les femmes au pouvoir

Vevey est à l'époque un terreau fertile pour les chocolatiers. Pour l'historienne Lisane Lavanchy, la persévérance, la solidarité familiale et le sens du marketing hors pair des Cailler leur a permis de sortir du lot. «Lorsque les enfants ont repris l'affaire, ils ont conservé le nom François-Louis Cailler, mis en évidence la date et le lieu de fondation, pour s'inscrire dans la longévité.»

Le sens des affaires n'explique pas tout. La qualité des produits devait être reconnue, bien qu'il n'existe aucun moyen de le prouver. L'entreprise François-Louis Cailler a gagné quelques médailles lors de concours. Ces récompenses ont par la suite orné les étiquettes des chocolats primés, mais pas avant 1867 soit quinze ans après la mort du fondateur.

Les premières années de l'entreprise Cailler sont marquées par les difficultés. François-Louis change d'associé à plusieurs reprises et fait même faillite en 1826. Durant la période où il lui est interdit de faire des affaires, c'est son épouse Louise-Albertine qui mène la barque.

La chose est extrêmement rare à l'époque. «Elle demande une protection juridique, car elle n'a pas le droit de diriger une entreprise toute seule», note Mme Lavanchy, des Archives Historiques Nestlé. Louise-Albertine Cailler fait mieux que gérer les affaires courantes, un bon travail reconnu par son mari lorsque celui-ci revient officiellement aux affaires.

L'intérim de l'entreprise Cailler sera à nouveau assuré par une femme après le décès des deux héritiers en 1866.

Broc, le tournant

Le véritable tournant intervient en 1898, avec le transfert des activités à Broc, en Gruyère, resté au fil des ans le siège de Cailler. Le petit fils de François-Louis, Alexandre-Louis, est alors aux commandes. Cailler devient propriétaire des ses installations pour la première fois de son histoire.

La maison s'est spécialisée dans le chocolat au lait, désormais produit en quantité industrielle. La demande a explosé. «L'usine a grandi rapidement en plusieurs étapes, afin de rajouter de la capacité de production», souligne Albert Pfiffner.

La paternité du chocolat au lait est souvent attribuée à tort à Cailler, alors que c'est un entrepreneur vaudois, Daniel Peter, qui met au point la recette en 1875. L'invention tombe dans l'escarcelle de Cailler par un jeu d'alliances, Peter ayant marié la fille de François-Louis Cailler. Cette innovation transforme le chocolat en friandise et remporte l'adhésion des consommateurs suisses.

Le chocolat au lait fait partie des recettes helvétiques originales, tout comme le chocolat fondant, inventé par le confiseur zurichois Lindt.

Alexandre-Louis Cailler a néanmoins perfectionné le concept de Peter en recourant à du lait condensé, plus onctueux que celui en poudre utilisé jusqu'alors. L'entrepreneur puise le précieux liquide auprès des agriculteurs gruériens. Le chocolatier devient également un pourvoyeur d'emplois très important pour la région. Au début du 20e siècle, l'usine compte 1300 employés, contre 300 aujourd'hui.

En 1929, la société se nomme Peter, Cailler, Kohler et fusionne avec Nestlé, afin de profiter du réseau de distribution du groupe veveysan et se développer à l'international.

ATS