samedi 16 octobre 2010

Le Gothard, record du monde, merci Monsieur Ogi !

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Le 15 octobre 2010, le tunnel de base du Gothard est percé. Avec 57 km, il devient le plus long tunnel du monde.

Le percement final du tunnel de base du Gothard constitue une revanche personnelle pour Adolf Ogi.

Emu aux larmes vendredi, l'ancien conseiller fédéral avait subi de nombreuses attaques contre sa politique lorsqu'il a lancé le projet.

«Je ne me suis pas battu comme un diable, mais comme un dieu»

Interrogé lors du journal télévisé de la TSR, Adolf Ogi a fait part de ses émotions. «J’ai pleuré, c’était le couronnement d’une histoire. Aujourd’hui, c’était le soulagement total.»

Quand Darius Rochebin lui a demandé «vous vous êtes vraiment battu comme un beau diable», l’ancien conseiller fédéral a directement rétorqué: «Je ne suis pas un diable». Sur ces paroles, l’animateur s’est corrigé: «Alors vous vous êtes battu comme un bon dieu», ce qui a tout de suite plu à l’ancien conseiller fédéral: «Ouais, ça c’est mieux», avant qu’il ne réplique: «Je ne me suis pas battu comme un diable, mais comme un dieu», en parlant de ses efforts pour mettre en route ce faramineux projet. Prédécesseur de Moritz Leuenberger à la tête du département fédéral des transports (DETEC), le Bernois est considéré comme le père des Nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA). «Lorsque je me suis battu comme conseiller fédéral pour cette vision, j'ai parfois eu l'impression que le monde entier était contre moi», a-t- il confié à l'ATS.

Le «succès» vécu au Gothard a finalement donné «une leçon à tous les opposants et critiques», s'est réjoui l'ancien ministre UDC. Et d'admettre que la grande résistance rencontrée durant son mandat face au projet a laissé des traces. «Voilà pourquoi Ogi a été submergé par l'émotion aujourd'hui», a expliqué le principal intéressé.

Très nerveux dans les minutes qui ont précédé le percement final, Adolf Ogi a déclaré avoir senti en lui tomber un poids «au moins aussi grand que la première plaque de roche qui s'est effondrée». «Le pas le plus important de la réalisation des NLFA est accompli», constate-t-il. «Il n'y a plus de retour en arrière possible.»

Tombé dans les bras de son successeur Moritz Leuenberger, lui- même en fin de carrière, l'ancien politicien a été acclamé par les mineurs qui ont scandé: «Ogi, Ogi, Ogi!». «C'est à ce moment que j'ai fondu en larmes.»

Convaincu de la première heure du Gothard et des NLFA (nouvelles lignes ferroviaires alpines), Adolf Ogi n’a pourtant jamais été invité depuis le début du chantier.

Adolf Ogi, vous êtes à nouveau sous les feux de la rampe avec le percement du Gothard. Combien de fois vous êtes-vous rendu sur le chantier?

Adolf Ogi: Je suis venu il y a 10 jours, à l’invitation de la télévision tessinoise, à Faido. Je n’avais jamais été invité depuis le premier coup de pioche, il y a 17 ans. Leur invitation m’a touché.

A l’époque, comme chef du Département des Transports, vous avez soutenu pour 24 milliards de francs les NLFA. C’est une somme énorme. N’avez-vous jamais douté de l’investissement?

Cette question me surprend. Combien avons-nous dû payer pour le sauvetage de l’UBS? 60 milliards! Je suis convaincu que les NLFA vont être un succès énorme pour la Suisse, pour l’environnement. Avec ce projet, nous avons à nouveau un rôle de pionnier et de visionnaire. C'est une réalisation extraordinaire qui nous vaudra beaucoup de respect dans le monde entier.

Au cours de votre carrière, vous n’avez pas ménagé vos efforts pour convaincre les ministres européens de notre politique des transports. Quels ont été les moments les plus difficiles?

