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vendredi 8 janvier 2010

Les fausses pistes terroristes et les nouvelles guerres

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Comment interpréter les réactions démesurées des USA et des autres pays occidentaux après l’attentat manqué du vol Amsterdam-Détroit le jour de Noël ? C’est comme si tout à coup le Yémen était devenu l’ennemi public numéro un par la faute d’un jeune paumé de 23 ans, dont même l’ex-président de la Commission sur le 11-Septembre Tom Kean dit qu’"il nous a rendu un fier service" avec sa tentative d’attentat [1]. Pino Cabras, le rédacteur du site italien MegaChip, revient sur les témoignages troublants de passagers du même avion ce jour-là, et nous livre l’analyse de l’écrivain Webster Tarpley sur les enjeux autour de cette diabolisation du Yémen.

Le témoin Kurt Haskell, sur l’antenne de CNN
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Nombreux sont les éléments qui ne cadrent pas dans cette affaire du Nigérian qui voulait faire sauter l’avion au-dessus de l’Atlantique. Les autorités politiques et autres journalistes perroquets ont des réponses toutes prêtes. Mais nous devrons leur poser les questions qu’ils ne veulent pas aborder. L’attentat s’est-il vraiment déroulé de la façon dont ils nous le racontent ? Existe-t-il réellement une nouvelle menace d’al-Qaida ?

Le fantôme d’al-Qaida est toujours bien présent. Il alimente de façon permanente un sentiment diffus d’attente d’un événement inconnu qui rappelle la grande représentation du 11/9. L’élan initial qu’a donné cette tragédie permet désormais à de modestes événements d’être montés en epingle jusqu’à l’hystérie.

Un jeune Nigérian de 23 ans issu d’une famille aisée, Umar Farouk Abdul Mutallab, a essayé de faire sauter un engin dissimulé contre son périnée. L’engin fait long feu et il se blesse. Une fois capturé, il déclare appartenir à al-Qaida et s’être entraîné au Yémen. C’est dans tous les médias du monde. Impossible d’ignorer pourtant les déclarations de deux passagers – les avocats Kurt et Lori Haskell, mari et femme – qui rapportent sur l’antenne de Detroit Mlive avoir été les témoins d’une histoire incroyable. Au point que même CNN et d’autres médias se réveillent et veulent les interviewer.

[En Italie] nos journaux et télévisions poursuivent leur léthargie sur commande.




Kurt Haskell raconte avoir remarqué Muttallab près de la porte d’embarquement, en même temps qu’un autre homme non identifié. Alors que Muttallab était plutôt mal habillé, l’autre, un indien sur la cinquantaine, portait un complet élégant et sans doute coûteux. Haskell l’a distinctement entendu demander aux agents chargés de recueillir les cartes d’embarquement si Muttalab pouvait monter dans l’avion sans passeport. “Le type leur a dit : ‘ il vient du Soudan et on fait ça à chaque fois’ ”. Nous qui ?

Les Haskell supposent que le monsieur élégant cherchait à gagner la clémence pour ce voyageur en le faisant passer pour un réfugié soudanais.

Il ne vous est certainement jamais arrivé de prendre un vol intercontinental sans avoir votre passeport en règle.
[…]

Et bien ici en revanche, un présumé Soudanais inconnu en provenance d’un pays inscrit sur la liste des “rogue states”, les États voyous, pays accusé depuis toujours d’accueillir de fantomatiques bases d’al-Qaida, réussit à embarquer sans ses papiers. L’histoire a des relents bien plus nauséabonds qu’une simple “faille dans les systèmes de sécurité”. Les époux Haskell racontent que les agents ont emmené Muttallab et son ange gardien cravaté voir leur supérieur hiérarchique au fond de la salle. Kurt Haskell perd alors de vue Muttallab et le revoit seulement “après qu’il ait, semble-t-il, tenté de faire d’actionner un engin explosif à bord de l’avion” quelques minutes avant d’atterrir à Détroit.

Que s’est-il passé entre-temps ? N’attendez pas de Vittorio Zucconi de la Repubblica qu’il vous donne la réponse. Il aura déjà à faire avec les journaux intimes dans lesquels le terroriste africain raconte sa dépression.

