Personne ne sait vraiment la tête qu'il a, mais tout le monde en parle, c'est le H1N1. Faut-il se faire vacciner ou pas, qui fait partie des groupes à risque, a-t-on acheté trop de doses? Toutes ces questions sont bien légitimes. Mais il y en a une qui a moins intéressé les médias et qui pourtant est tout aussi importante pour l'avenir: comment ce virus est-il apparu? Pourquoi au Mexique? Est-on certain qu'on ne va pas devoir revivre cela chaque année? Isabelle Moncada et Ventura Samarra ont remonté la piste jusqu'à la source de la pandémie pour 36.9°.
La Gloria, un village de 3'000 habitants à quatre heures de route de la capitale, Mexico, est désormais connu comme l'épicentre de la pandémie de grippe A (H1N1). Officiellement, le premier malade est un garçon de quatre ans. Pourquoi lui et pourquoi la pandémie est-elle partie d'ici?
Une des particularités de la région, ce sont les fermes industrielles de porcs. Pour les habitants, la pandémie vient de ces exploitations. A l'image de Granjas Carroll de Mexico, une filiale du géant américain Smithfield Foods, les fermes produisent jusqu'à 400'000 porcs par an. La présence de telles exploitations font ainsi cohabiter les autochtones avec pas moins de 5 à 6 millions de porcs dans une zone pas plus grande que la Suisse romande.
Les conditions sanitaires sont alarmantes. Les carcasses des 5 à 10% des animaux qui meurent dans ce type d'élevage sont stockés dans des fosses, au lieu d'être incinérées. Les déjections des porcs sont à ciel ouvert. Des seringues et des produits chimiques tels que des antibiotiques et des hormones viennent s'ajouter à ce mélange, qui s'évapore dans l'air ou s'infiltre dans la nappe phréatique. Les populations des villages sont donc exposées à la pollution tant par l'air qu'elles respirent que par l'eau qu'elles boivent.
Au Mexique, en principe, les normes d'élevage sont les mêmes qu'en Europe. Basée à Paris, l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) est en quelques sorte l'OMS des animaux. En mars 2009, la découverte d'un nouveau virus lié au cochon a mis l'office en état d'alerte. Pendant cinq jours, Bernard Vallat, son directeur, a enchaîné réunions et interviews. Selon lui, le H1N1 est "une maladie qui galopait chez l'homme et pas chez l'animal. Donc il était logique que l'OMS décide de la dénomination A (H1N1)."
Pourtant, cette affirmation n'est étayée par aucune étude, et aucun prélèvement indépendant n'a été fait sur les porcs des grandes fermes. L'OIE n'est pas une police des élevages et ne peut que proposer à ses membres des normes vétérinaires.
La loi mexicaine exige que les cadavres de porcs soient incinérés, ce qui n'a pas été respecté par la filiale de Smithfield. Pourtant, ni l'OIE ni l'OMS ni le gouvernement mexicain n'ont constaté et dénoncé ces irrégularités. Il faut dire que les vétérinaires officiels n'entrent jamais dans les fermes industrielles. L'entreprise pratique l'auto-contrôle. Alors, quand le gouvernement affirme qu'aucun porc testé n'était porteur du H1N1, détient-il la vérité?
Le risque avec les virus, ce sont les mutations et la proximité avec des villes tentaculaires, dont la population peut être fragilisée par la pollution de l'air, de l'eau, par des carences alimentaires, et qui souffre d'infections respiratoires chroniques. Mexico, ses 22 millions d'habitants et ses 30'000 tonnes de déchets quotidiens, est l'exemple de la zone à risque.
Quand l'épidémie s'est répandue à Mexico, les statistiques des décès étaient effrayantes. C'est pour cette raison qu'on a cru la pandémie bien plus grave qu'elle ne l'est en réalité. Avec les résultats de toutes les autopsies, on a vu que la mortalité par H1N1 n'a pas été supérieure à Mexico. Mais un grand nombre de décès était dû à des maladies respiratoires d'origine inconnue, qui n'ont fait l'objet d'aucune étude médicale.
Pourtant, les risques sont désormais internationaux. Mexico n'est qu'à quelques heures d'avion de New-York, Tokyo, Nairobi ou Genève. Nous vivons dans un seul et même biotope planétaire. Cette grippe est donc un avertissement. Aucun plan pandémie n'a pu la retenir. En moins d'une semaine, elle s'était déjà propagée dans plus de 125 pays. Ce qui est frappant, c'est que tous les gouvernements se sont empressés d'acheter des vaccins et des antiviraux, mais aucun ne s'est sérieusement intéressé au système économique responsable de ce gâchis.
Quelle est la situation des élevages porcins en Suisse? Bonne nouvelle, les éleveurs sont encouragés à nourrir les animaux avec les produits agricoles qui poussent dans les champs alentour. Les installations doivent se moderniser avec un impact minimum sur l'environnement. Le bien-être des animaux est devenu un critère important et l'utilisation de médicaments à titre préventif est interdite.
Mais cette exception sanitaire est fragile. Le groupe nord-américain Smithfield Foods détient 37% du capital-actions de l'espagnol Campofrio Food Group (transformation de viande); ils disent avoir ensemble donné naissance au "leader européen et à l'une des cinq plus grandes sociétés au monde dans le secteur de la charcuterie". Dans leur giron européen, en France et en Suisse notamment, les marques Aoste, Justin Bridou, Weight Watchers, etc. En Roumanie et en Pologne, les habitants se plaignent comme à La Gloria des odeurs et de la pollution générées par les gigantesques fermes de porcs. La prochaine grippe porcine pourrait bien être européenne.
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(43:03 min.)
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Egger Ph.