mardi 15 novembre 2011

Le business du BIO

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Le bio attire, se développe. D’un côté l’agriculture locale, paysanne qui a un problème avec le coût du foncier, de l’autre les groupes agro- alimentaires qui font de l’agriculture bio "intensive" loin des principes fondateurs. L’arbitre ? le citoyen qui peut faire un peu plus que consommer.

Le bio se vend et les marques l’ont bien compris. Un packaging verdoyant, un label légal mais qui ne garantit en rien la mise en œuvre d’une démarche environnementale, une accroche qui comprend le mot "naturel" et voilà, de faux produits bio se retrouvent dans notre caddie...

Avec l’explosion de la demande des consommateurs, les escroqueries prolifèrent avec de fausses étiquettes, importations douteuses, contaminations accidentelles. Nombre d’entreprises utilisent des couleurs, des images, des slogans mais aussi des logos qui ont pour unique but d’induire le consommateur en erreur et de lui faire croire qu’il achète bio.

Les contrôleurs du bio sont en permanence sur les dents, et les nouvelles tendances poussent en permanence à de nouveaux abus. Le dernier bio à la mode est la cosmétique. Des gels douches, des crèmes pour la peau et du maquillage, tout bio, mais derrière cette étiquette ’bio’, on retrouve souvent de grandes quantités de produits chimiques que les consommateurs entendaient justement fuir. Même quand le bio est véritablement bio, il est bien difficile de trouver des agriculteurs pour le produire en tenant compte des normes draconiennes de cette agriculture plus saine.

Difficile de s’y retrouver dans cette jungle de labels et de termes autour du bio, pourtant créés afin de différencier les démarches responsables des arguments publicitaires juteux. Chaque catégorie de produits dispose de plusieurs labels, les icônes se multiplient et les consommateurs ne savent plus quoi choisir.


Deux réflexions

« Je veux dire aux gens : vous pouvez manger bio, recycler votre eau, trier vos déchets, vous chauffer à l’énergie solaire ... et exploiter votre prochain: ça n’est pas incompatible ! »« Devient le changement que tu souhaiterais voir en ce monde »...


Mais au fait le bio c’est quoi ?

« L’agriculture biologique est un système de production agricole basé sur le respect du vivant et des cycles naturels, qui gère de façon globale la production en favorisant l'agrosystème mais aussi la biodiversité, les activités biologiques des sols et les cycles biologiques. ». Voilà la définition qu’en donne Wikipedia

Et l ‘encyclopédie de poursuivre

« Pour atteindre ces objectifs, les agriculteurs biologiques doivent respecter des cahiers des charges et des règlements qui excluent notamment l'usage d’engrais chimiques de synthèse et de pesticides de synthèse, ainsi que d'organismes génétiquement modifiés »



Le mouvement est né en France dans les années soixante (certains le font remonter aux années 20 en Autriche) par un réseau de paysans, de consommateurs, d’agronomes, de médecins. En réaction à l’agriculture chimique intensive qui ne respecte ni la terre, ni les hommes ni les plantes, ils se donnent quelques principes:

•relocalisation,
•agriculture paysanne,
•traitements naturels,
•droits à la terre,
•préservation de la bio diversité etc.

Bien que marginale cette agriculture a diffusé plus que des légumes, une réflexion sur la production alimentaire.

Revenons sur la belle définition de Wikipedia.

Pas mal pour les adeptes de la vie naturelle et saine. Sauf qu’elle s'est pervertie.Enfin ce qui était vrai à l’origine ne l’est plus aujourd’hui dans tous les cas.

Ainsi, malgré le refus du parlement européen, la commission européenne a réussi à faire rentrer les OGM dans le bio. Cela date de janvier 2009. Et c’est très officiellement que jusqu’à 0,9% d’OGM (Organisme Génétiquement Modifié ) est toléré dans le bio.

Et il y a d’autres dérives. Dans une interview à l’express " bio: la règlementation europeenne est laxiste" , Anne Laure Gaffuri, déléguée exécutive de l’association bio consom’acteurs déclare « la réglementation européenne est laxiste » et elle relève parmi les reculs la « mixité des produits bio/non bio au cœur d’un même établissement. De même l’alimentation des animaux avec les produits de la ferme dont ils sont issus n’est plus obligatoire ».

