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lundi 2 juillet 2018

Massimo Lorenzi; à quand une femme sur la RTS pour commenter un match ?


Mondial 2018. Dans des disciplines aussi médiatisées que le football, les commentatrices de matchs sont rares, et elles sont salement malmenées, en particulier sur les réseaux sociaux. 


Elles ont réussi à se faire une place dans un domaine largement dominé par les hommes. Mais l’accès au saint des saints – le commentaire de matchs – reste difficile pour les femmes

Alors que les journalistes femmes ont fait une vraie entrée dans nombre de rédactions sportives, elles sont encore bien peu à commenter les grands matchs de football, sorte de plafond de verre du sport que la Coupe du monde 2018 souligne bien. De plus, ses rares commentatrices sont salement malmenées, sur les réseaux sociaux en particulier. C’est le cas de Claudia Neumann, qui commente plusieurs matchs pour la chaîne ZDF: dès sa première intervention, lundi dernier, pour le Portugal-Iran, une partie des spectateurs a explosé de sexisme et de misogynie. Comment expliquer ces déchaînements et qu’en disent les journalistes sportifs eux-mêmes?

«Qu’elle commente les matchs féminins. Le commentaire sera à l’image du jeu: mauvais tous les deux» et «J’imagine qu’elle ne sait même pas cuisiner une soupe acceptable», pour ne reproduire que deux des messages adressés à Claudia Neumann qui ne soient pas en dessous de la ceinture. Pascale Blattner, journaliste sportive depuis vingt-cinq ans à la RTS, n’est pas étonnée de ces réactions. Elle-même en a encaissé un certain nombre comme commentatrice de hockey, notamment lorsqu’en avril 2013 une phrase prononcée hors antenne est retransmise à l’occasion d’un match du Lausanne Hockey Club (LHC): «Les gens se sont déchaînés sur les forums de hockey, j’ai reçu des lettres à la maison, les messages étaient haineux. Oui, ça a été dur à vivre sur le moment.»

Massimo Lorenzi, rédacteur en chef des sports à la RTS, abonde: «Le machisme reste très présent dans le football, c’est un fait.» Globalement, les commentateurs sportifs sont extrêmement exposés, et en particulier quand il est question de foot et de hockey. «Beaucoup de gens croient très bien connaître ces disciplines et défendent âprement la vision qu’ils en ont. Dès lors que vous êtes une femme, on vous pardonnera encore moins de choses.» Lorsque Sascha Ruefer, commentateur de la SRF suisse, a confondu la couleur des maillots sur le match Portugal- Espagne, les critiques ont été virulentes, mais pas sexistes. Une autre journaliste précise: «Les femmes se trompent comme les hommes. Mais elles reçoivent des lettres bien plus senties.» A noter que dans les sports moins médiatisés comme le volley ou le basket, de telles attaques sont beaucoup moins courantes.

«Parce qu’elle en est capable»

Face aux réactions suscitées, le chef des sports de la ZDF, Thomas Fuhrmann, a été virulent: «Nous sommes ouverts à la critique. Mais ce qui se produit avec Claudia Neumann dépasse totalement les bornes.» A un lecteur furieux qui demande pourquoi diable Claudia Neumann commente le foot, la chaîne répond: «Parce qu’elle en est capable.» Cette mise au point cible l’une des critiques récurrentes adressées aux journalistes sportives: non seulement elles ne seraient pas à leur place mais elles seraient aussi incompétentes.

Lorsque les journalistes sportives ont commencé à apparaître dans les rédactions suisses, dès les années 2000, «on nous attendait au tournant, se souvient Pascale Blattner. Mais, au niveau local ou cantonal, nous avons surtout vécu des réactions de bienveillance et d’intérêt: nous apportions d’autres regards, d’autres questions, et autant de compétences.» A noter que Claudia Neumann n’est pas soutenue uniquement par ses pairs et par sa chaîne, qui l’avait déjà choisie pour commenter des matchs de l’Eurofoot 2016, elle est également bien notée lorsqu’elle est comparée à ses collègues masculins.

Prestige et valeur ajoutée

Il faut dire que commenter un match est considéré comme la consécration du journalisme sportif. Un match de football ou de hockey, s’entend. «Ce prestige implique des enjeux de pouvoir, rappelle Lucie Schoch, maître assistante à l’Institut des sciences du sport (SSP) de l’Université de Lausanne, ce qui fait de cet exercice une chasse gardée.» D’autant plus gardée que l’événement est mondial: si les journalistes sportives britanniques et écossaises commentent depuis longtemps les matchs nationaux, Vicki Sparks, de la BBC, est la première femme cette année à prendre le micro pour une coupe mondiale.

Nathalie Ianetta, consultante sur le Mondial 2018, a passé près de vingt ans sur Canal+, incarnation pour beaucoup du bel esprit du foot; pourtant, lorsqu’elle s’est vu proposer l’exercice, elle a refusé. Comme elle l’explique sur France Inter: «Je devais avoir une valeur ajoutée par rapport aux garçons et je ne me voyais pas être meilleure qu’eux: je travaillais dans le meilleur service des sports d’Europe.» L’exercice peut aussi ne pas convenir à toutes. Elle compare le commentaire au stand up: «Quand vous ‘montez sur scène’, tout peut arriver.»

