jeudi 18 janvier 2018

En Suisse, c’est le peuple qui décide si l’Etat peut prélever des impôts


Introduction de nouveaux impôts, établissement des taux d'imposition: en Suisse, entre initiatives populaires et référendums, le gouvernement et le parlement n'ont pas carte blanche dans le domaine fiscal. Ils doivent faire les comptes avec les électeurs.
(Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung, Zürcher Hochschule der Künste)


Le 4 mars, les Suisses doivent donner à la Confédération l’autorisation de continuer à prélever deux impôts qui sont ses principales sources de recettes. Un vote qui s’inscrit dans une tradition séculaire de fédéralisme et de démocratie directe.

A l’étranger, cela peut surprendre, mais en Suisse, il est tout à fait normal que les citoyens aient le pouvoir d’accorder à l’Etat la faculté de prélever des impôts et même de décider de leurs montants. La souveraineté populaire est inhérente au système suisse de démocratie directe.


Explications officielles NRF 2021


L’impôt fédéral direct (IFD) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont il est question dans le Nouveau régime financier 2021, soumis au référendum obligatoire le 4 mars, est un exemple typique du fonctionnement de ce système.



Dès le début, les deux impôts – qui représentent actuellement près des deux tiers des recettes de la Confédération – ont dû passer l’examen des urnes. Et au fil des ans, ils ont dû le répéter encore et encore. Le 4 mars ne sera pas la dernière fois. En effet, si le «oui» devait, comme prévu, l’emporter, l’autorisation de percevoir l’IFD et la TVA ne serait pas définitivement accordée au gouvernement fédéral. Le délai serait simplement prolongé de 2020 à 2035.

Fédéralisme fiscal

A l’origine de l’Etat fédéral suisse, fondé en 1848, les impôts directs relevaient de la compétence des cantons, tandis que la Confédération se finançait par des taxes. Cependant, depuis la Première guerre mondiale, celles-ci ne suffisent plus à couvrir les besoins financiers croissants de la Confédération. Il a donc fallu trouver de nouvelles recettes.

En 1915, le peuple suisse acceptait par 94% des voix l’introduction, pour la période 1916-1917, d’une «taxe de guerre», calculée sur le capital et les profits. Cette décision a marqué l’abandon du principe selon lequel les impôts directs relevaient de la compétence des cantons et les impôts indirects de la Confédération.

Au fil des ans, pour faire face aux situations de crise et à l’évolution des tâches de la Confédération, des impôts similaires ont à nouveau été introduits, sous des noms différents, pour différentes périodes.

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’impôt sur le chiffre d’affaires (ICA) a été promulgué, remplacé en 1995 par la TVA. Cette dernière a été approuvée en 1993 par le peuple, qui l’avait auparavant rejetée à trois reprises.

Permis d’imposer, avec des bémols

En 1958, le peuple et les cantons avalisent l’article constitutionnel qui consacre le droit de la Confédération à prélever l’IFD et l’ICA, entre-temps remplacé par la TVA. Un droit toutefois limité dans le temps. Par conséquent, avant chaque échéance, l’électorat suisse est appelé aux urnes pour actualiser la date limite. Jusqu’à présent, le peuple et les cantons ont à chaque fois donné leur accord, soit à huit reprises. La dernière fois en 2004, avec près de 74% de oui. Ce devrait également être le cas le 4 mars, sauf énorme surprise.

Les tentatives de supprimer le délai de prélèvement ont en revanche toujours échoué. D’une part, le peuple reconnaît la nécessité pour la Confédération de percevoir ces impôts, et donne par conséquent son approbation. Mais il limite d’autre part ce droit de perception dans le temps, garantissant ainsi sa propre souveraineté en la matière. Le peuple doit être consulté à chaque échéance, car la mise à jour implique un amendement constitutionnel. Cela nécessite la tenue d’un référendum obligatoire au cours duquel l’amendement doit obtenir la double majorité du peuple et des cantons.​​​​​​

Sonia Fenazzi