C’était effectivement un gros travail de persuasion. Quand ils arrivaient dans la vallée, à Wassen (UR), ils disaient tous qu’il était impossible de construire quelque chose ici. Je me souviens avoir sorti les grands moyens avec le premier ministre belge de l’époque, Jean-Luc Dehaene. Nous survolions la région en hélicoptère. Il pensait lui aussi que c’était impossible. J’ai alors demandé au pilote de nous amener devant la face nord de l’Eiger, le plus près possible. Une fois sur place, l’hélicoptère est resté quelques instants immobiles, face à la paroi vertigineuse. Et là, j’ai dit, en français: «Jean-Luc, ici on ne peut pas construire d’autoroute, mais en bas, oui.»

Et que s’est-il passé?

Dehaene a dit: «Ok, j’ai vu, mais j’ai peur là, allons-nous en, s’il-te-plaît.» Par la suite, il a été notre meilleur représentant à Bruxelles! Helmuth Kohl nous a aussi beaucoup soutenu. Il aimait la Suisse, la nature, les paysages. Ca nous a aidé.

Fin octobre, Doris Leuthard reprendra le Département des Transports, avec le défi du réseau ferroviaire du futur. Les experts plaident pour l’introduction de trains à grande vitesse. Qu’en pensez-vous?

En 1990 déjà, je soutenais le projet Swissmetro, qui prévoyait un train rapide et souterrain, entre Lausanne et Genève, ainsi qu’entre Zurich et Bâle. A l’avenir, il est impératif d’améliorer les tronçons Olten-Zurich et Berne-Lausanne. Ces tronçons doivent absolument être plus rapides.

Après le percement du tunnel de base du Gothard vendredi, le ministre des transports Moritz Leuenberger a serré dans ses bras l'ex-conseiller fédéral Adolf Ogi, promoteur en son temps des NLFA.

Visiblement très ému, Adolf Ogi n'a pas pu s'empêcher de lancer sa fameuse petite phrase «Freude herrscht» (c'est la joie).

Juste avant, le premier mineur était passé à travers l'ouverture creusée par le tunnelier, portant depuis la section de Sedrun la statuette de Sainte-Barbe du côté de Bodio, accompagné par la musique de la fanfare d'ouverture d'Aida. «Ma plus belle expérience en 36 ans de travail», a commencé cet ouvrier autrichien.

Dans la halle du chantier de Sedrun, les près de 1000 personnes présentes se sont levées pour porter un toast aux mineurs. Dans la galerie, les bouchons de champagne ont sauté après le percement.






Moritz Leuenberger s'est exprimé lors de la cérémonie de jonction du tunnel du Gothard, vendredi. Il a félicité les Suisses pour leur engagement

Avec le tunnel de base du Gothard, «c'est l'un des plus grands projets environnementaux du continent qui devient réalité», a déclaré Moritz Leuenberger juste avant le percement final. Un discours qu'il a débuté en saluant les citoyens suisses.

"Les électeurs suisses ont prouvé à travers les urnes qu'ils avaient le courage de s'engager dans la construction de ce tunnel", a dit le ministre des transports devant les invités. Et de souligner que seule une communauté politique était capable de percer le plus long tunnel du monde en respectant le délai initial et en ne dépassant pas les coûts prévus.

«Cette journée est la preuve que notre démocratie directe est durable, cohérente et efficace», a encore ajouté Moritz Leuenberger. Quant aux sceptiques, ces Cassandre, «nous ne voulons pas leur faire de reproches». Grâce à eux, «nous avons calculé et surveillé nos coûts de manière scrupuleuse», a dit le socialiste.

«A 2300 mètres au-dessous de la ligne de partage des eaux entre la Méditerranée et la Mer du Nord», «dans les entrailles de la montagne», «nous contribuons à façonner notre continent sous le signe de la solidarité et du développement durable en développant le transfert du trafic de la route sur le rail», s'est réjoui Moritz Leuenberger.

Et de conclure: «Ensemble nous avons réalisé quelque chose de grand. Car nous le savons tous: la montagne est grande et nous sommes si petits».

Discours, musique et recueillement ont précédé le percement du tunnel de base du Gothard vendredi à Sedrun. La galerie a été bénie en allemand, italien et en rumantsch

Les mineurs sont les héros de ce chantier et de ce grand jour», a déclaré Renzo Simoni, directeur général de AlpTransit, qui a enlevé son casque et s'est incliné pour rendre hommage aux ouvriers. Il a lu les noms des huit mineurs qui sont morts lors de la construction. Leurs photos avaient été accrochées dans une petite niche de la galerie, illuminée par des bougies.