Maude Richon, l’une des cinq femmes de RTS Sports (sur quarante journalistes), s’y est essayée lors des récents Jeux d’hiver de Sotchi, où elle commentait le snowboard, le freestyle et le freeride. Ce fut l’occasion de vérifier qu’elle «préfère le reportage, donner la parole à d’autres ou faire découvrir des sports méconnus, par exemple.» Nathalie Ianetta explique aussi la rareté des commentatrices par le fait que «la première génération de joueuses professionnelles est encore sur le terrain, elles ne sont pas encore au stade de la reconversion». Lucie Schoch, qui a étudié l’aspect genré du journalisme sportif romand, nuance: «Les commentateurs ne sont pas toujours d’anciens sportifs, en Suisse en tout cas. Ils ont fait la preuve de leur expertise par leurs connaissances et de leur passion du jeu.» Pour elle, les femmes ont aussi à composer avec bien davantage de contraintes familiales que leurs collègues masculins, lorsqu’il s’agit de se rendre entièrement disponible pour une compétition prestigieuse internationale.

Pour Pascale Blattner, comme pour ses collègues masculins, commenter le foot était un rêve. Mais, en vingt-cinq ans de carrière, des chaînes locales à la RTS, elle avoue n’avoir pas réussi à l’imposer. «J’ai renoncé à force d’embûches: le regard porté sur les femmes commentatrices, par exemple, mais aussi la difficulté à convaincre ma hiérarchie. Entre-temps, je me suis tournée vers le hockey, et j’y suis bien.»

Figures d’identification

Si la RTS a ses expertes de football, comme Marie-Laure Viola ou Pascale Blattner, aucune ne commente cette discipline. «En Suisse, on est plus frileux qu’ailleurs pour imposer des commentatrices à un public parfois très critique, note Maude Richon. «Mais les choses changent: aucun de mes collègues de moins de 40 ans ne serait choqué de voir une femme à ce poste.» Pour faire bouger les choses dans ce monde dont Massimo Lorenzi souligne le paradoxe («Mondialisé, ce sport est pourtant quasi seulement masculin»), pourquoi ne pas mener une forme de discrimination positive en formant des femmes au commentaire sportif? «A titre personnel, je n’y serais pas opposé, note le responsable du sport. Mais c’est une décision que doit prendre la chaîne.» Il assure qu’il s’empresserait de soutenir une candidature de commentatrice s’il en recevait une.

Selon lui, «les femmes ont un handicap supplémentaire à affronter, celui de leur voix, qui peut passer dans l’aigu sous le coup de l’émotion. Une voix qui vire, serait-ce l’apanage des femmes? «J’ai entendu cette critique souvent, note Pascale Blattner, et j’ai même reçu des recommandations à l’interne. Personnellement, je pense simplement qu’il y a des voix plus agréables que d’autres, quel que soit le sexe.»

Maude Richon revient en amont: «Les jeunes filles manquent encore de figures d’identification, notamment pour le commentaire.» Le service des sports de la RTS reçoit d’ailleurs beaucoup plus de candidatures masculines que féminines pour chaque poste à repourvoir.

«Si les filles n’accèdent pas naturellement à une culture sportive, il sera très difficile pour elles de régater plus tard avec des collègues», souligne Pascale Blattner. «Heureusement, elles sont aujourd’hui beaucoup plus nombreuses à s’intéresser au sport.» Et elles brûlent aussi allègrement les planches du stand up.

«Lissez-la travailler»: des journalistes réclament le respect

Il y a longtemps que les journaux, durant les grands événements sportifs, s’intéressent aux épouses de ou désignent l’arbitre femme la plus sexy. L’arrivée des journalistes dans le monde fermé du sport fournit désormais une déclinaison possible à certains. Comme l’a noté Sonia Devillers sur France Inter, Télé-Loisirs publie ainsi un best of des présentatrices et consultantes internationales, tandis que le magazine Public zoome sur les plus belles journalistes sportives, tout en lâchant ce commentaire qui se veut élogieux: «On comprend mieux pourquoi certains footballeurs n’arrivent pas à sortir une phrase correcte en interview.» En 2014, même le sérieux Point publiait «Profession: journaliste sexy au mondial».

Sur le terrain, des journalistes se mobilisent contre les traitements qu’elles subissent. Exemple parmi d’autres: il y a quelques jours, une journaliste hispanophone de la chaîne internationale allemande était embrassée de force par un supporter en plein duplex.

La fronde a débuté au Brésil, où des journalistes ont lancé un mot dièse #DeixaElaTrabalhar, «Laissez-la travailler», pour réclamer le respect, celui des supporters, des collègues et des chefs, face au machisme qu’elles affrontent dans leur travail. Une vidéo montre certaines des situations de harcèlement ou d’insultes qu’elles peuvent rencontrer dans les stades mais aussi dans la rue, sur les réseaux sociaux et dans les rédactions.

Ces expressions de machisme sont suffisamment banalisées pour apparaître comme des stratégies commerciales jouables. Une chaîne de fast-food américaine a ainsi diffusé sur les réseaux sociaux une publicité proposant des hamburgers gratuits aux femmes russes tombées enceintes pendant la Coupe du monde. «Burger King offre une récompense aux femmes qui tombent enceintes de stars du football. Les femmes qui arrivent à obtenir les meilleurs gènes du football assureront le succès de la Russie pour les générations futures.» Face aux multiples réactions indignées, la chaîne s’est excusée jeudi.