mercredi 14 juillet 2010

LE CANTON DE FRIBOURG N'ÉCHAPPE PAS AUX VOLEURS DE RUCHES

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«Quelqu'un a simplement emporté une de mes ruches, avec toutes ses habitantes à l'intérieur.» Didier Maillard a le bourdon. Cet apiculteur, qui possède des ruches à Neyruz et Murist, s'est fait piquer une colonie de 40 000 abeilles, avec la reine. «Les vols fréquents, ici, c'est une nouveauté», s'inquiète le Fribourgeois. Dans toute la Suisse, comme à l'étranger, les apiculteurs déplorent une augmentation des vols de ruches, qui sont très faciles à dérober en Suisse romande. Le phénomène s'ajoute à la diminution du nombre d'abeilles. Face à la pénurie, certains optent pour l'importation.

Faute d'abeilles, Didier Maillard a le bourdon. Et pour cause: l'apiculteur fribourgeois, qui possède des ruches à Neyruz et Murist, s'est fait piquer une colonie d'abeilles. Près de 40 000 ouvrières et une reine de race pure, une carnica, élevée avec patience et soins depuis deux ans. «Quelqu'un a simplement emporté une de mes ruches, avec toutes ses habitantes à l'intérieur. Je ne comprends pas ce genre de comportement», note celui qui est aussi responsable fribourgeois des moniteurs éleveurs de reines. «Les vols fréquents, ici, c'est une nouveauté.» De fait, Didier Maillard n'est pas le seul apiculteur suisse dans cette situation. Lui a découvert le larcin fin mai. A la même époque, le Valaisan Claude Charvoz était lui aussi victime d'un vol d'abeilles. En avril, la station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux se faisait pour sa part dérober treize colonies élevées dans le cadre de recherches scientifiques. Et à la fin juin, plusieurs vols étaient signalés à Feldis et Felsberg, dans les Grisons.

Comme à l'étranger


S'il n'existe pas de statistiques des vols de ruchers, les apiculteurs suisses le déplorent en choeur: le phénomène se développe cette année au point de devenir un véritable problème. «Avant, les vols étaient anecdotiques. Maintenant, de plus en plus de gens se servent simplement sans scrupule», observe le Sierrois François Juilland, président de la Société romande d'apiculture. En ligne, les forums apicoles bourdonnent d'ailleurs de messages autour de ces délits.«C'est triste que cela contamine aussi la Suisse. Avant, nous avions la chance d'être épargnés», regrette le Valaisan. Car dans les pays voisins, la pratique est courante. En France, des centaines de vols sont répertoriés chaque année dans les différentes régions apicoles du pays. L'Allemagne souffre elle aussi du fléau. Celui-ci s'étend d'ailleurs jusqu'au bout du monde: au Japon, les cultivateurs de fraises voient leur rendement chuter en raison du kidnapping des abeilles qui pollinisent leurs cultures.

Le fait de spécialistes

Les motivations prêtées aux cambrioleurs sont les mêmes de l'Empire du Soleil levant aux alpages helvétiques: les abeilles sont de plus en plus rares (et en général de plus en plus chères). «En Suisse, d'habitude, on ne connaît pas ce problème. Mais cette année, la population d'abeilles est décimée: près de 30% des abeilles sont mortes, le marché est à sec», observe Peter Gallmann, responsable du centre de recherches apicoles de Liebefeld-Posieux. «Alors certains se servent, c'est bien plus simple.» Le mystérieux voleur des insectes de la station de recherche n'a pas été retrouvé, malgré l'envoi du signalement des rayons dérobés dans les cantons voisins.Une certitude s'impose toutefois: les vols sont le fait de spécialistes de la petite bête. Difficile sans cela de savoir comment s'emparer des butineuses et, surtout, quoi faire de ce butin si particulier.«C'est décevant que des spécialistes commettent ce genre de délit», regrette Frédéric Roure, apiculteur de Corbeyrier (Chablais vaudois), également victime d'un vol. «Parce qu'ils savent tout le travail qu'il y a derrière l'élevage d'une colonie.» Même amertume chez Claude Charvoz: «Cela génère un climat de méfiance détestable entre apiculteurs.» D'autant que les coupables ne sont en général jamais retrouvés, malgré les plaintes déposées par les victimes.

Mieux sécuriser

Même dans le cas de Didier Maillard, l'enquête n'a pas abouti, alors qu'il a porté plainte contre une personne en particulier: un apiculteur qu'un témoin a vu rôder à la tombée du soir autour de son cheptel, quelques jours avant le vol.Peut-être les vols d'abeilles ne sont-ils pas une priorité pour la police, interprète Didier Maillard. C'est que les sommes en jeu sont relativement modestes. A la Société romande d'apiculture, on estime que le vol d'une ruche pleine cause un préjudice de l'ordre de 900 à 1000 francs. Un montant qui inclut la valeur de la maisonnette et de l'essaim, mais aussi celle de sa production. A la haute saison (juillet est le pic), les rayons sont en effet gorgés de miel. Une seule ruche en contient en moyenne 20 kilos. A 20 francs le kilo, on atteint 400 francs.«Au-delà de la perte matérielle, il y la perte d'un patrimoine génétique sélectionné et de son potentiel», insiste toutefois Didier Maillard. «Ma reine est partie avant que je ne puisse élever ses filles.» Des filles que l'on peut produire en grande quantité et qui se vendent 45 francs pièce. Ecoeuré, l'apiculteur a décidé de mieux protéger son rucher. La méthode n'est pas encore arrêtée. En France, les ruches sont souvent équipées de puces, afin de pouvoir les localiser si elles sont enlevées. A Liebefeld-Posieux, on s'interroge même sur la pertinence d'une vidéosurveillance.

LINDA BOURGET