jeudi 7 octobre 2010

Boum les climato-sceptiques ! Un clip écolo-gore provoque un tollé

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Deux écoliers pulvérisés, David Ginola transformé en une boule de chair sanguinolente : le dernier clip de la campagne « 10 : 10 » était censé créer un électrochoc sur le réchauffement de la planète. Face aux protestations indignées, le film a été retiré des écrans britanniques.
Pour lutter contre le changement climatique, on peut acheter des ampoules de faible intensité, manger moins de viande de bœuf, voyager en train plutôt qu'en avion. La campagne « 10 : 10 » propose une solution beaucoup plus radicale : l'élimination pure et simple de tous ceux qui refusent de s'engager contre le réchauffement de la planète.

« 10 : 10 » a été lancé à Londres en septembre 2009, dans l'euphorie de l'avant-Copenhague, pour convaincre individus, entreprises ou collectivités de s'engager à réduire volontairement leurs émissions de gaz carbonique de 10% d'ici la fin de l'année 2010.

A peine élu Premier ministre en mai, David Cameron a embarqué tout le gouvernement britannique dans l'aventure. Plus de 40 pays ont rejoint le mouvement. En France, c'est Yann-Arthus Bertrand qui relaye la campagne, à laquelle ont déjà adhéré, entre autres, les villes de Bordeaux, Calais, Cannes, Lyon ou Paris.

Quatre minutes et des litres d'hémoglobine

Le point culminant est prévu pour le 10 octobre 2010 (10 : 10 : 10). A l'approche du jour J, les organisateurs britanniques ont voulu frapper fort avec un clip de quatre minutes intitulé « No pressure ».

Le casting est alléchant. Scénario : Richard Curtis, l'auteur des films à succès « Quatre mariages et un enterrement » et « Bridget Jones ». Musique : Radiohead. Dans les rôles principaux : Gillian Anderson (« X-Files ») et l'ex-footballeur David Ginola.

Le film débute sur un ton très didactique. Une institutrice légèrement baba-cool, pleine de bonnes intentions, encourage ses élèves à adhérer à la campagne « 10 : 10 » et à réduire de 10% leurs émissions de gaz à effet de serre. « Une idée géniale », dit-elle, en demandant à ceux qui sont partants de lever la main.

C'est l'unanimité. Ou presque. Seuls Philip et Tracy rechignent à s'engager. L'institutrice les met à l'aise :

« Pas de problème, c'est votre choix. Pas de pression du tout. »

La sonnerie signale la fin du cours. Au moment où les enfants s'apprêtent à quitter la classe, l'instit appuie sur un détonateur caché sur son bureau et les deux récalcitrants explosent littéralement. Des litres de sang éclaboussent les autres élèves, qui hurlent de frayeur. Impassible, l'institutrice ajoute, en s'essuyant le visage maculé de débris humains :

« Et n'oubliez pas de réviser les chapitres 5 et 6 sur les volcans et les glaciers. Sauf Philip et Tracy, bien-sûr. »

(Voir la vidéo, en anglais, attention cette vidéo peut vous choquer !)




Deuxième séquence (à 1'20) : au bureau, un cadre dynamique recense les salariés volontaires pour s'engager dans la campagne « 10 : 10 ». Trois d'entre eux se défilent discrètement :

« Cool, pas de problème, c'est votre choix. »

Son assistante lui apporte le détonateur. Il appuie sur le bouton rouge. Nouvel ouragan d'hémoglobine et hurlements affolés.

Troisième victime, David Ginola (à 2'15). De retour à Tottenham, où il a joué en 1997, l'ex-footballeur est pulvérisé sur la pelouse du club londonien, pour s'être montré sceptique sur la campagne « 10 : 10 ».

Le film se termine dans un studio radio (à 3'25). L'actrice Gillian Anderson vient d'enregistrer la voix « off » pour le clip. Le technicien l'interpelle.

« Et toi, tu fais quoi pour réduire tes émissions ?

- Tu te fous de moi ? Je pensais que faire la voix “off”, c'était ma contribution.

- Oui, bien sûr. Pas de pression.

- OK, merci. »

Et boum ! Bye Gillian ! Il ne reste d'elle qu'une épaisse couche d'hémoglobine qui s'étale sur la vitre du studio.

Humour gore à la Monty Python, accusations d'écofascisme

Les amateurs des Monty Python et de South Park sauront sans doute apprécier l'humour gore de « No pressure ». Personnellement, je n'ai jamais adhéré au culte. Et quand j'ai découvert ce mini-film, diffusé en exclusivité vendredi dernier sur le site du Guardian, j'ai pressenti que ça allait faire un flop.

Le faux scandale du Climategate a démontré jusqu'où sont prêts à aller ceux qui, contre toute évidence, continuent à nier le réchauffement de la planète. Ce film sans nuance les conforte dans le statut de victimes dans lequel ils se complaisent.

Déchiqueter des enfants parce qu'ils refusent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ? Je doute que ce soit la méthode la plus efficace pour convaincre les sceptiques. Les accusations d'écofacisme n'ont d'ailleurs pas tardé à fuser contre « 10 : 10 ».

Même les plus fervents supporters du mouvement ont été ébranlés. L'ONG Action Aid, qui supervise la campagne dans les écoles, s'est dite « horrifiée » par le clip, jugé « totalement déplacé ».

Les excuses de « 10 : 10 » : « Sorry, nous avons raté la cible »

Résultat, quelques heures après sa mise en ligne, le film était officiellement retiré de la circulation, la diffusion dans les salles de cinéma du Royaume-Uni annulée et les organisateurs de la campagne en étaient réduits à se confondre en excuses :

« Désolé. Alors que le changement climatique devient de plus en plus menaçant mais de moins en moins couvert par les médias, nous voulions trouver un moyen de ramener cette question cruciale dans l'actualité, tout en faisant rire.

Beaucoup de monde a trouvé notre film très drôle, mais certains ne sont pas du même avis et nous adressons nos sincères excuses à quiconque s'est senti offensé.

Toute notre action, à “ 10 : 10 ”, consiste à tester des moyens innovants et créatifs pour inciter les gens à s'engager sur le changement climatique. Malheureusement, cette fois, nous avons raté la cible. »

Sylvain Biville