M. Simoni a souligné qu'AlpTransit est un projet de plusieurs générations et pour plusieurs générations. «La montagne est grande, nous sommes petits, mais ensemble nous avons créé quelque chose de grand. Nous avons vaincu la montagne», a complété le ministre des transports Moritz Leuenberger. Pour lui, ce projet démontre à quel point notre démocratie est efficace.

«Chers critiques, bienvenue dans la halle de fête», s'est exclamé le conseiller fédéral, qui a qualifié le tunnel de base «un des plus grands projets environnementaux» de tous les temps.

Deux prêtres ont béni la galerie et les personnes présentes en allemand, italien et rumantsch. «Que ce tunnel puisse rapprocher les peuples», ont-ils dit en invoquant aussi Sainte-Barbara, la protectrice des mineurs. Les yodels et le chant diphonique de Christian Zehnder ont résonné dans la caverne. Puis le tonnelier a été mis en marche quelques minutes après 14h00.






Voeux d'Adolf Ogi 1999


Au cœur d'intenses discussions depuis des décennies, il est en travaux depuis 17 ans: le tunnel de base du Gothard, long de 57 kilomètres, sera complètement percé le 15 octobre prochain.

Rappel des principales étapes.

1947 - L'ingénieur Eduard Gruner évoque dans la revue «Prisma» l'idée d'un tunnel de base au Gothard comme élément d'un réseau ferroviaire rapide.

1963 - Le Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (DFTCE) institue une commission pour l'étude de cinq variantes possibles. A la majorité, elle se prononce pour la construction d'un tunnel de base au Gothard.

1973 - Le DFTCE met au point un concept transitaire. Les CFF sont chargés de préparer un projet.

23 juin 1990 - A l'issue d'une vaste procédure de consultation, le Conseil fédéral propose au Parlement la construction des deux lignes du Gothard et du Lötschberg.

27 septembre 1992 - Le peuple suisse approuve par 64% des voix le concept des Nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes (NLFA), qui comprend les axes du Gothard et du Lötschberg.

Eté 1993 - Le DFTCE et le Département des finances ne s'entendent pas sur le financement et la rentabilité des NLFA. La querelle entre Adolf Ogi et Otto Stich se rallumera en été 1994. Le premier s'en tient au concept des deux axes, le second n'en veut qu'un seul.

22 septembre 1993 - Les travaux de construction du tunnel de base du Gothard débutent à Polmengo (TI) avec la galerie de sondage.

20 février 1994 - L'initiative des Alpes est approuvée en votation populaire. Elle exige notamment le transfert des transports de marchandises en transit de la route au rail dans un délai de dix ans.

17 mars 1998 - Après le Conseil fédéral en 1996, le Parlement approuve la construction simultanée des deux tunnels de base redimensionnés. Celui du Lötschberg n'aura qu'une voie sur les deux tiers de son parcours.

29 novembre 1998 - Le peuple approuve par 63,5% des voix l'arrêté fédéral sur la construction et le financement des transports publics.

8 décembre 1999 - Les Chambres fédérales acceptent un crédit de 12,6 milliards de francs pour les NLFA - sans la TVA et le renchérissement.

21 mai 2000 - Les citoyens helvétiques disent «oui» à 67% des voix aux sept accords bilatéraux avec l'UE, dont celui sur le trafic terrestre. Ce dernier prévoit notamment que l'Union accepte la politique de transfert de la Suisse.

22 septembre 2000 - Entrée en service du premier tunnelier à Steg/ Niedergesteln (VS).

8 février 2004 - Le peuple rejette en votation populaire le contre-projet Avanti, qui proposait un deuxième tunnel routier au Gothard.

15 juin 2007 - Inauguration officielle du tunnel de base du Lötschberg. La compagnie BLS se charge de son exploitation.

15 octobre 2010 - Percée finale du tunnel ferroviaire du Gothard à 14 h 30.

Egger Ph.