A cause des films, des séries et des romans, beaucoup de gens ont des idées reçues sur le Moyen Âge qui s’avèrent être totalement fausses. Il est donc grand temps de rétablir la vérité sur cette période charnière de notre histoire.
Commençons par le commencement, le terme de Moyen Âge apparait au XVIIe siècle pour désigner de manière péjorative le temps qui sépare deux périodes fastes : L’Antiquité et la Renaissance. Globalement, il s’agit donc de 1000 ans d’Histoire, soit de 476 (la chute de l’Empire romain) à 1453 (la chute de Constantinople).
Certains historiens repoussent même cette date à 1492 (la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb). Ces 1000 ans d’Histoire ne sont pas homogènes et ne représentent pas uniquement des périodes de guerres successives. En bref, le Moyen Âge n’est pas une époque pleine d’obscurantisme. Bien souvent les films hollywoodiens où les séries ont tendance à noircir le tableau, à présenter les faits sous un angle spécifique pour le simple plaisir des spectateurs. Mais la réalité est tout autre…
1) Les paysans sont une catégorie de la population homogène et uniquement constituée de gens pauvres
La paysannerie est tout sauf homogène. Il existe tout d’abord deux sortes de paysans : Le serf et le vilain. Les serfs appartiennent au seigneur qui a tous les droits sur eux. Ils sont attachés à la terre et sont donc vendus avec elle si celle-ci change de propriétaire. Mais ne nous leurrons pas, à l’inverse des films où le seigneur fait exécuter ses paysans pour son bon plaisir, la réalité est bien différente. Le serf fait vivre le seigneur en fournissant une grande partie de la nourriture consommée. Les vilains sont des paysans libres qui doivent payer un impôt (la taille) pour pouvoir cultiver les terres du seigneur. Certains paysans s’en sortent mieux que d’autres et peuvent même devenir curés par exemple. Un grand propriétaire foncier pouvait se faire construire une grande demeure.
2) Les tavernes et auberges sont des lieux publics où il est possible de manger et de dormir
L’imagerie populaire veut qu’après avoir consommé sa pinte, n’importe quel voyageur puisse se rendre dans la chambre au-dessus pour s’y reposer seul ou accompagné. La vérité est plus complexe. Les auberges par exemple n’étaient pas des endroits publics, l’aubergiste ne servait souvent de la nourriture qu’aux clients qui avaient une chambre. Pour boire du vin, il fallait se rendre dans une taverne (milieux plutôt calmes) et pour la bière dans un cabaret (des lieux mal fréquentés). Pour se loger, il y avait d’autres options que les auberges, le voyageur pouvait compter sur l’hospitalité des gens des classes égales ou inférieures à son rang. Il y avait aussi l’hôpital qui n’était pas un lieu uniquement réservé à la guérison mais aussi à l’hospitalité.
3) Les femmes sont exclues de certaines professions
Les femmes veuves par exemple peuvent reprendre l’activité de leur époux, ce qui inclut le métier de marchand, armurier ou encore tailleur mais bien d’autres encore. Certaines femmes avaient d’ailleurs des entreprises très lucratives. Les femmes pouvaient aussi faire partie de réseau de banditisme. Les bandits de grands chemins étaient d’ailleurs souvent des familles entières (avec femmes et enfants).
4) Les gens étaient sales et avaient des manières dégoûtantes à table
Au Moyen Âge, les gens prenaient soin de leur hygiène corporelle comme le précise l’historien Georges Vigarello. Avant de passer à table par exemple, on se lavait les mains, dans les couches sociales élevées, un serviteur passait même de convive en convive avec une bassine d’eau parfumée, impossible donc de déroger à la règle. Se baigner est une réelle habitude dans les villes médiévales car l’eau est considérée comme bienfaisante et purificatrice. Il y d’ailleurs bon nombre de bains publics hérités des thermes romains. L’hygiène corporelle est donc très importante, les cheveux sont entretenus et parfumés à l’eau de rose par exemple. Il existe même des shampoings antipelliculaires à base de plantes, tout comme les dentifrices à la menthe pour donner une bonne haleine. A table, il y a des procédures très strictes pour savoir où s’asseoir et savoir ce que l’on peut faire ou non. Par exemple, on ne repose pas dans le plat un mets que l’on a goûté, on ne partage pas un aliment déjà entamé avec son voisin. On doit s’essuyer la bouche avant de porter son verre à ses lèvres. Nous sommes donc bien loin de ce qu’il est possible de voir dans un film comme Les Visiteurs.
