mercredi 20 octobre 2010

Espagne : le lupanar de l'Europe fin prêt pour ses clients français

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Jeudi, le Paradise ouvrira ses 80 chambres et deux salles de spectacle à la Jonquera, en Catalogne, à quelques kilomètres de la frontière avec la France d'où viendront la plupart de ses clients. Les maires locaux apprécient moyennement de vivre dans le lupanar de l'Europe.
« La proximité avec la frontière nous aidera à attirer beaucoup de clients français », expliquait le propriétaire, José Moreno, à Europa Press peu avant l'inauguration du lieu, d'une superficie de 2 700 mètres carrés et dont la construction a coûté trois millions d'euros.

L'immense local aux airs d'entrepôt troué de fenêtres disposera de deux parkings, l'un d'eux « privé pour les clients qui désirent un service VIP », a-t-il précisé.

Plus de quarante employés ont déjà été recrutés et 86 femmes se sont ralliées au projet. Environ 150 pourraient finalement y travailler. Les voisins sont « enchantés », assure José Moreno, interpellé deux fois cette année dans des affaires de blanchiment d'argent, de proxénétisme et de trafic de personnes.

La justice a fini par autoriser la construction du Paradise

L'enthousiasme n'est pourtant pas aussi flagrant qu'il veut bien l'affirmer. La mairie de La Jonquera, 3 000 habitants, où existent déjà plusieurs « puticlubs » comme ils sont souvent désignés en Espagne, a tenté de bloquer la construction de ce qui sera l'un des plus grands lupanars d'Europe, selon les médias espagnols.

Son maire, Jordi Cabezas, s'était appuyé sur un rapport de la police indiquant qu'il pourrait entraîner des problèmes « de sécurité et d'ordre public ».

Mais en février, le tribunal supérieur de justice de Catalogne a finalement forcé la municipalité à lui accorder un permis, les magistrats estimant que le rapport de police était trop maigre pour justifier une interdiction.

Les maisons closes sont tolérées en Espagne, où la prostitution évolue dans un certain flou juridique. Les propriétaires ont ainsi le droit de louer des chambres aux prostituées, mais pas de prélever une part des leurs revenus, ce qui serait considéré comme du proxénétisme.

De nombreux clients français attendus

Alors que l'inauguration est proche, la mairie s'est finalement résignée. Tout juste tentera-t-elle d'interdire sa promotion sur les murs de la ville. Jordi Cabezas expliquait récemment :

« Tout le village a assumé le fait que la maison close ouvrira. C'est surtout la prostitution en bord des routes et dans la rue qui nous préoccupe désormais, plus que ce club qui s'installe dans une zone industrielle. »

De nombreuses prostituées occupent en effet les bas-côtés de la province de Gérone. Pourquoi tant d'affluence ? C'est la proximité avec la France, où la législation est bien plus stricte, et les grandes migrations touristiques qui l'explique.

Selon l'AFP, 90% de la clientèle d'une autre maison close de La Jonquera, le Dallas, vient de France, attirée par une soirée relativement confortable comparée aux affres de la clandestinité en France. Ironique, puisque la même frontière était franchie dans l'autre sens sous le franquisme par les Espagnols espérant voir des films érotiques à Perpignan…

Une soirée tout compris − entrée dans le Puticlub, location de la chambre, boissons − coûte entre 100 et 150 euros. Les clients se partageant souvent les frais de transport. A titre de comparaison, une passe dans une voiture ou à l'arrière d'une camionnette varie de 40 à 100 euros en France.

« Les municipalités sont-elles les nouveaux proxénètes ? »

A La Jonquera, Jordi Cabezas a introduit en juillet 2009 un système d'amendes visant prostituées et clients et pouvant aller jusqu'à 3 000 euros s'ils se trouvent dans des zones sensibles écoles, équipements sportifs… Mais le maire a finalement relâché la pression :

« Il est impossible d'éradiquer la prostitution au niveau local », a-t-il concédé à La Vanguardia.

Pour le collectif de défense des droits des prostituées Hetaira, les amendes ne règlent rien.

« Les municipalités sont-elles les nouveaux proxénètes ? On ne veut pas voir les prostituées dans les rues […] mais on n'offre aucun lieu alternatif où elles puissent travailler dans la sécurité. Pendant ce temps, les grands propriétaires de maisons closes se frottent les mains. »

Elodie Cuzin