Seul un quart des doses achetées contre le Covid-19 a été utilisé lors de la pandémie. La «SonntagsZeitung» révèle ce dimanche 6 avril qu'un total d'1,3 milliard de francs de vaccins a fini à la poubelle.
L'engagement de la Confédération (sous l'égide du conseiller fédéral Alain Berset) avait été (trop?) important entre 2020 et 2023: 61 millions de doses de vaccin pour 2,282 milliards de francs, selon des données de l'administration fédérale des finances (AFF). Mais les doses effectivement utilisées par la population suisse n'ont atteint que 567 millions de francs.
Peu de transparence sur les coûts
Il faut y ajouter les 268 millions de francs de vaccins envoyés à l'étranger à titre d'aide humanitaire. De quoi amortir quelque 1,447 milliard de francs de doses. Reste que 90% de celles-ci ont été éliminées une fois leur date de péremption passée, soit une valeur de plus d'1,3 milliard de francs.
Le détail des prix payés respectivement à Moderna, Pfizer et Novavax pour leurs vaccins reste confidentiel. L'Office fédéral de la santé public avait pourtant été invité fin 2023 à les publier par le préposé fédéral à la transparence, en vertu de la loi sur la transparence (L-Trans). Cette affaire est actuellement devant la justice à Saint-Gall, détaille le journal dominical.
La stratégie vaccinale de Berset frise la correction
Mécontent d’être mis devant le fait accompli pour des contrats passés avec la pharma, le Conseil national était à deux doigts de renverser la table.
Il y a des moments comme ça où tout s’emballe au Palais fédéral et où le ton monte. En cette session d’été, la stratégie vaccinale contre le Covid offre de tels instants. Ce mercredi, le Conseil national n’a confirmé que du bout des lèvres – par 96 voix contre 85 et 4 abstentions, après un vote chaotique – l’achat prévu de 14 millions de vaccins en 2023. Un non aurait entraîné la caducité des contrats négociés. Et la messe n’est pas encore dite au Conseil des États.
Le parlement est refroidi par les erreurs révélées ces derniers jours sur les achats des précieux sérums durant la pandémie. Dans l’attente des résultats de l’enquête administrative lancée par Alain Berset, promis pour la fin août, le Conseil national a lavé l’ardoise… tout en serrant les dents.
172 millions, le couteau sous la gorge
D’abord, la Chambre du peuple a validé un supplément au budget de 234 millions de francs, dont 172 millions pour des vaccins achetés pour cette année. Cocasse ou inquiétant, c’est selon, la somme a été réduite de 100 millions après le passage au crible des experts de la Confédération ce week-end et la découverte de diverses bourdes.
Sur le fond, le parlement est emprunté. Normalement, dans la mécanique budgétaire, quand le Législatif engage des crédits, il est à nouveau consulté au moment de payer la facture. Un peu comme lorsque vous utilisez votre carte de crédit pour réserver une nuit d’hôtel et que vous la payez ultérieurement.
Mais avec les vaccins, la mécanique s’est grippée. L’Office fédéral de la santé publique a parfois signé les contrats sans la réserve de la double validation des députés. Pour les 172 millions de francs, en cas de non du parlement, il y aurait des conséquences juridiques.
Cela a le don d’énerver prodigieusement la conseillère nationale Sandra Sollberger (UDC/BL), patronne d’une entreprise de peinture: «Le Conseil fédéral a expliqué que ces manquements ont eu lieu pendant une période de stress. Mais à quoi bon disposer d’innombrables juristes à la Confédération? Qui en assume la responsabilité? Si je peins un mur en rouge plutôt qu’en bleu, personne ne va me faire un sourire et me dire que ce n’est pas grave!»
Le Conseil des États voulait réduire le supplément au budget à 68 millions de francs pour éviter le gaspillage de vaccins. Il estime que 20 millions de doses suffisent pour cette année plutôt que les 33 millions prévus par le gouvernement. Il devra se prononcer une nouvelle fois.
«L’enquête ouverte a permis de livrer un premier rapport qui apporte certaines informations. Mais il y a encore beaucoup de questions ouvertes et c’est le rapport complet prévu pour août qui doit faire toute la lumière, détaille Johanna Gapany (PLR/FR), la présidente de la Commission des finances des États. À ce stade, l’engagement de certains montants sans validation par le parlement semble être confirmé et c’est avec cette information et la connaissance des montants conséquents engagés que la Commission des finances va devoir traiter à nouveau ce supplément.»
La stratégie «de redondance» en question
Après sa mise en jambes, le Conseil national s’est prononcé sur un nouveau crédit d’engagement de 780 millions de francs. En deux temps: d’abord, 319 millions pour rattraper une erreur formelle de 2020. C’est l’une des deux grosses boulettes découvertes ce week-end: deux contrats ont été conclus avec les fabricants de vaccins sans même qu’il y ait eu de crédits d’engagement validés.
Mais ce qui a provoqué le plus grand débat, c’est la suite de la stratégie vaccinale. Le Conseil fédéral veut engager 461 millions pour acheter des vaccins en 2023, précisément 14 millions de fioles et des options pour 14 millions de doses supplémentaires. Il souhaite poursuivre sa stratégie dite «de redondance», qui consiste à s’assurer d’avoir les meilleurs produits en quantité suffisante au moment opportun.
Des élus s’en agacent. Ils voulaient moins de doses. D’autres, le même nombre mais moins cher, estimant que la Suisse paie des prix trop élevés pour les vaccins.
Une courte majorité a fini par suivre le Conseil fédéral, par peur de devoir renégocier les contrats déjà lancés avec la pharma, mais aussi par souci sanitaire. Le conseiller national Michel Matter (PVL/GE) s’en réjouit: «Pour l’année 2023, sept millions de doses Moderna et sept millions de doses Pfizer seront là pour protéger la population.»
Ueli Maurer a appelé à laisser retomber les émotions avant de débattre de la stratégie vaccinale. «Mais nous avons bien compris que vous êtes nombreux à penser que nous devons revoir notre stratégie», a glissé le conseiller fédéral UDC.
Léo Michoud
Lise Bailat
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