Nouveau rebondissement dans la saga des Colombettes. Un an après les avoir achetées, le propriétaire britannique s'en sépare. A contrecoeur. Il a pris conscience trop tard de la portée émotionnelle de cette acquisition.
Matthew Rampton et les Colombettes, c'est fini. Un an après avoir acheté le vénérable bâtiment situé à Vuadens, le Britannique de 42 ans a jeté l'éponge cette semaine. Il met en vente un chalet qui n'est pas près de retrouver son lustre d'antan.«Il s'est rendu compte que ce bien aurait dû être acheté par quelqu'un de la région qui serait accepté par les gens sur place. S'il avait eu tous les détails, la vision globale, il ne l'aurait pas acquis.» Florence Thiébaud, avocate de Matthew Rampton, parle au nom de son client qui a toujours souhaité rester discret.
Un chalet vide
Les détails en question? D'abord, la portée émotionnelle de cet achat au sein de la population. Le propriétaire l'a compris trop tard. Au moment de l'acquisition, il était pourtant conscient de l'émotion qu'allait susciter la venue d'un Britannique dans ce monument du patrimoine fribourgeois («La Liberté» du 27 octobre 2009). Mais pas à ce point... Célébré par le «Ranz des vaches», le bâtiment est un lieu de mémoire chargé d'affectivité pour les Fribourgeois. La vente à un étranger avait été mal digérée à l'époque. Un groupe «Pour que le chalet des Colombettes reste au patrimoine gruérien» avait même été créé sur le réseau social Facebook. Le flou artistique depuis plusieurs mois autour des travaux prévus n'a rien arrangé. Le chalet est toujours vide, en attente de transformation. Personne n'y réside. De quoi alimenter les conversations. Vendra? Vendra pas? Découragé, le Britannique, qui a ses papiers à Vuadens, a fini par trancher. La mort dans l'âme. Car Matthew Rampton avait acheté les Colombettes en juin 2009 sur un coup de cur. Espace Gruyère souhaitait se débarrasser de cet objet encombrant qui n'a pas de rendement satisfaisant. Enthousiaste, le repreneur voulait lui redonner vie et s'y installer avec sa famille. «Il n'avait pas l'intention d'en faire un projet commercial», insiste Florence Thiébaud. Les travaux de restauration devaient durer 18 mois. Ils n'ont jamais pu commencer.
Le SeCA fait blocage
Le propriétaire n'avait visiblement pas toutes les cartes en main au moment de l'achat en juin 2009. Les Colombettes sont situées en zone touristique réservée à l'hôtellerie et à la restauration. Des infrastructures pas vraiment idéales pour vivre dans la discrétion. Pour pouvoir s'établir, Matthew Rampton accepte non seulement d'ouvrir le chalet au public deux ou trois fois par année, mais il imagine aussi un projet de Bed and Breakfast de quatre à six chambres. Insuffisant pour le Service des constructions et de l'aménagement (SeCA) qui fait blocage: il rend en février dernier un préavis négatif à la demande préalable à la mise à l'enquête pour le projet de chambres d'hôtes. La raison? La non-conformité du projet à la zone touristique, relève Giancarla Papi, cheffe du SeCA. «Un B&B n'est pas un hôtel, ni un restaurant», précise-t-elle. «Depuis, nous n'avons pas reçu de demande de permis de construire.»
«Il est déçu»
Pas de quoi freiner l'enthousiasme de Matthew Rampton qui revoit ses plans. «Il n'a jamais contesté la réponse du SeCA», glisse Steve Bulgarelli, de la fiduciaire Fidutrust Gestion & Conseils SA, mandatée par le Britannique. Le propriétaire fait le ménage: il se sépare de l'atelier d'architecture bullois A3 en début d'année et de son conseiller immobilier Florian Steiger. Il planche alors sur un projet sensiblement modifié. «Il était motivé par ce nouveau projet. Les solutions étaient là», assure Florence Thiébaud. Mais le propriétaire finira par tirer un trait dessus.«M. Rampton ne met pas la faute sur une personne ou sur un service pour expliquer son départ», précise Steve Bulgarelli. «Il reste même convaincu que l'on peut faire quelque chose de très bien, comme un Bed and Breakfast. Il est déçu mais va tourner la page. Il est jeune et a les moyens pour passer à autre chose.»Si le propriétaire saura rebondir, l'avenir du chalet est en forme de point d'interrogation. Matthew Rampton a mandaté la fiduciaire pour revendre le bâtiment. Si les Gruériens sont autant attachés au chalet de Vuadens, il devrait bien y avoir un ou plusieurs investisseurs prêts à le racheter...
THIERRY JACOLET