Paralysé des jambes à la suite d’un accident à l’âge de 16 ans et demi, Grégory Daude a mené à bien son projet d’installation en adaptant tous les outils de l’exploitation laitière familiale à son handicap. Mieux, en choisissant de se diversifier avec sa mère dans les glaces fermières, le jeune Cantalien fait un carton.
Sur la route entre Saint-Flour et Chaudes-Aigues (Cantal), le château des Ternes et son architecture féodale attirent les touristes. Au pied des tourelles qui embrassent la vallée, une nouvelle attraction locale commence, elle aussi, à acquérir quelques lettres de noblesse.
Depuis un peu plus d’un et deux étés, les glaces fermières de Solange et Grégory Daude bénéficient d’un bouche-à-oreille grandissant. « Nous profitons de notre proximité avec la départementale. Sans cette position stratégique, nous ne nous serions pas lancés dans la vente directe », souligne Solange, en même temps qu’elle incorpore des morceaux de melon dans un sorbet en cours de turbinage. Sous le regard de son fils qui empaquette, lui, des meringues.
Si le succès est aujourd’hui au rendez-vous et que le duo fourmille de projets, la satisfaction est à la hauteur des épreuves traversées. À 16 ans et demi, Grégory Daude est victime d’un accident de la route qui le laisse paralysé des jambes.
« À ce moment-là, il voulait devenir ébéniste, raconte Solange. Puis, il a passé un an en rééducation. À sa sortie, il nous a dit qu’il voulait revenir sur l’exploitation familiale. On s’est demandé comment cela allait se passer. Mais c’était tellement ancré en lui que tout le monde s’est mobilisé pour l’accompagner dans son projet. Aujourd’hui, c’est lui qui nous accompagne. Il est debout à 5 heures du matin et on est obligés de lui dire stop. »
Avec pudeur, la pétillante glacière ne cache pas son admiration pour son fils. « Malgré les épreuves de la vie, il s’est battu. C’est un exemple car il avait aussi la solution de rester sur son fauteuil et d’attendre que le temps passe. Nous avons trouvé en famille le nom du Gaec : le Gaec du chemin de l’espoir. Cela colle bien avec son histoire. »
Pour permettre à Grégory de travailler comme n’importe quel autre agriculteur, il a fallu adapter les installations de l’exploitation à son handicap. « Nous avons modifié le tracteur, le quad et la salle de traite, explique l’intéressé. Cette dernière a été spécialement étudiée pour que je puisse traire nos 45 montbéliardes en restant sur mon fauteuil. »
Il a ensuite fallu construire un atelier de transformation. « Nous avons réussi à réduire les coûts à 100.000 €, avec 55 % de subventions, en faisant tout nous-mêmes, glissent les deux associés. Autrement, la facture aurait grimpé au-dessus des 150.000 €. »
Grégory et sa mère Solange savourent leur succès. Dès leur lancement en 2016, leur production a été multipliée par trois par rapport à leurs prévisions et la tendance s’est confirmée cet été. © Service PHOTOGRAPHES
Dans la répartition des tâches au quotidien, les rôles sont clairement définis. « Grégory s’occupe de la traite et de l’alimentation des animaux et moi de la transformation. Au départ, c’était l’inverse qui était prévu. Mais je prends plus de plaisir dans l’atelier », sourit celle qui est devenue une experte en glaces, sorbets et autres desserts glacés.
Des produits fermiers dont les ventes s’envolent, presque à leur étonnement. « L’an dernier, pour notre lancement, nous tablions sur 4 à 5.000 litres de lait transformés. Nous avons multiplié ce chiffre par trois. Et encore, en 2016, nous parvenions à avoir un peu de stocks. Cette année, nous n’y arrivons pas. Nous sommes à flux tendus pour répondre à la demande. Les gens apprécient que nous proposions des produits frais. Si nous turbinions six mois à l’avance, ils iraient se servir chez les industriels. »
Malgré des prix très corrects, 5,50 € le kilo de glace par exemple, la rentabilité est au rendez-vous. « Si nous vendions tout notre lait à ce prix, nous serions riches car nous le valorisons à 900 € la tonne. Disons qu’en 2016, cela a quand même permis de compenser la baisse des cours du lait. Nous gagnons notre vie sans berner le client. Pour l’instant, nous ne transformons que 1 % de notre lait. L’objectif est d’augmenter ce pourcentage », concluent-ils. Plein d’espoirs. Leur profession de foi.
Une fabrication naturelle et artisanale
« Au départ, nous avons travaillé sur plusieurs projets, racontent les deux associés. Nous voulions d’abord partir sur du lait en bouteille mais le contenant était trop cher. Après, nous avons pensé aux yaourts avant d’opter pour les glaces l’été et les desserts glacés l’hiver. » La fabrication est totalement artisanale et naturelle, sans aucun conservateur ou autres produits chimiques. « J’ai travaillé pendant cinq ans chez un pâtissier glacier de Saint-Flour, poursuit Solange. J’ai appris sur le tas. J’ai beaucoup observé et maintenant, j’adapte la recette aux parfums. Nous en avons, pour l’instant, trente-quatre. J’ai créé récemment gentiane verveine et coquelicot violette. L’été, nous rachetons des fruits trop murs, exclusivement de productions françaises. Nous passons des après-midi à éplucher et à couper. Mais c’est notre choix pour offrir un produit de qualité. »
Dominique Diogon