lundi 12 septembre 2011

L'ordre des chevaliers du Temple

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Les chevaliers Templiers





Egalement nommé Ordre du Temple, les Templiers sont un ordre de moines combattants, fondé en 1118 à Jérusalem et dissous en 1312 par Philippe IV le Bel.

Origine

L'ordre du Temple est créé par quelques chevaliers (dont Hugues de Payns) croisés en Terre Sainte, l'actuelle Palestine (lire la mystérieuse mission d'Hugues de Payns, en bas de page). Le roi de Jérusalem, Baudouin II, les installe près de l'église du Temple après qu'ils aient fait vœu de chasteté, de pauvreté et d'obéissance. Avec l'appui de saint Bernard de Clairvaux, la règle est bientôt approuvée et publiée par le concile de Troyes (1128). Du fait de l'alliance prônée entre idéal chevaleresque et idéal monastique, le succès du Temple est rapide ; de nombreuses donations — dont le legs, volonté inappliquée, d'une partie du royaume d'Aragon par le roi Alphonse le Batailleur — viennent remplir ses caisses et lui permettent une politique systématique d'acquisition de terres et de défrichements.

Organisation

La règle cistercienne des Templiers est très stricte. Les punitions imposent des jeûnes sévères pour des délits concernant toute entorse aux trois règles fondamentales de l'ordre. Le trousseau, réduit, marque la hiérarchie de l'ordre : si tous les manteaux sont frappés de la croix rouge — symbole de l'ordre depuis 1149 —, les manteaux des chevaliers sont blancs, tandis que ceux des sergents, des chapelains et des écuyers sont noirs.

Un rayonnement sur toute la Méditerranée

Cette hiérarchie suggère une réelle étendue des possessions de l'ordre : en 1257, elles s'élèvent à 3468 châteaux, forteresses et maisons dépendantes, réparties dans dix-neuf provinces et sous-provinces. La maison de Jérusalem comprend deux couvents avec 350 chevaliers et 1200 sergents. Les pays de combat sont ceux de la Reconquête : Palestine, péninsule ibérique, Hongrie ; les activités militaires sont bien réelles : cinq Grands Maîtres périssent au combat. Ces activités militaires sont largement financées par les revenus des pays de rapport : ces provinces, divisées et subdivisées en régions, bailliages et maisons, se trouvent dans toute l'Europe catholique. Le bailliage d'Arles comprend ainsi les commanderies avec juridiction d'Aix, Col de Cabres, Richerenches, Arles ; huit commanderies sans juridiction (dont Nice ou Avignon) ; vingt-trois commanderies dépendantes ; une vingtaine de maisons du Temple et une centaine de biens fonciers divers. Cette richesse, inégalée dans tout l'Occident chrétien, permet au Temple de subventionner largement les papes et les rois pour les entreprises de la croisade.

Du repli à la dissolution

Les statuts de l'Ordre du Temple sont réformés à cinq reprises ; Boniface VIII souhaite, au début du XIVème siècle, unir les Templiers et les Hospitaliers, mais Jacques de Molay, alors Grand Maître, refuse cette proposition. Or, à cette période, les données de la croisade ont profondément changé : l'Empire latin d'Orient, avec la chute de Saint-Jean-d'Acre en 1291, a cessé d'exister et les Templiers survivants se replient en France — d'où le roi, Philippe IV le Bel, s'est vu refoulé à l'entrée de l'ordre.

Malgré le passé glorieux de l'ordre (Damiette, Alep, Las Navas de Tolosa), Philippe le Bel, en manque de numéraire, fait emprisonner les Templiers, les fait torturer par l'Inquisition après avoir fait main basse sur leurs richesses et leurs livres de comptes ; les aveux de 137 templiers — qui reconnaissent tout ce que l'on veut pourvu que l'on cesse de les torturer — justifient la suppression de l'ordre au concile de Vienne en 1312 devant le pape Clément V, alors que les rois et princes d'Angleterre, d'Espagne, d'Écosse, d'Allemagne, entre autres, ont reconnu l'innocence du Temple. Le maître Jacques de Molay est brûlé vif en 1314. Les biens du Temple reviennent aux Hospitaliers ou aux ordres successeurs qui sont créés en Espagne : l'ordre de Notre-Dame-de-Montesa dans la région de Valence et l'ordre du Christ au Portugal.

