lundi 18 octobre 2010

CES NUMÉROS BIDON QUI VOUS HARCÈLENT

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Le coup de fil publicitaire: un grand classique qui prend une tournure nouvelle avec l'apparition d'une panoplie de numéros d'appel commençant par des préfixes étrangers. Comme celui de la France, le 0033. Ces numéros fictifs, dont use actuellement D&Co Design à Estavayer-le-Lac, proviennent de «call centers» recourant aux nouvelles méthodes de téléphonie via internet. Des méthodes qui poussent à des attitudes de télémarketing toujours plus agressives et intrusives.

Le coup de fil publicitaire sur le coup de midi. Ou juste au moment où commence le film du lundi soir à «Box Office»… Un grand classique dans l’histoire de la téléphonie, certes. Mais un grand classique qui a tendance à prendre une nouvelle dimension à en croire plusieurs de nos lecteurs agacés. En ligne de mire: l’apparition d’une panoplie de nouveaux numéros d’appels commençant par des préfixes étrangers. Comme celui de la France, le 0033. Parfois suivi de chiffres ressemblant à un numéro plausible et valable. Parfois d’une improbable alignée de 0.

«C’est du harcèlement. Pendant des semaines, j’ai eu pratiquement tous les jours plusieurs appels en absence d’un 0033 suivi de plein de zéros. J’ai décroché plusieurs fois en leur signalant la présence d’un astérisque devant mon numéro et en leur demandant sèchement, mais en vain, de ne plus m’appeler», témoigne Anne. «Jusqu’au jour où c’est moi qui ai posé des questions. La femme au bout du fil m’a alors affirmé qu’elle travaillait pour Europe Promo Cadeaux. Mais elle m’a raccroché au nez lorsque j’ai insisté pour avoir les coordonnées de D&Co Design à Estavayer-le-Lac, pour qui elle déclarait agir.» D&Co Design? Une enseigne itinérante qui ne figure certes pas à l’annuaire, mais qui a tendance à faire parler d’elle partout où elle pose ses valises (lire ci-dessous).

Identification difficile

Mais revenons à ces fameux numéros fantômes commençant par des 0033 ou d’autres préfixes de pays étrangers. «Depuis environ une année, cela devient un peu n’importe quoi», constate Valérie Muster, juriste à la Fédération romande des consommateurs (FRC). Et d’expliquer que les numéros fictifs proviennent de «call centers» recourant aux nouvelles méthodes de téléphonie via internet. Des méthodes qui sont la porte ouverte à des attitudes de télémarketing toujours plus agressives et intrusives.

Face à un numéro bidon, plus possible en effet de se protéger en activant le service de refus des appels anonymes. Inutile également de rappeler un tel numéro pour faire valoir son droit à être rayé du fichier. A moins d’adorer la petite voix du répondeur automatique vous annonçant, ô surprise, que le numéro n’est pas valable…

«La FRC a déjà interpellé à plusieurs reprises les opérateurs de téléphonie et l’Office fédéral de la communication (OFCOM), mais sans obtenir de réponse satisfaisante de leur part», regrette Valérie Muster. Questionnés à ce sujet par «La Liberté », Swisscom et l’OFCOM se défendent de toute passivité dans ce dossier. Et affirment qu’il n’est tout simplement pas toujours possible d’identifier les appels en provenance de centraux téléphoniques étrangers ou passant par internet. «Les sociétés qui usent de ces méthodes changent aussi régulièrement leurs numéros, ce qui complique le problème», ajoute Josef Huber, du service de presse de Swisscom.

L’astérisque sera renforcé

La FRC ne baisse pas les bras pour autant. Partant du principe que le démarchage téléphonique est une pratique autorisée en Suisse, elle demande que des garde-fous soient mis en place. Elle se bat de longue date pour que l’astérisque placé devant un numéro – il signifie que l’abonné ne souhaite pas recevoir d’appels publicitaires – devienne contraignant. Et puisse donc faire l’objet de poursuites judiciaires en cas de non-respect, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Bonne nouvelle pour les consommateurs: ce renforcement du rôle de l’astérisque a été inscrit dans la révision de la loi sur la concurrence déloyale, actuellement en cours. «Le texte révisé a déjà passé avec succès la rampe du Conseil des Etats il y a quelques jours. Si tout se passe bien, on peut imaginer que la nouvelle loi pourrait entrer en vigueur au début 2012», espère Valérie Muster.

La juriste à la FRC évoque encore une autre proposition faite à l’OFCOM. Elle consisterait à rendre obligatoire un préfixe, le 0500 par exemple, pour les appels publicitaires. Ce qui permettrait de les identifier et, au besoin, de les faire bloquer. «Techniquement, ce serait tout à fait possible. Mais il faudrait une volonté politique et une modification des bases légales nous permettant d’agir dans ce sens», répond Caroline Sauser, porte-parole à l’OFCOM.

Christophe SUGNAUX