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dimanche 8 décembre 2019

Le Musée d'art et d'histoire révèle "Le siècle oublié"


Le XIVe fait pauvre figure entre le temps des origines et les splendeurs e la fin du Moyen-Age. C'est pourtant une époque faste pour la cité. Une magnifique exposition le prouve aujourd'hui.

Un fragment du sépulcre de la Maigrauge
Crédits: Musée d'art et d'histoire, Fribourg 2019



Entre Lausanne et Berne, Fribourg reste une destination négligée. A grand tort, d'ailleurs. La ville offre de nombreuses séductions allant d'une cathédrale gothique aux merveilleux vitraux Art Nouveau à un somptueux hôtel-de-ville médiéval. Voilà qui tombe bien, pour ce qui est des époques. Le Musée d'art et d'histoire de la ville, logé en partie dans une fastueuse demeure Renaissance, présente aujourd'hui «Le siècle oublié». Il s'agit du XIVe. Les années 1300 font ainsi l'objet d'une complète réhabilitation. Il était temps.

Pourquoi cet oubli? C'est toujours la même chose. Le XIVe a le défaut de se situer entre deux périodes fastes. Il y a d'abord le XIIIe, qui est un temps de consolidation pour la cité fondée en 1157 par les comtes de Zähringen, à peu près en même temps que Berne (créée en 1191). Situées dans un méandre de rivière, les deux villes semblaient pouvoir se défendre facilement. Le XVe et le XVIe deviendront, eux, le grand moment des constructions de cette enclave catholique en territoires protestants. On oublie trop aujourd'hui le poids des religions. Le schisme luthérien, puis zwinglien et enfin calviniste a divisé la Suisse en deux. C'est lui qui a affaibli l'ancienne Confédération, bien plus que la défaite de Marignan en 1515.

Fortifications nouvelles

Pris en sandwich entre ces deux «Sternstunden», comme aurait dit Stefan Zweig, le XIVe paraît donc un peu terne. En retrait. Et pourtant! C'est le moment où la cité, passée par succession ou vente aux comtes de Kyburg puis aux Habsburg, se développe. Une seconde chaîne de fortification, dont de nombreux éléments (visitables l'été) subsistent, doit se substituer à la première. La population a passé de 1000 à 4000 habitants, ce qui peut sembler risible aujourd'hui. Mais au temps o ùl'Europe était ravagée par la Grande Peste de 1348-1359 (une mortalité d'environ 50 pour-cent de la population), il s'agit d'un exploit. Comme Genève n'a guère senti le choc à cause de ses foires, Fribourg a alors développé une proto-industrie. Le cuir d'abord. Puis le drap. Il s'en produira tant que la laine venait parfois d'Angleterre. Cela brassait assez d'argent pour que des bourgeois se sentent la force de créer une commune. La première constitution sera adoptée en 1347 sans que les Habsburg, désormais lointains, aient été consultés.

Fenêtre gothique à Hauterive. Photo DR


Dans ces conditions, on peut comprendre qu'il subsiste de nombreux témoins de ces cent années de prospérité. Dans une scénographie multipliant les noirs de Raphaël Barbier, le commissaire Stéphane Gasser a donc regroupé des œuvres d'art et des documents d'archive. Un grand nombre d'entre eux se trouvent encore dans la ville, mais il a tout de même fallu emprunter ailleurs, de Zurich à Munich. Les couvents qui demeurent dans cette ville très catholique, mais d'un catholicisme désormais ouvert, ont confié nombre d'objets, parfois encore utilisés pour certaines cérémonies. Il a bien sûr fallu restaurer pour l'occasion certaine statues, comme la grande Trinité qui ornait la porte de Romont jusqu'en 1856. Une exposition historique, cela sert aussi à cela.

Un film tourné avec des drones

Installée dans une seule grande salle du genre bunker, ajoutée au bâtiment originel dans les années 1970, l'exposition se révèle intelligente. Tout commence par un film, tourné l'été dernier avec des drones. Le visiteur vole d'un site à l'autre, de la cathédrale Saint-Nicolas au couvent de la Maigrauge. Après les yeux, les oreilles. Des écouteurs muraux,semblables à de très anciens téléphones, permettent d'entendre (en français ou en allemand) des histoires d'époque. Des béguines demandent à s'installer à Fribourg sans pour autant devenir des religieuses. Une accusée parvient à se libérer d'accusations de sorcellerie. Un bourgeois doit se défendre d'avoir indûment arboré des armoiries... Puis viennent les œuvres, toujours présentées en contexte par un petit texte. Il en est d'humbles. Il y a en aussi de superbes. Le centre de la salle est ainsi occupé par un incroyable sépulcre peint. Dans une sorte de caisse, il y a une statue grandeur nature du Christ. Elle était couchée par les nonnes chaque Vendredi Saint.

Un autre détail du sépulcre. Photo Musée des beaux-arts, Fribourg 2019


Autrement, le public découvre des sculptures, dont deux magnifiques Christ en Croix. Des vitraux. De l'orfèvrerie. Des manuscrits. Avant tout de l'art sacré. Plus des document historiques, dont l'un est doté d'un sceau de Rodolphe IV de Habsburg large de treize centimètres. Deux dessins d'architecture d'époque, sur parchemin, illustrent la lente construction de la cathédrale. Des outils médiévaux ont trouvé leur place. Ils ont inspiré les ouvriers actuels qui ont exécuté des remplages aveugles gothiques, imitant ceux encore en place dans une ville médiévale pas trop amochée. Le public suit ainsi les étapes du travail. Tout cela se voit très bien expliqué par des mots. Très bien éclairé par des lumières. Très bien présenté dans des vitrines. C'est une réussite à la fois artistique et didactique. Il ne manque à l'exposition qu'un peu de publicité.

Pratique

«Le siècle oublié, Fribourg, les années 1300», Musée d'art et d'histoire, 12, rue de Morat, Fribourg, jusqu'au 23 février 2020. Tél. 026 305 51 40, site www.mahf.ch Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h, le jeudi jusqu'à 20h.

Etienne Dumont