Entré dans l'imaginaire collectif à cause de l'extraordinaire opération de propagande menée par Philippe le Bel et inlassablement reprise ensuite sous forme de légendes, l'ordre du Temple est, sans doute, l'une des créations les plus représentatives de l'époque des croisades.

La mystérieuse mission d'Hugues de Payns

Nous l'avons vu dans la présentation générale, l'ordre du Temple est officiellement né en Terre Sainte en 1118. Néanmoins, nous allons constater que la reconnaissance officielle de l'Ordre en 1118 n'est que le prolongement d'une "mission" ou d'une "enquête" commencée près de 10 ans plus tôt...

Il a été démontré et accepté par tous les historiens que Hugues de Payns a effectué au moins deux voyages en Orient au lendemain de la première Croisade, en 1104-1105 et en 1114-1115, les deux fois en compagnie du Comte Hugues de Champagne.

Il convient de s'arrêter un instant sur le personnage du Comte de Champagne. Il est un des principaux feudataires du royaume, environ 4 à 5 fois plus riche que le Roi de France ! Très influencé par un certain mysticisme religieux, ses liens avec Etienne Harding, l'Abbé de Citeaux qui réforma la pensée Bénédictine pour former le mouvement Cistercien, sont plus qu'étroits. Les liens sont si étroits qu'Etienne Harding fait venir à Citeaux un moine de l'Abbaye de la Chaise-Dieu, spécialiste des textes hébraïques en 1115. En 1115, au lendemain du retour d'Orient du Comte de Champage, justement ! La même année, le même Comte de Champagne prend sous sa protection directe un jeune Moine de Citeaux, Bernard, en lui offrant une terre située sur les territoires qu'il contrôle, à Clairvaux. Dès lors, l'Abbaye de Clairvaux et la pensée du futur Saint-Bernard régneront sur tout le monde Chrétien durant le XIIème siècle...

En 1118, on retrouve parmi les "neuf" fondateurs de l'Ordre du Temple un certain André de Montbard. Il n'est ni plus ni moins que l'oncle de Bernard de Clairvaux. Il n'est pas inutile de rappeler que le concile a eu lieu à Troyes, le berceau d'Hugues de Payns et du comte de Champagne, qui rejoindra les Templiers en 1126 pour se mettre sous les ordres d'un ancien vassal, après avoir abandonné femme, enfants, richesses et pouvoirs... Bernard de Clairvaux, si il n'est pas établi qu'il dirigea effectivemement le concile, a toutefois largement influencé la rédaction de la règle de l'Ordre, en instituant le concept du moine-soldat, dans la stricte lignée de sa pensée exhortant la noblesse à renoncer aux guerres privées pour se mettre au service de la foi.

Récapitulons brièvement la chronologie :

1104-1105 : Hugues de Payns et le Comte de Champagne se rendent en Orient en pélerinage
1105-1114 : On ne sait si Hugues de Payns revient en même temps que le Comte de Champagne mais on est certain de sa présence en France en 1110 grâce à une charte signée de sa main. En 1109, Etienne Harding est élu Abbé de Citeaux. Ses liens avec le Comte de Champagne sont étroits.
1114-1115 : Les deux Hugues repartent en Orient. Hugues de Payns y reste, c'est certain. L'Abbaye de Citeaux se met à étudier des textes Hébreux. Le Comte de Champagne prend Bernard sous sa protection et lui donne la terre de Clairvaux.
1118 : L'oncle de Bernard est avec Hugues de Payns lorsque le patriarche de Jérusalem leur octroie pour résidence le Temple de Salomon, en 1118.
1118-1126 : Le trou noir. On sait uniquement que les Templiers ont procédé à des fouilles sous le Temple de Salomon, au niveau des anciennes écuries. Rien ne prouve ou n'infirme la possibilité de nouveaux aller-retours entre Jerusalem et la Champagne. Aucun fait d'arme ne semble attribué aux Templiers durant cette période.
1126 : Le puissant Comte de Champagne répudie femme et enfants, abandonne sa fortune et ses pouvoirs pour se joindre aux Templiers, sous les ordre de Hugues de Payns, son ancien vassal.
1127 : Retour en Champagne de Hugues de Payns et de cinq chevaliers du Temple et tenue du Concile de Troyes officialisant et accordant à l'Ordre du Temple une totale indépendance vis à vis du clergé séculier et des souverains temporels, sous la houlette d'Etienne Harding et de Bernard de Clairvaux.
Les choses sont plus claires. L'origine de la création de l'Ordre du Temple est à peu de choses près une affaire de famille et tout s'articule autour du Comte de Champagne et du mouvement cistercien : Les principaux créateurs et leurs maîtres à penser sont originaires du Comté de Champagne, leurs autres compagnons sont issus de la maison des Princes de Flandres, croisés et pélerins de la première heure.

