Les équipes de vérification des automobiles (EVA) appartenant au Corps des gardes-frontière n'interviennent plus dans le canton de Fribourg. Pourtant, leur savoir est indispensable à la brigade des stups quand il s'agit de dénicher une cachette dans un véhicule. Les hommes sur le terrain grondent. La hiérarchie répond à fleuret moucheté.
Un automobiliste zurichois qui aurait été soumis à un alcootest par le Corps des gardes-frontière (Cgfr)? Un pendulaire irrité par un contrôle d'identité dans l'Intercity Fribourg-Berne effectué par ces mêmes douaniers? Lorsqu'il intervient à l'intérieur du territoire, le Cgfr suscite des critiques. Dans une interview à la «SonntagsZeitung», Hans Hollenstein, ministre de la Sécurité zurichois, affirmait que ces hommes devaient simplement remplir leurs missions de base plutôt que de reprendre celles des polices cantonales...Mal-aimés, les douaniers possèdent cependant des compétences dont les polices cantonales ne peuvent se passer, comme celles des équipes de vérification des automobiles (EVA), capables de démonter Fiat 500, Porsche Cayenne ou Audi A8 sans perdre un écrou.D'après nos sources, la Police cantonale fribourgeoise et le Cgfr sont pourtant en froid concernant l'engagement dans le canton de ces spécialistes des compartiments habilement aménagés par les malfrats dans les véhicules. Une information interne aux douanes confirme qu'il n'y a tout simplement plus de missions de ces équipes dans le canton de Fribourg. Dernièrement, une demande de la brigade des stupéfiants de la Police cantonale fribourgeoise a essuyé une fin de non-recevoir...C'est pourtant une collaboration entre les stups fribourgeois et l'une de ces équipes EVA qui avait permis la saisie, voici quelques années, de 20 kg d'héroïne dans un fourgon à Chiasso. Dire que la situation actuelle déplaît aux inspecteurs de la Police de sûreté fribourgeoise est un euphémisme.
Le commandant réfute
Manque de moyens ou mauvaise volonté? «Depuis les critiques adressées aux douanes par le canton de Fribourg à la suite du contrôle d'identité effectué dans le train Fribourg-Berne en 2009, il y a une vraie guerre des chefs entre la Police cantonale fribourgeoise et la direction du Cgfr», assure un collaborateur proche du dossier. Une attitude semble-t-il unique en Suisse romande, tous les autres cantons entretenant une bonne collaboration avec les douanes. «L'EVA a fait quelque chose pour nous il y a quinze jours», conteste Pierre Nidegger, commandant de la Police cantonale fribourgeoise. «En tout cas, je n'ai pas reçu d'information formelle sur le fait que le Cgfr ne collabore plus avec nous. Au contraire, tout va bien.»La direction des douanes joue la même partition apaisante, allegro ma non tropo, alors que sa base se plaint fortissimo de cette guéguerre. A la question est-il vrai que la hiérarchie du Cgfr a donné l'ordre de ne plus intervenir dans le canton de Fribourg? La porte-parole Stéphanie Widmer répond à fleuret moucheté: «Le canton de Fribourg n'a jamais souhaité une collaboration avec le Cgfr, nous respectons naturellement ce voeu. Les équipes EVA ne sont mises à disposition qu'à la demande des polices cantonales et en fonction des moyens disponibles.»
En plus, c'est gratuit
A l'instar de six autres cantons, Fribourg n'a pas (ou ne veut pas) d'accord avec le Cgfr. Paierait-il la note? Une chose est sûre: la Police cantonale fribourgeoise - pas plus que celles des autres cantons d'ailleurs - n'est pas capable de désosser autos, fourgons et camions comme ces experts formés pendant deux ans à cet art. Ce qui ne gâche rien, la contribution de ces as de l'endoscopie sur véhicules - opérant avec un effectif d'une vingtaine d'hommes pour la région Vaud, Fribourg et Valais à partir de Vallorbe et Martigny - est gratuite!La compétence clé de l'EVA est de découvrir des compartiments secrets dans des véhicules, notamment en effectuant un examen de cavités avec des instruments optiques spéciaux. «L'EVA est engagée dans la lutte contre la criminalité transfrontalière et dans la lutte contre la contrebande», ajoute Stéphanie Widmer.A noter qu'il n'y a pas que les autos des passeurs de drogue qui sont intéressantes pour les équipes EVA. Celles des cambrioleurs chargeant les magasins à la voiture-bélier comme dernièrement à Planfayon ou Ependes le sont également. Les malfrats peuvent dissimuler une part de leur butin dans des endroits insoupçonnés du véhicule. Des cachettes qu'une EVA déjoue en un tour de main.
Pierre-André SIEBER