Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a rejeté à Paris mardi toute limite à un an de l'accès aux marchés de l'UE pour la Bourse suisse. Le chef de la diplomatie helvétique en a fait part à son homologue français Jean-Yves Le Drian lors d'une visite officielle.
Il s'est aussi plaint auprès de lui de la manière dont la Suisse s'est retrouvée sur la liste grise des paradis fiscaux de l'UE. «La position de la Suisse est claire: elle attend que l'UE reconnaisse l'équivalence financière (...) d'ici l'ouverture des bourses le 3 janvier au plus tard», a affirmé le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) lors d'une conférence de presse. «J'ai exprimé à M. Le Drian mon insatisfaction par rapport à l'évolution de ce dossier», a-t-il affirmé après sa rencontre avec le ministre français des Affaires étrangères. Il a rappelé que le Conseil fédéral avait déjà rejeté cette clause lors de la visite du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le 23 novembre.
Compréhension française
«La Suisse attend que l'équivalence financière soit garantie le jour de l'ouverture de la Bourse», a-t-il insisté. «Si ceci n'est pas fait ou si c'est fait avec des conditions qui ne sont pas jugées légitimes par la Suisse, le Conseil fédéral prendra des décisions», a-t-il prévenu. Il n'a pas écarté le fait que la Confédération revienne sur sa promesse d'apporter un autre milliard au fond de cohésion européen.
Selon un document interne de la commission, l'UE pourrait limiter à un an le droit pour la Bourse suisse d'acheter et de vendre des actions européennes. La reconnaissance de l'équivalence des bourses est essentielle pour que la Bourse helvétique continue à accéder aux marchés financiers européens à partir du 3 janvier 2018. «M. Le Drian a montré de la compréhension pour la position de la Suisse», a assuré le conseiller fédéral.
«Irritation»
Lors de sa rencontre avec M. Le Drian, M. Cassis a aussi fait part de «l'irritation» de la Suisse d'avoir été mise sur la liste grise des paradis fiscaux de l'UE «sans communication préalable». «Je lui ai dit ouvertement qu'un rapport entre amis ne se passe pas comme ça. Quand on a un rapport amical, on en parle avant,» a-t-il expliqué. Selon lui, le ministre français a, là aussi, «montré de la compréhension». «J'ai ressenti de l'intérêt assez fort de sa part pour comprendre ces mécanismes», a-t-il assuré. Selon le chef du DFAE, son homologue lui a d'ailleurs demandé comment avait réagi l'opinion publique suisse.
Après son premier entretien avec son homologue français, le conseiller fédéral a dit attendre de lui «de la compréhension et un soutien pour la situation particulière de la Suisse au coeur de l'Europe et non membre de l'UE. Pas plus que ça, mais c'est déjà beaucoup», a-t-il affirmé. Interrogé sur si la France pouvait être un allié de la Confédération à Bruxelles, M. Cassis a répondu: «En tout cas, je pense pas que M. Le Drian puisse être un ennemi (...) Il s'est dit disposé à approfondir les questions».
Aéroport de Bâle-Mulhouse
Lors de cette première rencontre, M. Le Drian n'a pas abordé l'achat de nouveaux avions de combat par la Suisse. «Il a eu l'élégance de ne pas le faire», a affirmé M. Cassis. Le groupe français Dassault est à nouveau sur les rangs avec son Rafale. Leur tête-à-tête a également permis de mener à terme les discussions sur la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse (EuroAirport): l'accord relatif aux entreprises suisses opérant à l'EuroAirport entrera en vigueur début 2018.
La ratification de l'accord par la France doit encore être notifiée officiellement à la Suisse, mais il s'agit là d'une simple formalité, l'accord ayant été approuvé hier par l'Assemblée nationale française. «Cet accord est un succès pour nos deux pays ainsi que pour le développement économique de toute la région trinationale du Rhin supérieur», a déclaré Ignazio Cassis.
Le chef de la diplomatie suisse souligne que cet accord apporte une sécurité juridique aux entreprises qui opèrent à l'EuroAirport - et donc sur sol français - et permet de maintenir les importantes infrastructures gérées par les deux pays, tout en favorisant la création de nouveaux emplois sur place.
Les poncifs de Mélenchon
Mélenchon
Tu oses faire la morale à la Suisse, mais tu est incapable de justifier ton propre patrimoine,
Guignol de bas étages !