Reste le mobile, la finalité, le but... L'omniprésence de Bernard de Clairvaux et d'Etienne Harding autour des fondateurs de l'Ordre éclaire sur le fondement religieux et même mystique des origines de l'Ordre. Mais ne soyons pas naïfs, neuf chevaliers ne pouvaient techniquement pas assurer la protection des chemins de pélerinage au contact constant de l'ennemi. A fortiori sans recruter durant 10 ans, ce que la fortune du Comte de Champagne aurait pourtant largement permis. Un des princes les plus riches du royaume de France n'abandonne pas ses richesses et les siens pour surveiller les routes sous les ordres d'un vassal, même pour la Foi la plus profonde. Il y a autre chose.

Ils sont partis chercher quelque chose en Orient. Quelque chose de primordial pour la religion de Bernard et d'Etienne. Quelque chose ne pouvant se trouver que sur les Lieux Saints. Quelque chose de tellement secret que seul le Pape a dorénavant prise sur l'Ordre. Quelque chose de si fabuleux que seuls les liens du sang des fondateurs peut le protéger... Tout s'explique alors : Les voyages de "reconnaissance" de 1104 et 1114, l'étude de textes hébreux en 1115 à Citeaux, les fouilles sous le Temple de Salomon à partir de 1118, etc. En 1126, ils ont trouvé ce qu'ils cherchaient : Le Comte de Champagne abandonne tout et les rejoint. En 1127, il faut protéger le secret : Le concile de Troyes rend les Templiers intouchables et les transforme en armée de défense des Lieux Saints.

Mais qu'ont-ils cherché... et trouvé ? Le Saint-Graal ? Les secrets architecturaux qui feront rayonner l'art gothique à partir de ce XIIème siècle ? L'Arche d'Alliance ? Quelque savoir ésotérique en rapport avec l'Islam ? Des documents sur Jésus-Christ ? Nul ne le sait et ne peut être affirmatif... Mais une chose demeure certaine, la création de l'Ordre du Temple ne s'est pas faite dans le but un peu simpliste de protéger les pélerins sur les routes mais répond à une démarche longuement réfléchie, voire une quête mystique, plus ou moins commanditée par les moines cisterciens, Etienne Harding et Bernard de Clairvaux.


Les Grands Maîtres



Hugues de Payns (1070-1136)
Fondateur et Grand Maître de 1118 à 1136
Hugues de Payns n'avait pas d'armoiries personnelles car l'héraldique ne vit le jour qu'au XIIème siècle.



Robert de Craon (10??-1147)
Grand Maître de 1136 à 1147
Compagnon d'Hugues de Payns, il est un des neuf chevaliers fondateurs de l'Ordre.



Evrard des Barres (1113-1174)
Grand Maître de 1147 à 1151
Il a renoncé à sa fonction pour entrer comme simple moine dans l'ordre cistérien à l'abbaye de Clairvaux.



Bernard de Tremelay (10??-1153)
Grand Maître de 1151 à 1153
Avant sa nomination, il était précepteur de la commanderie jurassienne du Temple-lès-Dôle.



André de Montbard (10??-1156)
Grand Maître de 1154 à 1156
Dernier des neuf fondateurs de l'Ordre, il quitte sa fonction pour la même raison qu'Evrard des Barres.



Bertrand de Blanchefort (1109-1169)
Grand Maître de 1156 à 1169
Il entrepend une réforme en profondeur de la règle (les "Retraits") qui précise les usages hiérarchiques.



Philippe de Milly (1128-1178)
Grand Maître de 1169 à 1171
Il réussit à renouer une relation de confiance entre l'Ordre et Amaury Ier, roi de Jérusalem.



