Participant à un débat de la Télévision suisse romande, le conseiller national Christian Lüscher a estimé, que grâce à Hans-Rudolf Merz, la Suisse avait évité, contrairement à d'autres pays, de devoir verser à la Libye « d'énormes compensations financières » (???). Selon Lüscher, les Libyens seraient des gens de parole et les otages devraient donc prochainement rentrer en Suisse. Edifiant.
La ministre suisse des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey est restée sur la réserve et n'a pas souhaité s'exprimer sur la question de savoir s'il fallait présenter des excuses à Tripoli après l'arrestation (légale, licite et légitime) de Hannibal, le fils voyou de Kadhafi. Micheline Calmy-Rey reste mesurée, mais la tension est bien là. Son département conteste les déclarations de Merz selon lesquelles la Direction du droit international public du DFAE aurait eu largement connaissance du contenu de l'accord, quelques détails ayant cependant encore changé en Libye. Ni la cheffe du département ni la direction du droit international public n'ont pu examiner l'accord signé, affirme-t-on au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
De son côté, la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf émet des réserves d'ordre juridique concernant le recours à un tribunal arbitral. La police genevoise a agi dans le cadre de ses compétences et le gouvernement genevois a attesté que son comportement était correct. « Et il devrait maintenant y avoir une procédure arbitrale dans le domaine de compétences du canton. Qui plus est à l'étranger », s'est indignée Eveline Widmer-Schlumpf dans un entretien au journal alémanique Sonntag. Eveline Widmer-Schlumpf a aussi déclaré avoir été surprise par cet accord dont elle ne savait rien. A son avis, il faudra aussi clarifier la question de savoir si le Conseil fédéral doit encore entériner l'accord. Les excuses présentées par le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz seront également discutées au gouvernement. La ministre de la justice espère le retour des deux otages suisses dans les deux prochaines semaines (dans le cas des otages américains en Birmanie et en Corée du Nord, ils sont, eux, rentrés aux USA avec la personnalité politique qui avait négocié leur libération...). Sinon, on se trouvera « en grande difficulté sur le plan politique ».
« Nous discuterons certainement du déroulement des opérations au sein du Conseil fédéral », a déclaré de son côté la ministre de l'Economie Doris Leuthard samedi à Genève en marge du Congrès du PDC. « Nous devons maintenant attendre de voir si les Libyens tiennent leur promesse de libérer les deux personnes retenues chez eux et si les relations avec la Libye se normalisent ».
Le président du Conseil d'Etat genevois, David Hiler a, de son côté, indiqué que son gouvernement était à la fois « indigné » et « effaré » par le caractère improvisé de l'accord passé avec la Libye. « Il n'y avait aucune obligation de coupler des excuses avec un tribunal arbitral », a précisé David Hiler. Ce n'est pas conforme au droit suisse et « nous ne sommes pas prêts de voir la fin de cet imbroglio juridique », a-t-il dit. Genève précise ne pas vouloir de polémique tant que les otages sont en Libye. Ensuite, il s'agira de discuter du droit cantonal avec le Conseil fédéral.
« Sans soutien de la majorité du gouvernement, il ne pouvait pas signer un tel accord », constatait pour sa part en substance le constitutionnaliste Peter Hänni, directeur de l'institut du fédéralisme à Fribourg, dimanche soir sur les ondes de la Radio suisse romande. Le constitutionnaliste allait jusqu'à envisager l'hypothèse d'une démission du Président de la Confédération. Un mot qui court sur les lèvres de nombreuses personnalités politiques, et que renforce l'idée que les deux otages suisses retenus en Libye pourraient peut-être ne pas rentrer comme annoncé cette semaine.
Quatre jours après le voyage éclair de Hans-Rudolf Merz à Tripoli, son département se refuse aujourd'hui lundi 24 août 2009 à fournir toute information sur le calendrier de la libération des deux Suisses. « On en saura plus dans les prochains jours, j'imagine », a osé dire, sans rire, la porte-parole du Département des finances. Vendredi dernier, le président de la Confédération avait promis que les deux otages seraient de retour en Suisse « avant la fin de cette semaine ». Et le Département Fédéral des Finances indique qu'il reste « en contact avec les autorités libyennes » à propos des otages...
Quant au Conseil d'Etat genevois (organe cantonal), il réitère sa confiance en la justice genevoise qui a pris ses décisions en plein respect du droit et en toute indépendance. Il réitère également son soutien à la police genevoise dans l'exécution des ordres reçus de la justice. Le Conseil d'Etat s'inquiète que l'accord conclu entre la Suisse et la Libye confie à un tribunal arbitral étranger le droit de désigner les « coupables » au sein des autorités et de la police genevoise et résistera à toute action qui ne serait pas strictement conforme aux libertés individuelles garanties par la Constitution genevoise. Le canton de Genève a pris contact avec la Conférence des gouvernements cantonaux afin d'obtenir le soutien des autres cantons dans ce processus où la Confédération, sans l'en informer au préalable, le laisse seul face aux futures décisions d'un tribunal arbitral étranger.
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Egger Ph.