jeudi 9 octobre 2025

Malgré Trump, la Suisse tient bon grâce à la «Banane bleue»

 

La Suisse se situe dans la «Banane bleue». 
C'est dans cette zone que se trouvent les grands centres économiques d'Europe
20 Minutes



Depuis que Donald Trump a débarqué avec ses gros sabots pour lancer sa guerre commerciale, le monde retient son souffle. Et la Suisse plus que quiconque puisqu'elle est frappée par des droits de douane de 39%, l’un des taux les plus élevés du continent européen.

Pourtant, à court terme, pas de panique, assure le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Ses analyses tablent encore sur une croissance du PIB de +1,3% en 2025 et +1,2% en 2026. Bref, l’économie helvétique semble, comme souvent, inébranlable. Pourquoi une telle stabilité? L'une des réponses c'est que nous nous trouvons au centre de la «Banane bleue».

La Suisse au centre de la «Banane bleue»

La «Banane bleue» est un concept proposé en 1989 par le géographe français Roger Brunet. Pour cartographier les régions les plus dynamiques d’Europe, il dessine un arc en forme de banane qui court de l’Angleterre au nord de l’Italie, avec le Rhin pour colonne vertébrale. À l’intérieur de cet arc se concentre une Europe dense, bien connectée et puissante sur le plan économique.

Cette «banane» englobe notamment Londres, Bruxelles, Amsterdam, Francfort, Zurich, Bâle, Milan et Turin. On y trouve des hubs commerciaux, des instituts de recherche, des sièges d’entreprises et des institutions politiques. C’est là que capitaux, savoir-faire et infrastructures se rencontrent: un cocktail qui explique la prospérité durable de ces régions.

Les principaux centres commerciaux sont situés dans la « Banane Bleue ». 
IMAGO/Panthermedia


Un goulot d'étranglement européen


Les voies de communication européennes ont changé, mais elles empruntent toujours les mêmes couloirs qu’il y a des siècles. Hier, les marchands franchissaient les Alpes à dos de mulet; aujourd’hui, les trains de fret filent par le Gothard. La Suisse était un goulot d'étranglement européen et elle l'est restée. Et c’est précisément cette position stratégique qui a nourri son essor économique.

Depuis le Moyen Âge, la Confédération se trouve au carrefour des flux nord-sud et est-ouest. Entre le nord de l’Italie et le nord du continent s’est tissé un maillage de villes, de marchés et de routes qui constitue l’épine dorsale de la fameuse «Banane bleue». Située en plein cœur de cet arc, la Suisse profite d’une proximité immédiate avec les grands centres européens, ce qui fluidifie les échanges dans le commerce, la recherche et la production

La Suisse, ne disposant pratiquement d'aucune ressource naturelle ni de gisements minéraux, 
a très tôt eu recours au raffinage de matières premières importées
Album / Metropolitan Museum of Art, New York



D'autres atouts suisses

Notre position ne fait pas tout. Dès le XIXe siècle, la Suisse a misé sur la transformation de matières premières importées, la formation et l’innovation. Très tôt, elle s’est tournée vers l’exportation. Des travailleurs sont partis se former à l’étranger puis sont revenus; d’autres, comme les huguenots, ont apporté leurs compétences. Ces circulations de talents ont tiré l’économie vers le haut.

L’historien Tobias Straumann parle de «chance géographique», mais souligne aussi le rôle du fédéralisme et de la démocratie directe, qui ont offert une large marge de manœuvre aux régions. Résultat: une économie innovante, adaptable et compétitive.

La Suisse plus résiliente

Mais la «Banane bleue» a un revers: loyers et foncier en hausse, trafic et pollution accrus, et des périphéries qui décrochent quand les grands projets se concentrent sur les pôles. D’où exode des régions plus faibles et densification des centres.

N’empêche, la position privilégiée de la Suisse dans ce corridor contribue largement à sa résilience. Elle lui assure des exportations à forte valeur ajoutée et des débouchés européens immédiats. Autant d’atouts qui la rendent moins vulnérable que d’autres face aux offensives commerciales américaines.

Mathias Aguilar
Jonas Bucher