lundi 18 octobre 2010

Savoir lire pour mieux s'en sortir

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La Francophonie a bâti quelque 250 centres de lecture à travers le monde. Pour promouvoir la langue, mais aussi pour assurer le développement social et culturel des zones rurales. Exemple au Togo.

Jadis langue de Molière ou de Voltaire, le français a depuis longtemps dépassé le berceau hexagonal. Aujourd'hui, il est la langue de plus de 200 millions de personnes dans le monde, réparties dans une septantaine de pays. Une omniprésence que le XIIIe Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la Francophonie, qui se tiendra de vendredi à dimanche à Montreux, aura pour tâche de rappeler. Sur le terrain, l'action de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) se concrétise notamment par le financement et la mise en place de Centres de lecture et d'animation culturelle (CLAC). Depuis 1986 et l'ouverture du premier de ces centres au Bénin, quelque 250 CLAC se sont petit à petit créés dans le monde entier. Véritables vecteurs de développement, ils permettent aux enfants et aux jeunes de pratiquer la lecture, le théâtre et d'autres activités culturelles et sociales. Reportage au Togo, pays francophone d'Afrique de l'Ouest de 5,8 millions d'habitants.

Des milliers de livres

«C'est fini, il faut rentrer maintenant», souffle un animateur du CLAC d'Atakpamé. En ce vendredi soir, la nuit est déjà tombée sur cette ville togolaise de 85 000 habitants située à 160 km de la capitale Lomé. Assis sur le pas de la porte, quelques enfants retardataires se lèvent et rentrent chez eux, presque à regret. Ce n'est que partie remise, ils pourront revenir dès le lendemain matin. Comme des centaines de jeunes vivant dans la région. Ouvert il y a huit ans, le CLAC d'Atakpamé connaît un énorme succès. Du lundi au samedi, enfants et ados s'y pressent pour participer à des activités culturelles: petites pièces de théâtre, chant et danse. Mais, surtout, ils viennent pour lire des livres. Des milliers de livres, de la bande dessinée au dictionnaire des synonymes, qui sont mis à disposition gratuitement. Construit à côté de l'Hôtel de ville d'Atakpamé, dans un bâtiment appartenant à la commune, le CLAC est ouvert de 14 h à 19 h. En général très fréquenté, il devient carrément surpeuplé les mercredi et vendredi après midi, périodes de congé scolaire, et le samedi. «Il y a souvent jusqu'à 500 personnes», se réjouit Issa Bongo, coordinateur des CLAC auprès de l'OIF pour toute l'Afrique de l'Ouest. Les activités pour occuper tout ce petit monde ne manquent pas non plus. Sur scène, les plus jeunes se livrent à un petit théâtre sur le thème de la malaria. Au-dehors, des danseurs entament une valse endiablée, perchés sur des échasses trois mètres au-dessus du sol. Plus loin, malgré toute cette agitation, des jeunes parviennent à concentrer leur attention sur le livre qu'ils lisent, assis dans un coin. A une table, Boukari, 16 ans, entame un roman policier. «J'adore le suspense», s'enthousiasme-t-il. Comme beaucoup de ses copains, il vient au CLAC trois à quatre fois par semaine. A côté de lui, Daniel est plongé dans un ouvrage consacré à la physique. Du haut de ses 14 ans, il tente de déchiffrer le principe d'Archimède. «C'est facile, c'est l'histoire d'un type et d'une baignoire», explique-t-il.

Onze centres au Togo

Dix centres du même type existent déjà au Togo. «Et un onzième est actuellement en construction dans la ville d'Agou», indique Issa Bongo. Le lancement des CLAC au Togo a nécessité un budget d'environ 1,2 million de francs. Qui a financé cette initiative? «C'est une gestion tripartite. L'OIF est l'initiateur du projet et fournit un appui, de même que le gouvernement. Mais la communauté locale est aussi impliquée», énumère le coordinateur du projet. Pour lui, ce dernier point est capital: «Notre but est que la population soit impliquée. Qu'elle mette un peu d'elle-même dans ce centre qui doit avant tout être le sien.» Ainsi, le CLAC d'Atakpamé est géré sur le terrain par six animateurs rétribués par la ville.

Vers l'informatique

Mais, si l'objectif principal des CLAC reste de rendre le livre et l'information en général accessibles à tous, même dans les régions rurales et les banlieues défavorisées, une nouvelle génération de centres est en train de se dessiner. «Le CLAC d'Agou qui est actuellement en construction fait la part belle à du matériel plus moderne comme des ordinateurs connectés à internet ou un projecteur vidéo», précise Issa Bongo. Vu le succès grandissant de ces structures - notamment depuis leur gratuité instaurée il y a deux ans - les nouveaux CLAC seront aussi plus grands. Tout en privilégiant aussi l'animation socio-culturelle. Et l'avenir? «Notre but est qu'il y ait des CLAC partout», assure Issa Bongo. Philosophe, le coordinateur ajoute: «Ce n'est pas toujours facile, mais c'est un combat qui mérite d'être mené.»

Nicolas MARADAN