En étalant son ignorance, le Robespierre aux petits pieds du XXIe siècle s'étonne que les autres pays pratiquent leur propre droit et taxe de paradis tous ceux qui diffèrent de l'enfer fiscal français…
Le député de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a parlé lundi 18 décembre des relations fiscales entre son pays et la Suisse à la tribune de l’Assemblée nationale (voir ci-dessous). A l’écouter, on serait tenté de penser que la Suisse n’est rien de moins qu’un Etat voyou, horrible paradis fiscal qui ferme les yeux sur des activités douteuses ayant pour but de financer le terrorisme international. Dans sa déclaration solennelle, le Robespierre aux petits pieds du XXIe siècle cite notamment Carla Del Ponte «procureure générale de la Confédération» et Jean Ziegler, «député suisse», pour démontrer qu’il y a également en Suisse des voix critiques sur la question fiscale.
Seulement voilà. Carla Del Ponte n’est plus procureure générale de la Confédération depuis… 1998. Et Jean Ziegler n’est plus membre du Conseil national depuis 1999. Cela ne les disqualifie pas pour autant. Mais remet par contre en question les connaissances du tribun insoumis quant aux évolutions des mentalités et des réglementations en Suisse. Notre pays a désormais l’une des législations les plus contraignantes contre le blanchiment d’argent, ce qu’il ne semble pas savoir. Ou feint de l’ignorer.
«La Suisse n’applique pas l’échange automatique d’informations fiscales, et elle s’est engagée à le faire dès 2018. Mais comme elle s’est engagée à toute sorte de choses, je me demande si elle compte réellement le faire», s’interroge Mélenchon. On n’en saura pas plus s’agissant de ces nombreux engagements que la Suisse aurait pris et qui ne seraient pas tenus. Pourtant, ce serait essentiel pour valider les réserves du député français quant aux intentions réelles de la Suisse à appliquer l’échange automatique.
On peut prendre le risque de calmer ses craintes: la Suisse s’y est engagée et elle appliquera bien dès l’an prochain l’échange automatique d’informations fiscales. Si Jean-Luc Mélenchon était moins occupé à moquer la Suisse pour sa qualité de l’air particulière qui attirerait tant d’exilés fiscaux français dans ses contrées, il pourrait s’intéresser au fonctionnement institutionnel de ce petit pays, qui sur le plan politique pourrait à certains égards servir d’exemple à la France. Ici, Monsieur Mélenchon, le gouvernement ne règne pas par ordonnance. Ici, il n’y a pas de gouvernement monocolore mais un système de gouvernance basée sur la concordance. Ici, le Parlement, et même éventuellement la population à travers le référendum obligatoire ou facultatif, se prononce avant d’adopter des réformes.
La Suisse a longtemps toléré des comportements inacceptables en matière fiscale. C’est une évidence. Mais depuis plusieurs années, les choses ont changé. La Suisse se met en conformité sur de nombreux aspects du droit européen et international et se montre même parfois plus royaliste que le roi, syndrome bien connu des citoyens helvétiques. Mais ce que Jean-Luc Mélenchon semble omettre (volontairement ou par ignorance?) dans sa belle tirade pleine de poncifs vieux comme ses références politiques, c’est que la Suisse est un pays de démocratie semi-directe. Cela a aussi ses défauts. Mais dans ce petit pays de huit millions d’habitants qui ne pèse pas bien lourd face à la France, le peuple a ici son mot à dire. Peut-être que du point de vue d’une grande puissance, ces longs processus politiques agacent. En Suisse, ce système, c’est notre honneur à tous, c’est même l’ADN de notre Confédération, de ses cantons et de ses communes.
La Suisse a sans doute encore du chemin à faire pour être irréprochable. Je ne veux pas en dresser un portrait qui sombrerait dans l’extrême opposé des propos de Jean-Luc Mélenchon. Toutefois, ressortir de vieilles rengaines sans avoir pris la peine de s’informer un minimum est vraiment pitoyable de la part d’un député qui, il n’y a pas si longtemps, se rêvait en charge des plus hautes responsabilités politiques de son pays. Peut-être que Jean-Luc Mélenchon serait bien inspiré de prendre quelques jours pour venir respirer cet air si particulier qu’il y a en Suisse, ne serait-ce que pour constater de ses propres yeux que le pays n’a pas besoin de son moralisme à la petite semaine pour aller de l’avant et s’adapter aux nouveaux standards européens et internationaux.
ATS