D’autres reculs: la non prise en compte des pollutions et des dépenses d’énergies par l’exportation massive des produits bio, les élevages intensifs ne sont plus interdits, il y a des dérogations pour des traitements chimiques, bref:

la nouvelle règlementation européenne est faite pour la "nouvelle bio": celle des supermarchés et de quelques grosses centrales, la "bio industrielle".

L'assouplissement des normes peut contenter les industriels mais les vrais acteurs de la bio les refusent.

Des labels comme Démeter, Nature et Progrès en Europe, Bio-Cohérence en France, Nathurland en Allemagne ou encore AIAB en Italie respectent un cahier des charges plus strict et conforme à l'esprit de la bio.

Des agriculteurs défendent d'autres méthodes culturales. (voir agricultures-alternatives)


L’enquête de Philippe Baqué : une bombe dans le bio

On en était resté là, mi rassuré, mi sceptique. Mais une question nous revenait sans cesse. Comment se faisait–il que la bio de plus en plus courtisée échappe aux grands groupes, aux centrales d’achats bref à tout ce qui apparaît dés qu’un marché juteux se présente ? Il n’existe que très peu d’études qui analysent l’évolution du bio, sa mondialisation.

C’est en Février 2011 que Philippe BAQUE sort deux articles dans le monde diplomatique, deux bombes.

« Florissante industrie de l’Agriculture biologique » et « Une Internationale »

Je vous donne à lire les premières lignes de chaque enquête

« Des poulets élevés en batterie, des tomates en toute saison, des vergers où l’on exploite des ouvrières immigrées… Oui, mais « bio » ! Ou comment un mouvement lancé par des militants soucieux de défendre la petite paysannerie tout en rejetant les logiques productivistes risque de s’échouer sur les têtes de gondole des supermarchés. »

« Plus de trente millions d’hectares étaient cultivés de façon biologique en 2007, à l’échelle de la planète. L’agriculture bio intensive se généralise, en proie à la même surenchère que l’agriculture productiviste dénoncée par les fondateurs de la bio. Les multinationales de l’agroalimentaire et les grands propriétaires terriens développent avec profit les monocultures d’exportation. Les paysans pauvres d’Asie, d’Amérique latine ou d’Afrique sont aussi mis à contribution. Soumis à de puissantes sociétés commerciales, ils sont appelés à produire des aliments bio pour les populations les plus aisées des pays industrialisés. »

Pour lire dans son intégralité l'article "Florissante industrie de l'agriculture biologique", le télécharger en PDF


Sauver toutes les terres pour l’agriculture paysanne locale

L’appel massif à l’exportation s’est développé parce que les terres consacrées à l’agriculture disparaissent et que les conversions en bio ne vont pas assez vite.

Selon une récente étude du service de la statistique et de la prospective du ministère de l'Agriculture français, « les sols agricoles (cultures et herbe) ont diminué de 327.000 hectares entre 2006 et 2010, ce qui correspond à une baisse moyenne de 82.000 hectares ou 0,3 % par an. »

La disparition des terres agricoles en France va galopante au profit de l’urbanisation, de zones commerciales, des routes, des ronds points etc. C’est l’équivalent d’un département français qui disparaît tous les 8 ans et réduit d’autant la capacité de production alimentaire.

Et dans cette frénésie destructrice les Alpes Maritimes font la course en tête. À un point tel que la disparition de l’agriculture sur le littoral est envisagée pour les années prochaines.

Dans le même temps chaque année, selon un rapport de l’ONU ("disparition des terres cultivées: la superficie de l'Italie perdue chaque année." ) « des investisseurs expriment leur intérêt dans l'acquisition de plus de 40 millions d'hectares de terres arables » dans le monde.

Une partie de ces terres va servir au nouveau bio: le "bio" intensif, industriel. Vous voulez du bio, vous en avez. Il n’y a plus de terre à côté de chez vous, mais qu’est-ce que cela peut faire , puisqu’il y a du bio dans les magasins. La boucle est ainsi bouclée. On répond à une demande légitime des consommateurs, en les trompant, en faisant d’énormes profits et l’on peut spéculer ainsi sur la vente des terres locales.

Les acteurs sincères du bio, qui depuis des années se battent contre l'industrie agro-alimentaire ont besoin plus que jamais que les consommateurs ne soient pas dupes.




Une chose est sûre, l’intervention du cosommateur responsable est la meilleure chose. Espérons qu’il n’est pas déjà trop tard.

Egger Ph.