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mercredi 11 avril 2018

L’histoire mouvementée de la mythique route 66



Entre 1926 et 1985, l’incontournable Route 66, longue d’environ 3670 km, traversait le pays d’Est en Ouest et reliait Chicago à Los Angeles. Depuis la région des grands lacs jusqu’à la côté pacifique en passant par les grandes plaines, les prairies et les déserts, cette voie mythique a vu le visage de l’Amérique changer au fil des décennies. Retour sur son histoire pour le moins mouvementée.

Si les entrepreneurs Cyrus Avery de Tulsa, Oklahoma, et John Woodruff de Springfield, Missouri ont joué un rôle majeur dans la création de cette route en promouvant l’idée d’une voie inter-états reliant Chicago à Los Angeles, leurs efforts de lobbying n’auraient pu aboutir sans le lancement du programme national de développement des autoroutes et des routes en 1925.

La désignation numérique 66 est officiellement attribuée à la voie à l’été 1926. Considérée comme la principale artère Est-Ouest du pays, elle doit relier les petites villes des états ruraux qu’elle traverse et ainsi dynamiser l’activité économique dans ces zones.

À une époque où le visage de l’Amérique change rapidement, la Route 66 se distingue des autres voies par son tracé non-linéaire. Depuis le nord-est du pays jusqu’au sud de la Californie, elle relie des centaines de communautés essentiellement rurales de l’Illinois, du Missouri et du Kansas, et permet ainsi aux agriculteurs de transporter et vendre facilement le fruit de leurs récoltes.

Cette configuration atypique s’avère également importante pour l’industrie du transport routier, alors en forte concurrence avec le chemin de fer. La Route 66 traverse essentiellement de vastes plaines et jouit d’un climat plus tempéré que les routes du Nord du pays, ce qui la rend particulièrement attrayante pour les camionneurs.

Les ravages des tempêtes de poussière à proximité de Dallas (1936)


La crise économique des années 1930 et le Dust Bowl, caractérisés par une sécheresse insoutenable et une série de tempêtes de poussière qui frappent les populations rurales du Sud du pays, poussent près de 210 000 personnes à émigrer en Californie. Pour ceux qui endurent cette expérience douloureuse, la Route 66 symbolise l’espoir et l’accès à de nouvelles opportunités.

La crise économique et les tempêtes de poussière obligent de nombreux ruraux à migrer vers la Californie


De 1933 à 1938, des milliers de jeunes sans-emploi venus de tout le pays sont recrutés afin de goudronner de nouveaux tronçons de la Route 66. Grâce à cette importante main-d’œuvre, la voie Chicago-Los Angeles est déclarée entièrement praticable en 1938, et cette dernière va jouer un rôle essentiel durant la Seconde Guerre mondiale.

Lors d’un mouvement de troupes en direction de la côté Ouest du pays, le capitaine Dwight D. Eisenhower voit ses hommes s’embourber à proximité de Fort Riley, dans l’état du Kansas. Cette vision le marque durablement et il lui apparait comme indispensable que l’Amérique possède un réseau routier fiable afin de permettre une mobilisation rapide en temps de guerre et d’assurer la défense du territoire.

Au début des années 1940, il est décidé que les États de l’Ouest accueilleront l’essentiel des bases d’entraînement militaire. À cela deux raisons évidentes : leur isolement géographique et leur climat sec qui facilite les manœuvres aériennes et les exercices au sol.


La Route 66 va ainsi faciliter la plus grande mobilisation de main-d’œuvre en temps de guerre de l’histoire de la nation. Entre 1941 et 1945, le gouvernement investit 70 milliards de dollars dans des projets industriels partout en Californie, plus particulièrement dans la région de Los Angeles-San Diego.

Cette gigantesque levée de fonds finance des industries entièrement nouvelles et permet la création de milliers d’emplois.

Le célèbre Roy’s Motel en bordure de la Route 66 (Californie)


Au sortir de la guerre, les Américains sont plus mobiles que jamais. Des milliers de soldats, marins et aviateurs qui ont suivi une formation militaire en Californie, en Arizona, au Nouveau-Mexique, en Oklahoma et au Texas abandonnent les rudes hivers de Chicago, New York et Boston pour la « culture barbecue » du Sud-Ouest et de l’Ouest. Une fois n’est pas coutume, la Route 66 va jouer un grand rôle dans cette nouvelle « Conquête de l’Ouest ».

Les propriétaires de magasins, gérants de motels, de campings et de stations-service comprennent très vite que tous ces voyageurs vont avoir besoin de nourriture, d’essence et d’endroits où passer la nuit durant leur long périple.

Les vestiges d’une ancienne station service en Arizona


Ainsi, restaurants, garages automobiles et motels commencent à fleurir le long de la Route 66 afin de répondre aux besoins des milliers de personnes qui entreprennent de traverser le pays.

La plupart des Américains qui empruntent la route choisissent le confort relatif des motels et des campings, particulièrement abordables, et s’arrêtent régulièrement dans les stations-service et les garages pour remplir le réservoir de leur véhicule ou changer leurs pneus.


Au fil des années, ces installations évoluent et s’adaptent à la forte demande en proposant toujours plus de services et de commodités. Désormais, de véritables « villages touristiques » sont installés à proximité des points d’intérêt principaux de la Route 66 (Grand Canyon, Parc National de Joshua Tree…) où se côtoient motels, restaurants, boutiques de souvenirs, piscines et parcs de loisirs.

Malheureusement, la forte augmentation du nombre d’automobiles sur les routes américaines à partir des années 1950 va peu à peu faire sombrer la Route 66 dans l’oubli. Les grandes axes routiers construits durant les années 1930 deviennent de plus en plus dangereux et se révèlent peu adaptés au trafic grandissant en raison de chaussées étroites et de revêtements instables.

Lorsqu’il s’était rendu en Allemagne, Eisenhower avait été très impressionné par les autoroutes du pays, qui permettaient à leurs usagers de se déplacer rapidement dans de bonnes conditions de sécurité, et cette vision va pousser le président américain à revoir en profondeur le système routier du pays en créant les Interstates.

En 1956, l’adoption du Federal Aid Highway Act débloque les fonds nécessaires à la création d’un nouveau réseau autoroutier national interétatique. Moins de 15 ans plus tard, les Interstates contournent le tracé originel et certains tronçons de la Route 66 sont repris pour construire ces autoroutes à quatre voies. En 1984, l’ultime segment de la Route 66 est court-circuité à Williams en Arizona.

L’avènement des Interstates et le déclassement de la Route 66 portent un coup fatal à l’économie de nombreuses zones rurales


Le contournement par les Interstates est vécu comme une véritable tragédie dans de nombreuses zones rurales. La plupart des commerces font faillite et des villages entiers sont abandonnés lorsqu’elle est officiellement déclassée le 27 juin 1985. Autrefois considérée comme un symbole d’espoir pour des milliers d’américains frappés par la crise économique, la « Main Street of America » connait un certain regain d’activités touristiques depuis quelques années avec la mise en valeur de certains de ses tronçons et la restauration de nombreux commerces, qui témoignent de son caractère historique et immortel.

Yann Contegat