Eudes de Saint-Amand (11??-1179)
Grand Maître de 1171 à 1179
Capturé à l'issue de la bataille du Marj' Ayûn, il meurt dans les geôles de Saladin, à Damas.



Arnaud de Toroge (1110-1184)
Grand Maître de 1180 à 1184
Ancien Maître de Provence et d'Aragon, il a surtout été présent en Espagne dans la "Reconquista".



Gérard de Ridefort (1141-1189)
Grand Maître de 1184 à 1189
Son orgueil et sa folie haineuse provoqueront le désastre des cornes de Hattîn (30000 croisés tués).



Robert de Sablé (11??-1193)
Grand Maître de 1191 à 1193
Allié de Richard Cœur de Lion, il est élu après que la maîtrise de l'Ordre soit restée vacante durant 2 ans.



Gilbert Horal (1152-1200)
Grand Maître de 1193 à 1200
Durant son magistère, les querelles entres Templiers et Hospitaliers deviennent catastrophiques.



Philippe du Plessis (1165-1209)
Grand Maître de 1201 à 1209
C'est sous son magistère que l'Ordre arrive à l'apogée de son développement en Europe.



Guillaume de Chartres (11??-1218)
Grand Maître de 1210 à 1218
Il s'occupe beaucoup de la "Reconquista" espagnole : Très forte influence des Templiers en terre ibérique.



Pierre de Montaigu (11??-1232)
Grand Maître de 1218 à 1232
Fait preuve d'une grande diplomatie pour réconcilier le roi de Jérusalem, le pape et les Hospitaliers.




Armand de Périgord (1178-1244)
Grand Maître de 1232 à 1244
Meurt à La Forbie où Templiers, Hospitaliers et Teutoniques affrontent le Sultan d'Egypte.



Richard de Bures (11??-1247)
Grand Maître de 1244 à 1247
Tire son nom de la baillie de Bures-les-Templiers en Côte d'Or, berceau de l'Ordre en France.



Guillaume de Sonnac (11??-1250)
Grand Maître de 1247 à 1250
Homme sage et prudent, il fait codifier les archives de l'Ordre avant de les mettre en lieu sûr.



Renaud de Vichiers (1198-1252)
Grand Maître de 1250 à 1252
Il a laissé Joinville voler l'argent de l'Ordre qui a servi à libérer Louis IX des Mamelouks.




Thomas Béraud (12??-1273)
Grand Maître de 1252 à 1273
Personnage énigmatique, sa carrière au sein de l'Ordre est inconnue des historiens.



Guillaume de Beaujeu (1233-1291)
Grand Maître de 1273 à 1291
Malgré une défense héroïque, il succombe lors de l'assaut final des musulmans contre la ville d'Acre.



Thibaud Gaudin (1229-1292)
Grand Maître de 1291 à 1292
Meurt d'épuisement en tentant de remettre en route l'organisation mise à mal par les dernières batailles.



Jacques de Molay (1244-1314)
Grand Maître de 1292 à 1312
Après 7 ans de captivité aux mains de l'Inquisition, il meurt sur le bûcher, le 18 mars 1314.




Les croix

Introduite en 1147, la croix de gueules ou "croix de vermeille" selon une expression médiévale, devint vite le signe exclusif du Temple, à tel point que les chroniqueurs la qualifient toujours de "croix du Temple", "croix des Templiers" ou encore "croix de la milice du Temple", sans toujours préciser sa couleur, ce qui laisse supposer que ses formes et couleurs étaient connues de tous. Voici toutes les croix utilisées par l'Ordre du Temple :






Les sceaux



Ce « sceau de la Milice du Christ » (Sigillum Militum Christi) est l'un des plus célèbres de l'Ordre du Temple, c'est celui du 19ème Grand Maître, Renaud de Vichiers : il représente deux chevaliers montés sur le même cheval, une lance en arrêt, galopant de dextre (droite) à senestre (gauche). Ces cavaliers sont des messagers du Temple, annonciateurs de la Lumière venue d'Orient.

