Tour à tour, Google, Yahoo et Facebook viennent de montrer des signes inquiétants de mépris de la confidentialité des données.
Mercredi, Facebook, le réseau social qui compte 350 millions d’utilisateurs dans le monde, a changé son système de gestion des données personnelles.
Telle que décrite par le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, dans sa lettre ouverte aux utilisateurs, cette refonte des paramètres de confidentialité se voulait une simplification.
Elle viserait à offrir aux internautes un meilleur contrôle sur la visibilité de chaque donnée personnelle et de chaque information publiée sur sa page.
Ce n’est pas totalement faux, l’apparition d’un petit cadenas à côté du champ de saisie permettant désormais de choisir au cas par cas, pour chaque publication, à qui l’on souhaite permettre la lecture de son statut ou du contenu multimédia que l’on publie sur sa page.
Facebook et ses réglages alambiqués
Le hic, c’est qu’une fois ce paramètre ajusté, le cadenas vire au gris : il n’est plus possible de modifier son choix. En outre, la transition s’est accompagnée d’un tel changement de jargon qu’une chatte n’y retrouverait plus ses petits.
Beaucoup plus grave du point de vue de la protection des données, lors de la bascule d’un système à l’autre, proposée automatiquement dès la première identification sur le site, la plupart des réglages préexistants sont remplacés par une configuration beaucoup plus laxiste. A croire que la manoeuvre ne visait qu’à cela.
En soi, rien de très grave si l’on prend soin de faire un tour dans le menu "Confidentialité" pour y mettre bon ordre, mais cela pourrait être beaucoup plus embêtant pour qui ne le fait pas.
Désormais en effet, les contenus non "protégés" ne seront plus seulement accessibles de vos amis, des amis de vos amis ou encore de l’ensemble des utilisateurs Facebook, mais du monde entier. Sous l’apparente mesure de protection, on peut du coup douter de la noblesse des intentions de Facebook.
Google, le géant de la recherche ayant annoncé il y a quelques semaines qu’il indexerait bientôt en temps réel les contenus de Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux, l’objectif non avoué du site de socialisation semblait à l’évidence de lui ouvrir le plus de pages possible.
Yahoo et les espions
La semaine dernière, le site cryptome.org, qui s’est fait une spécialité d’accueillir des documents impubliables ailleurs, a révélé une notice interne à Yahoo expliquant par le menu aux agences de renseignement gouvernementales comment utiliser leurs services.
Dans ce guide du parfait espion informatique, sobrement intitulé "guide de conformité pour l’application des lois", on découvre notamment la grille tarifaire que pratique Yahoo. Ainsi, pour un investissement de 20 à 60 dollars, la firme propose aux services de police américain un panel d’informations qui peuvent aller des seules coordonnées d’un internaute, au contenu intégral de sa boîte mail, voire à l’ensemble des données collectées à son sujet, c’est à dire aussi bien ses recherches sur le web, que ses messages instantanés, ses photos publiées sur Flickr, ou encore ses échanges sur les forums Yahoo Groups.
La firme n’a ni nié, ni confirmé l’authenticité de ce document, mais elle a bataillé pour en empêcher la publication... au nom de sa propriété intellectuelle.
Le regard qu’a Google sur la vie privée
A tout seigneur tout honneur, on ne peut évoquer ce sujet sans faire mention du moteur de recherche roi. A travers ses services de messagerie, de travail collaboratif ou encore de géolocalisation, Google détient potentiellement un dossier d’une redoutable précision sur chacun de ses utilisateurs.
Récemment interviewé par le site américain CNBC, Eric Schmidt, le PDG de Google a déclaré sous forme de boutade "si vous souhaitez que personne ne soit au courant de certaines choses que vous faites, peut-être que vous ne devriez tout simplement pas les faire".
Loin d’apporter aux internautes l’assurance que la firme respecte et protège la vie privée, Schmidt a expliqué sans faux semblant que Google, comme tout moteur de recherche conserve nécessairement des données personnelles au moins un certain laps de temps. Période durant laquelle, au moins aux Etats-Unis, les autorités peuvent s’enquérir de ces informations en s’appuyant sur la loi antiterroriste "Patriot Act". En somme, ce n’est pas son affaire.
Outre les réactions atterrées des associations de défense de la vie privée, on notera celle de hauts responsables de la fondation Mozilla qui édite Firefox, la principale alternative à Internet Explorer. "Oui, Bing respecte mieux votre vie privée que Google." a ainsi déclaré Asa Dotzler, le coordinateur des développements de Firefox. Ne mâchant pas ses mots, alors que sa fondation doit le plus gros de ses revenus à Google, il n’hésite pas à recommander de renoncer à ce moteur de recherche au profit du Bing de Microsoft, dont les règles de respect de la vie privée seraient selon lui plus scrupuleuses.
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Tijani Smaoui