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lundi 1 avril 2019

Vivre la démocratie est une compétence qui s’apprend




L’éducation politique 2.0 veut donner aux jeunes un bagage de connaissances et d’aptitudes suffisantes pour qu’ils puissent participer activement à la vie démocratique suisse. Regard sur un nouveau concept auquel le fédéralisme fixe des limites avec la spécialiste de l’éducation et de la formation Monika Waldis.

La nouvelle avait provoqué un certain choc: en 1999, les écolières et les écoliers suisses s’étaient retrouvés plutôt mal classés dans l’étude comparative internationale «International Civic and Citizenship Education Study (ICCS)»Lien externe. Le résultat ne concernait pas la physique ou la biologie, mais leurs compétences dans le domaine politique. En 2010, une étude similaire donnait une image analogue. La Suisse a renoncé – pour des raisons budgétaires – à participer à une nouvelle enquête comparative en 2016.

Toutefois, si la relève du pays champion du monde de la démocratie directe a de fortes lacunes en politique et peine à la comprendre, il devient nécessaire d’agir. Parce que, dans aucun pays au monde, les citoyennes et les citoyens ne sont appelés aux urnes aussi fréquemment qu’en Suisse.

Ce fiasco est aussi une des raisons qui a poussé à revoir l’instruction civique ou politique en Suisse alémanique dans le cadre du nouveau plan d’étude pour les niveaux primaires et secondaires intitulé «Lehrplan 21». L’objectif de l’éducation politique 2.0 peut être résumé en deux mots: compétences politiques. En Suisse romande, le plan d’étude romand appliqué depuis la rentrée 2013/2014 intègre, lui, une éducation à la citoyenneté.

«En politique, il y a certaines choses qu’on peut apprendre, exactement comme on le fait en mathématiques, pour les langues étrangères ou dans d’autres branches. Des connaissances de base sont indispensables pour l’aborder et s’y retrouver. Il faut savoir quelles institutions existent, ce qu’est la séparation des pouvoirs et pourquoi les droits de l’homme sont si importants», explique Monika Waldis. La professeure dirige le Centre pour la formation politique et l’enseignement de l’histoire de la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse qui est rattaché au Centre pour la démocratie d’Aarau.

Dire ce qu’on veut

«Il faut en outre que les écolières et les écoliers connaissent les processus politiques et aient les moyens de formuler et de faire valoir ce qui est important pour eux». Pour Monika Waldis, il est également essentiel que les jeunes soient capables de reconnaître ce qu’il leur est possible de faire et d’atteindre.

Tout cela sonne bien, mais Monika Waldis met en garde contre des attentes trop élevées. Parce que l’éducation politique n’occupe qu’une place marginale dans le nouveau plan d’étude – avec une heure d’enseignement par semaine.

S’orienter dans le processus politique

Mais de quelles compétences politiques parle-t-on concrètement? Dans les années 70, l’éducation civique se concentrait sur l’accomplissement des devoirs des citoyens au sens républicain: se rendre aux urnes pour voter ou élire les représentants du peuple.

L’éducation politique 2.0 veut aussi développer les aptitudes dans les domaines suivants: coopération et communication, analyse et résolution de problèmes, réflexion critique, recherche de consensus, indépendance, prise de responsabilité et goût de la liberté.

«L’éducation politique donne aux jeunes les moyens de s’orienter et de se positionner sur les questions politiques. Sur cette base, les uns à se mettront en grève pour le climat alors que d’autres décideront de ne pas se joindre au mouvement», relève la spécialiste. On peut donc ainsi dire que le nouveau plan d’étude répond aux anciennes critiques de la droite qui voyait dans l’éducation civique un moyen pour des enseignants gauchistes d’inciter leurs élèves à se rebeller. L’objectif est une action démocratique responsable.

Compétences essentielles pour la vie professionnelle

Monika Waldis souligne qu’à l’heure actuelle, la priorité dans l’éducation va à l'employabilité, soit la capacité pour les jeunes à s’imposer sur le marché du travail. L’éducation est considérée comme un aspect très important de la performance économique d’une société.

«L’éducation politique traite de questions liées à la coexistence démocratique et se concentre sur la réflexion autour des valeurs et des normes sociales. Elle veut aussi développer la capacité de jugement», dit Monika Waldis. Mais si on y regarde de plus près, elle contribue aussi à l’employabilité. Parce que les offres d’emploi demandent souvent des compétences dans des domaines tels que la communication, le travail en équipe, la résolution des problèmes, la collaboration interdisciplinaire, la participation à l’élaboration de processus et de structures, etc.

Idéalement, pour la chercheuse, l’éducation politique devrait être reconnue à l’école comme une compétence au même titre que les sciences naturelles ou l’informatique que les autorités soutienne sont très bien. Dans le modèle politico-économique de la Suisse, ces branches sont considérées comme fondamentales pour le maintien de la qualité de vie et de l’excellente capacité d’innovation du pays.

Jeux de rôle

Concrètement et à côté de la transmission traditionnelle du savoir, la professeure recommande de recourir à des formats où les élèves deviennent eux-mêmes actifs, allant par exemple interroger des politiciennes et des politiciens comme s’ils étaient des journalistes. Ou alors par des simulations où ils peuvent se glisser dans la peau d’acteurs politiques. Le Centre pour la démocratie d’Aarau met notamment à disposition des écoles des jeux en allemand qui permettent d’organiser des débats politiques ou de simuler les processus d’adoption de lois.

Mais comment, en pratique, ces nobles objectifs seront-ils être réalisés, comment est-ce que cet enseignement sera dispensé aux écoliers, petits et grands? On connaît au moins le calendrier. «Le nouveau plan d’étude est dans sa phase d’introduction et la formation continue des enseignants et des enseignantes a commencé», dit Monika Waldis.

Il y a cependant encore bien des problèmes à résoudre. Elle espère que la formation continue apportera aux enseignants ce dont ils ont besoin. «Il faut qu’ils soient très bien informés parce que les élèves posent aussi des questions difficiles. Leurs compétences doivent aller bien au-delà que ce qu’on trouve dans les manuels scolaires».

L’obstacle du fédéralisme

Le fédéralisme représente cependant un obstacle parce que la réalisation des objectifs est de la compétence des départements cantonaux de l’instruction publique. Il faudra donc voir s’ils donnent les impulsions nécessaires à la concrétisation de l’éducation politique 2.0. Parce qu’en Suisse, ce sont encore les cantons qui ont le dernier mot dans le domaine de l’éducation et de la formation. Et malgré la modernité du projet une chose ne change pas. Un enseignement vivant et de qualité dépend de l’engagement corps enseignant.

Le plan d’étude alémanique «Lehrplan 21»

L’éducation scolaire repose désormais sur trois piliers en Suisse alémanique:

Premièrement: le plan d’étude «Lehrplan 21». Il est une sorte de feuille de route. Ses principes fixent les objectifs de l’enseignement. Il vaut pour l’ensemble de la Suisse alémanique.

Deuxièmement: le matériel pédagogique. Il contient les matières concrètes que les enseignants et les élèves doivent étudier en classe. Les cantons peuvent y fixer leurs propres accents.

Troisièmement: les enseignantes et les enseignants. Ce sont eux qui sont chargés de réaliser les objectifs pédagogiques du plan d’étude et de transmettre le savoir dans les classes. Leur engagement est ici décisif.

Renat Kuenzi