Ce sceau peut symboliser la pauvreté de l'Ordre, à ses débuts, en hommage à ses deux premiers membres, Hugues de Payns et Godefroi de Saint Omer, lorsque la milice du Temple s'appelait encore l'Ordre des pauvres chevaliers du Christ. À un niveau plus profond, il symbolise aussi la double nature de l'ordre, exotérique et ésotérique, guerrier et monastique, ainsi que la double nature de l'homme, divine et humaine, et enfin, il représente également la tripartition de l'être en spiritus (esprit), animus (âme) et corpus (corps).
Voici d'autres sceaux souvent utilisés par les Templiers :







L'alphabet secret des Templiers

La mission première des Templiers était d'assurer la sécurité des pélerins en Terre Sainte. Rapidement, ils se détournèrent de cet objet, et s'enrichirent considérablement au point de devenir les trésoriers du roi et du Pape. Par sécurité, ils chiffraient les lettres de crédit qu'ils mettaient en circulation entre leurs neuf mille commanderies. Leur alphabet de substitution était déduit de la croix dite « des huit béatitudes » qui constituait l'emblême de l'ordre :




Ils remplaçaient chaque lettre par un symbole, suivant la substitution suivante :






Les chiffres 3, 8 & 9

Dans les sociétés traditionnelles, les chiffres et nombres ne servent pas uniquement à énoncer des quantités, mais encore à élaborer des liens ou des supports symboliques. Car ceux-là expriment des idées et des forces, et constituent des "êtres vivants" doués de forces ou de flux vitaux qui, lorsqu'on les prononce, déplacent un "courant" invisible mais réel qui influencera la réalité ambiante à laquelle le chiffre ou nombre se rapporte. Le cosmos est un ensemble de nombres, d'où l'importance de leur interprétation qui se présente comme l'une des pratiques symboliques les plus anciennes.

Platon en faisait le plus haut degré de la connaissance et l'essence même de l'harmonie intérieure et cosmique.
Selon saint Martin, les chiffres et nombres sont les enveloppes visibles des êtres dont ils règlent à la fois l'harmonie physique et les forces vitales, spatiales et temporelles, et les rapports interdépendants avec le Principe premier. Ils sont les principes coéternels à la vérité et issus de l'Esprit divin.

Le philosophe Philolaos précisait : "C'est l'essence du nombre qui enseigne à comprendre tout ce qui est obscur et inconnu. La vérité seule convient à la nature du nombre et est née avec lui".

Le déchiffrement des nombres permet de pénétrer au coeur de la Connaissance des mondes visible et invisible et d'atteindre jusqu'à la substance du divin. Cette puissance numérique ne pouvait échapper au Temple qui privilégia certains nombres fondamentaux qu'il inséra dans les multiples aspects de son existence spirituelle et temporelle. Des auteurs modernes, ne sachant raison garder, ont multiplié à l'envie et selon leur humeur les "nombres templiers", alors que d'autres faisaient la démarche inverse, parlant de simple et pur hasard. L'inconvénient, en ce qui concerne ce dernier cas, le hasard n'existant pas pour une mentalité traditionnelle (comme celle du Moyen Âge, par exemple), il a bien fallu que les quelques nombres curieusement récurrents employés par le Temple proviennent de quelque part. Ces nombres ne pouvaient "venir" que d'une "réalité subtile", transcendante et émanant de l'Esprit, du Principe suprême, afin de "marquer" et d'"informer" l'être du Temple, lui donnant sa personnalité propre en conformité avec sa nature et sa mission.

Trois nombres se rencontrent au sein de l'Ordre : le 3, le 9 (carré de 3) et le 8.


Le chiffre 3 (omniprésent)