5) La société se méfiait de toute forme de magie
S’il est vrai que l’inquisition a existé et qu’elle fut sans merci envers des femmes accusées de sorcellerie, ce ne fut pas le cas pour « toutes les formes de magie ». La magie ne devait pas avoir de composante hérétique et donc ne pas entrer en contradiction avec la foi catholique. Mais il était possible de rencontrer un « magicien » (un homme se prétendant comme tel) pour nous aider à retrouver un objet perdu par exemple, comme c’est le cas actuellement avec les hypnotiseurs. Cela dépend aussi des lieux, une femme pratiquant la sorcellerie (difficile de définir les limites de cette pratique) en Espagne finira sûrement sur le bûcher, alors qu’en Angleterre, cela ne sera pas le cas.
6) Les hommes portent uniquement des vêtements fonctionnels et ne font pas attention à la mode
Toutes les villes d’Europe regorgeaient de tailleurs pour hommes et de marchands d’étoffes. Et à l’image de notre époque, il y avait des effets de mode très étranges comme celui venant de Bohême au 14e siècle et consistant à porter des chaussures extrêmement pointues, les poulaines. Le clergé réprouvait même ces chaussures car le bout pointu permettait de relever la robe des demoiselles qui étaient devant ces messieurs. Certains hommes aristocrates portaient des robes à manches si longues qu’ils risquaient de trébucher à tout moment.
7) Les serviteurs étaient souvent des femmes ou des personnes de bas rang
Le personnel était composé en majorité par des hommes et souvent par des personnes de haut rang. Entre 12 et 14 ans, les jeunes garçons, fils de grands nobles, étaient envoyés auprès d’autres seigneurs pour effectuer des tâches au sein du château. L’un des postes les plus appréciés était d’ailleurs celui d’échanson, chargé de servir à boire au roi ou au suzerain. L’intendant d’un seigneur (qui était en charge de gérer les terres en l’absence de celui-ci) était souvent lui-même un seigneur d’une terre voisine.
8) La médecine était basée sur la superstition
Même si une partie de la médecine pouvait se baser sur des idées mystiques, une grande partie repose sur des valeurs logiques qui sont en accord avec nos normes modernes. De nombreux traitements à base de produits naturels étaient très efficaces. Et certains chirurgiens étaient très talentueux, capables de soigner des abcès, de remettre les os en place, etc. Il est vrai toutefois qu’une partie du diagnostic impliquait l’astrologie, et que certains traitements comme la saignée étaient plus dangereux qu’utiles.
9) La guerre au Moyen Âge est uniquement faite par des chevaliers
C’est totalement faux, d’après des historiens comme Philippe Contamine. Le chevalier monté, bien que représentant un point central de l’éthique guerrière médiévale, n’est pas l’unique élément composant une armée, bien loin de là. Le chevalier représente en France surtout, une éthique et une manière de combattre particulière. Mais la masse, vulgairement appelée la piétaille représentant le gros des armées du Moyen Âge avait aussi un grand rôle à jouer. Des unités de mercenaires étrangers comme les arbalétriers génois étaient des unités redoutables contre lesquelles la cavalerie ne pouvait pas grand chose. Que dire des célèbres archers anglais qui tuèrent bon nombre de braves chevaliers français pendant la guerre de Cent Ans. La mort parlons-en aussi. Contrairement à ce que l’on pense, la guerre au Moyen Âge est beaucoup moins meurtrière qu’à d’autres périodes de l’Histoire. Pour la simple et bonne raison qu’au Moyen Âge, il était très rentable de capturer et de demander une rançon pour les prisonniers. Les chevaliers vaincus valaient leur poids en or, et bon nombre de combattants étaient prêts à toutes les bassesses pour en capturer un vivant. Les fantassins avaient une valeur bien moindre, mais en capturer plusieurs centaines permettait aux différents belligérants d’amortir le coût des combats.
10) Seul le plaisir sexuel masculin était important
Encore faux, d’ailleurs une croyance populaire médiévale veut que les femmes soient plus lubriques que les hommes. Si une femme ne pouvait repousser les avances de son mari, c’était aussi le cas dans le sens inverse. Un homme ne pouvait refuser les avances de sa femme… Une autre croyance aurait voulu que la femme ne puisse concevoir un enfant sans orgasme. Un médecin anglais du nom de John of Gaddesden aurait même préconisé aux femmes ne trouvant pas de mari de se satisfaire avec les mains de leurs bonnes. Toute une histoire.
Toutes ces informations sur le Moyen Âge sont fascinantes. Il était nécessaire de revenir sur toutes ces idées reçues qui ternissent l’image que l’on a de cette période historique.
Egger Ph.