mardi 3 août 2010

Etes vous prêts à boire le lait d'une vache clonée ?

.
En Grande-Bretagne, l'affaire fait scandale : un éleveur laitier anglais a reconnu introduire, dans sa production journalière, du lait de vache née de parents clonés. Cette révélation, parue dans un article du New York Times le 29 juillet, soulève des questions juridiques, éthiques et sanitaires concernant l'utilisation d'aliments issus d'animaux clonés et de leur descendance.

Seuls les meilleurs animaux étant sélectionnés pour le clonage, l'intérêt de cette production réside dans la qualité supérieure de la viande et du lait des vaches clonées et de leurs descendants.

Ainsi, certains éleveurs américains n'ont pas manqué d'être séduits par la possibilité de « produire cloné ». On compterait aujourd'hui plusieurs milliers de vaches clonées aux Etats-Unis. Toutes ne sont pas destinées à finir dans les assiettes américaines, déjà généreusement garnies en aliments OGM. Le coût d'un tel animal semble, pour l'heure, être un frein non-négligeable au développement de ce mode de production.

Plus près de nous, au cœur de l'espace économique européen, la Suisse se distingue avec quelques centaines de vaches nées de parents clonés utilisées pour leur lait et leur viande.

Vide juridique en Europe sur la descendance des animaux clonés

Le fait divers anglais constitue une première dans l'Union européenne. Les médias du pays s'emballent et selon la BBC, la Food Standard Agency a ouvert une enquête. Pourtant, le caractère illégal de l'action de ce fermier anglais n'est pas formellement établi, le texte européen en vigueur sur les « novel food » offrant une brèche juridique considérable.

L'utilisation des produits issus d'animaux clonés est actuellement encadrée par cette réglementation qui prévoit que tout nouvel aliment issu d'un animal cloné doit subir une procédure d'évaluation complexe avant son introduction sur le marché européen. A ce jour, aucune procédure de ce genre n'a été entreprise par un éleveur ou producteur européen.

Le Parlement européen a cependant récemment pris les devants, et s'est prononcé pour l'interdiction pure et simple des aliments clonés. Cet avis devrait normalement être entériné par une directive européenne.

Mais, plus qu'une brèche, c'est un vide juridique qui apparaît lorsque l'on découvre que le texte européen de 1997 sur les « novel food » ne prévoit aucune disposition concernant les animaux nés de parents clonés et exclut de son champ d'application « les aliments et ingrédients alimentaires obtenus par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles ».

Lepage : « De sérieuses questions sur le bien-être de l'animal »

Face à ce vide juridique, la France et la plupart des pays membres de l'Union européenne, plaident en faveur d'un moratoire sur tous les aliments issus d'animaux clonés et de leur descendance. Ainsi, alors que les Etats-Unis permettent depuis 2008 la commercialisation de la viande et du lait issus des descendants de vaches clonées, l'Europe choisit d'appliquer le principe de précaution.

L'enjeu du débat semble se situer à un double niveau sanitaire et éthique. Selon les parlementaires européens, les recherches effectuées, concluant à l'absence de risques sanitaires chez ces produits, ne sont pas fiables. En outre, le bien-être de l'animal est fortement compromis par de telles pratiques, en raison des nombreuses fausses-couches et morts prématurées provoquées par le clonage.

Corinne Lepage résumait récemment cette position dans un article du New York Times :

« Même si aucun danger en matière de sécurité n'a encore été identifié concernant la viande produite par des animaux clonés, cette technique soulève de sérieuses questions sur le bien-être de l'animal, la réduction de la biodiversité ainsi que des préoccupations éthiques. »

Aucun cas similaire à celui de notre fermier anglais n'a encore été relevé en France. Quant aux animaux nés de parents clonés présents sur le sol français, officiellement, il n'y en a aucun puisque l'importation d'embryons et de sperme issus de ces animaux est interdite. Le jour où nous boirons du lait de vache clonée semble encore assez éloigné.

Marie Telling