Les 3 voeux de religion (communs à tous les ordres monastiques).
Les 3 aumônes obligatoires par semaine.
Les 3 jeûnes annuels.
Les 3 repas par jour.
Les 3 repas carnés par semaine.
Les 3 présentations du novice devant le Chapitre avant sa réception.
L'obligation d'accepter le combat à un contre trois (3).
Les 3 assauts de l'ennemi avant la riposte du Temple.
Les 3 chevaux que le Templier recevait lorsqu'il partait en expédition.
L'obligation pour tout Templier de se figer à 3 pas devant l'abacus du maître.
Les 3 messes par semaine que les chapelains de l'Ordre devaient célébrer.
Les 3 baisers initiatiques, dits "baisers obscènes" lors des procès, donnés aux frères par ceux qui les recevaient : les baisers sur les lèvres, le nombril et l'épine dorsale, selon Hugues de Bure, ou sur la bouche, l'anus et le pénis, selon Raoul de Gisy (cf. B. Marillier, op. cit.).
Les 3 signes de croix que les Templiers devaient faire avant d'engager le combat.
Les 3 couleurs du Temple.
Les 3 provinces du Temple d'Orient.
Les 3 clefs de la bourse détenues par le maître et deux autres hauts dignitaires de l'Ordre.
Les 3 hauts dignitaires de l'Ordre ayant préséance sur tous les autres Templiers : le maître, le sénéchal et le maréchal.
Les 3 groupes à cheval de frères-chevaliers composant un escadron du Temple.
Les 3 fenêtres ou groupes de fenêtres qui éclairent souvent les églises et chapelles de l'Ordre.
Les 3 travées des églises et chapelles templières.
Le 3 est universellement un chiffre primordial. Premier nombre insécable, il exprime le spirituel et l'intellectuel, en Dieu, dans l'univers et dans l'homme. C'était déjà sa signification chez les Celtes. Il est la synthèse de la tri-unité de l'être où il est le résultat de l'union du 1 (principe masculin) et du 2 (principe féminin), c'est-à-dire l'union du Ciel et de la Terre. De ce fait, le 3 est l'expression la plus complète du divin, de l'harmonie cosmique et de l'accomplissement intégral de la manifestation. C'est encore le nombre de toutes sortes de triades (esprit/âme/corps, vie/mort/résurrection, ciel/terre/enfers, etc.) et des Trinités divines païennes, notamment indo-européennes, et chrétienne.



Le chiffre 9

Les 9 fondateurs traditionnels de l'Ordre.
Les 9 Templiers nécessaires pour constituer une commanderie.
Les 9 provinces du Temple d'Occident.
Les 9 années de gestation du Temple (1118 à 1127) .
Les 72 articles (7 + 2 = 9) de la Règle primitive.
Les 180 ans (1 + 8 + 0 = 9) de l'existence de l'Ordre.
Les 9 000 commanderies templières (nombre invérifiable donné par Matthieu Paris).
Les 117 (1 + 1 + 7 = 9) chefs d'accusation lors des procès.
La mort du dernier maître, Jacques de Molay, également marquée par le 9 : il fut mis à mort le 18 (1 + 8 =9) mars 1314(1+3+1+4=9).
Dernier des nombres simples, le 9 possède une forte valeur rituelle. Il annonce à la fois la fin et le commencement, donc une transposition sur un nouveau plan, conduisant à une renaissance. Le 9 est la mesure des gestations et symbolise la récompense des efforts et l'accomplissement de la création. Nombre de la neuvaine (neuf jours de prière), source de grâce, le 9 (Énée) est le nombre de degrés (les échelles de Jacob et de joseph d'Arimathie comptent 9 barreaux) que doit franchir celui qui cherche Dieu, à l'image de la neuvième lame du tarot, l'Ermite ou le Pèlerin. Enfin, le 9 est le nombre de celui qui réalise la volonté divine.



Le chiffre 8

Les 8 jours de pénitence que doit subir un Templier fautif d'une faute vénielle.
Les 8 sacrements que recevaient les Templiers.
Les 8 angles de la croix pattée et alésée.
Les 8 articles du serment prêté par le futur Templier.
Mais le 8 se rencontre surtout dans l'architecture du Temple, sous la forme des églises et chapelles octogonales, encore que les Templiers n'en aient pas fait un emploi systématique.

Totalisateur, le nombre 8 est celui de l'équilibre cosmique, car c'est le nombre des quatre points cardinaux et des quatre directions intermédiaires.

Nombre marquant la condamnation des impies et la récompense des justes, le 8 est le symbole de l'accomplissement et de l'avènement. D'où sa nature mariale.

Mais surtout le 8, succédant aux 7 jours de la Création, représente le "passage" à une autre vie, une renaissance et une résurrection. C'est pourquoi, jadis, les fonts baptismaux et les premiers baptistères étaient octogonaux (églises de Poitiers, Fréjus, Aix-en-Provence, Ravenne, etc.).

Par l'octogone christique, on passe du monde profane et terrestre (représenté par le carré) au monde sacré et céleste (représenté par le cercle ou le dôme). C'est ce rôle que jouaient les églises et chapelles templières.

Notons encore que le 8 est le symbole du jugement de l'Agneau, comme l'indique l'Apocalypse, du juste et du Christ considéré, à l'instar de Melchisédech, comme la figure du "Roi de justice" ou du "Roi du Monde".




L'abraxas panthée

Formule magique et sacrée, Abraxas est, dans la Gnose grecque, le nom du dieu de l'année. Son origine est issue des sept premières lettres du nom de Dieu en hébreu, et fait référence aux sept planètes, aux sept archanges, aux sept péchés, aux sept jours, etc. Décomposées selon le système grec de numérotation, puis additionnées, les sept lettres du terme donne le nombre du cycle annuel, soit 365. Il est donc le symbole de la totalité de la Création, du cosmos et de la Connaissance (gnosis). Selon saint Jérôme, Abraxas correspondrait au nombre mystique et caché de Mithra, dont la somme des lettres, en grec (MEIOPAE), donne aussi 365.

Les Abraxas se présentent sous la forme d'intailles (pierres fines gravées en creux) ou de gemmes soit montées en bague, portée par les chrétiens gnostiques, puis par les maîtres du Temple qui l'utilisaient souvent comme contre-sceau, soit utilisées en sceaux. Ces pierres précieuses remontent au II siècle apr. J.-C., à une époque où vécut le célèbre philosophe gnostique Basilide d'Alexandrie dont la doctrine tenta de synthétiser les courants chrétien, égyptien, mithriaque, grec et celte; certaines données de cette doctrine se retrouvant dans celle du Temple. Ce dernier utilisa les Abraxas dès la période de Hugues de Payns, lequel en hérita de la famille des comtes de Champagne qui en réactiva l'usage. Car l'emploi de l'Abraxas ne fut nullement l'apanage des seuls Templiers. Son utilisation fut constante durant tout le Moyen Age et répandue au sein des corporations, notamment celles des maîtres maçons et des tailleurs de pierres, de la bourgeoisie et de la noblesse.




La figure centrale en est un être composite réunissant un buste et des membres supérieurs d'homme, le buste vêtu d'une cuirasse à l'antique, les bras étant nus. La tête est celle d'un coq, bec droit ou levé vers le ciel, tournée vers la droite ou vers la gauche. Les membres inférieurs sont constitués de deux serpents recourbés vers le haut. Le monstre tient deux objets, une rondache dans la dextre et un fouet ou flagellum dans la sénestre, parfois remplacé par un bâton. Cette curieuse figure cumule plusieurs symboles de nature "mythicodivine" dont la valeur initiatique ne pouvait pas échapper aux Templiers.

D'abord les deux symboles complémentaires que sont le coq - qui remplace en l'occurrence l'aigle - et le serpent. Symbole de la sagesse et de la vigilance, le coq, par son chant, chasse les ténèbres et permet au soleil de se lever et de briller. Il incarne l'Initié qui renaît après la mort initiatique de la nuit à la lumière d'une vie nouvelle et purifiée de toutes les souillures. Le serpent, incarnation des forces telluriques et chthoniennes, symbolise ici l'énergie tellurique nécessaire au processus de renaissance, de vie nouvelle sublimée par la Connaissance que procure le Bien, les têtes de serpents regardant vers le ciel, l'univers de l'Esprit parfait. Par ses mues périodiques, le serpent est le signe du perpétuel mouvement originel et de l'éternelle succession des cycles. La cuirasse à l'antique indique la nécessité de lutter pour acquérir la Connaissance et la Sagesse qui ne sont jamais données mais conquises. La rondache, qui porte souvent les lettres grecques I A W, iota, alpha, oméga, est le signe de la protection de l'Initié dans sa quête de la Connaissance et de la Sagesse, et le fouet ou le bâton est celui du pouvoir.

L'Abraxas Panthée utilisé par le Temple, généralement presque exclusivement par le maître et les hauts dignitaires, est souvent accompagné par les trois lettres grecques, qui sont alors placées non sur le bouclier mais sur le champ du sceau, et de sept étoiles figurant les sept lettres du terme Abraxas. L'exergue est toujours le même : SECRETVM TEMPLI. Inscription qui se passe de commentaire.

Le Baphomet

Baphomet est le nom donné par certains occultistes du XIXe siècle à l'idole mystérieuse que les chevaliers de l’ordre du Temple furent accusés, à tort ou à raison, de vénérer. Le plus souvent représentée par la tête d'un homme barbu, l'idole était vénérée mais également crainte pour sa laideur. On peut remarquer chez lui une poitrine ainsi qu'une tête de bouc.




Baphe-métous, baptême de sagesse ; Bios-phos-métis, vie-lumière-sagesse ; Bapho ou Bafo, nom d'un port de Chypre dont le Temple fut très peu de temps le propriétaire ; Abufihamat, corruption de l'expression arabe "le Père de la compréhension", Maphomet "L'Incompris", ou encore de l'arabe Ouba el-Phoumet, "Père de la bouche" ; etc.

Hugh Schonfield1, spécialiste des manuscrits de la mer Morte, pensa qu'il s'agissait d'un mot codé. En effet, en appliquant le code Atbash (système de cryptage très ancien) au mot Baphomet, on obtient sophia, qui signifie « sagesse » en grec. Selon son interprétation, en vénérant Baphomet, les Templiers auraient voué en vérité un culte au principe de sagesse… ou aussi à la gnose.

Pierre Klossowski, dans ses Notes et éclaircissements à son roman de 1965 préfère y voir le Basileus philosophorum métallicorum : le souverain des philosophes métallurgistes, c'est-à-dire des alchimistes.

La représentation de Baphomet pourrait être inspirée du visage imprimé sur le Saint-Suaire de Turin. De nombreuses suppositions sur son véritable visage ont été effectuées : ainsi, on lui attribue le visage barbu de l'église de Templecombe à Somerset. À Paris dans le 4e arrondissement, on trouve un diable sur le tympan du porche de l’église Saint-Merri. Il fut sculpté entre 1841 et 1843. Certains y voient l'image d'un Baphomet.

Toutefois, l'idole possiblement vénérée par les Templiers est de formes très diverses selon les témoignages recueillis durant les procès : tantôt très grande, tantôt tenant dans une poche, parfois en bois, en os ou en métal, sous la forme d'une statue ou d'une toile de peinture, l'idole représente souvent une tête d'homme barbu mais peut également être un lion à tête de femme, ou un visage presque humain pâle avec des cheveux frisés. Les inquisiteurs recherchèrent activement des têtes en bois ou en métal représentant Baphomet, qui auraient été nombreuses. Même les membres haut placés de l'Ordre du Temple, tels que Hugues de Pairaud, furent incapables de décrire la tête, expliquant qu'elle était trop hideuse pour être décrite, ou bien qu'ils étaient trop loin pour la voir.

Dans le même ordre d'idée d'allusion à la symbolique du ternaire, une clé de voûte représentant trois faces humaines à la bouche ouverte fut découverte dans une salle de la forteresse de Tomar. Seuls, des experts ont pu avoir accès à la partie du château qui la contient. Cette salle est interdite au public.

La créature fantasmagorique fait presque immanquablement l'objet d'un engouement chez les individus et groupes qui s'intéressent aux Templiers, en particulier lorsqu'on aborde les prétendues pratiques hétérodoxes qu'ils auraient acquises au Proche-Orient, au contact des cultures déjà en place parmi les Etats latins d'Orient.

Une autre théorie en fait la tête conservée d'Hugues de Payns, selon un témoignage d'un frère templier conservé dans les archives du Vatican. Cependant, rien ne permet de donner foi à ce témoignage, non plus qu'il est possible de l'infirmer ou de vérifier l'existence réelle de ce témoignage (passé par l'historien Heinrich Finke, lui-même cité par l'abbé Pétel).

Selon certaines sources parfaitement invérifiables mais vraisemblablement fausses, le culte de Baphomet aurait eu lieu durant les rites secrets des Templiers. L'effigie de Baphomet était sortie et montrée à tout le monde, sous la lumière de bougies noires. Très laide, elle provoquerait l'effroi en la voyant. Durant certains rites, les Templiers embrassaient la tête puis l'entourait de cordelettes ; celles-ci étaient par la suite portées autour d'eux-mêmes. Cette pratique serait issue d'une coutume palestinienne qui voulait que ces cordelettes aient des propriétés magiques telles que la guérison des malades. Ce type de légendes n'a aucun fondement historique valable.

Le culte de Baphomet serait à rapprocher du johannisme qui consiste à renier le Christ pour ensuite mieux le servir.

Egger Ph.