Ne pouvant pas compter sur les médias italiens [ni français, faut-il le rappeler – Ndlr], il faut nous transporter jusqu’à Milwakee pour trouver d’autres témoins oculaires, comme Patricia “Scotty” Keepman et sa fille, qui ont raconté au journal radio 620 WTMJ un fait tout à fait singulier. Elles racontent que devant elles se trouvait “un homme qui a filmé pendant toute la durée du vol avec son caméscope, y compris la scène de la tentative d’attentat”, explique Patricia.

En plus de Muttallab, nous avons donc déjà deux personnes qui s’intéressaient à ses actions, le persuasif monsieur distingué de type indien, et l’impassible “stakanov” au caméscope. Qui sont-ils ?

Nous savons que Muttallab est aussi passé par l’aéroport de Lagos, avant de s’envoler pour Amsterdam. Des révélations surprenantes nous arrivent du quotidien britannique The Telegraph à propos des caractéristiques de cet aéroport situé dans un pays sujet à des foyers de guerre civile à base religieuse. “L’aéroport de Lagos a obtenu récemment la certification “all clear” de la part de l’” US Transportation Security Administration”, l’administration américaine chargée de la sécurité dans les transports, créée suite aux attentats du 11-Septembre pour améliorer la sécurité des vols de lignes américains.” Quels sont les autres aéroports “all clear” et ceux qui ne le sont pas ? Et selon quels critères ?

“D’un côté, il semble que Muttallab ait été sur la liste ‘antiterrorisme’ mais pas sur celle des personnes interdites de vols” rappelle Magnus Ranstorp du Centre d’études suédois sur les menaces asymétriques. “Tout ceci ne tient pas debout, car le Département US pour la Sécurité intérieure a d’énormes capacités de traitement des données (“data-mining”). Je ne comprends pas comment il pouvait avoir un visa valide tout en étant sur la liste antiterrorisme ’” a déclaré Ranstorp au journal britannique The Independent. Passons sur le fait que Muttallab ait été sur la liste ‘antiterrorisme’ et que son père l’ait signalé aux autorités comme une personne dangereuse. Il y aura toujours quelqu’un pour dire que les failles de sécurité ne dérivent pas de choix faits par des organes d’États subversifs, mais simplement de cas d’incompétence, et que le terroriste, même psychologiquement fragile, sait se faufiler au travers des interstices ménagés pas l’incompétence.

Peut­-être, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’ont pas ménagé leurs efforts, à commencer par le prix Nobel de la Paix Barack Obama, pour mettre en garde contre tous les enfers et amplifier démesurément cet épisode comme une menace mortelle pour les USA et appelant à des ripostes drastiques.

Le Sénateur néoconservateur Joe Lieberman – candidat en 2000 à la vice-présidence en tandem avec Al Gore – a déclaré à Fox News que les USA devaient bombarder le Yémen sans délai. “L’Irak c’était la guerre du passé, l’Afghanistan celle d’aujourd’hui. Si nous n’agissons pas de manière préventive, le Yémen sera la guerre de demain.” Sa thèse selon laquelle le Yémen est le nouveau refuge d’al-Qaida est devenue instantanément un refrain dans tous les grands médias. Et ce refrain des mass-médias anglo-saxons a été repris sans exception par leurs homologues italiens [et français bien sûr – Ndlr]. Pourquoi le Yémen ? La thèse que donne l’analyste politique Webster Tarpley sur Russia Today est intéressante.




Que nous dit Tarpley ? Obama a mis à jour la liste des pays de l’”Axe du Mal”, en direction de l’entité Afghanistan-Pakistan (AfPak), mais aussi de la Somalie et du Yémen. Au Yémen sévit une guerre civile contre le gouvernement central prosaoudite et une guérilla chiite pro-iranienne de la part des Houthi, qui ont été bombardés à plusieurs reprises par les USA. L’objectif de fond est d’alimenter la tension déjà très forte entre l’Iran et l’Arabie Saoudite afin de les affaiblir tous les deux. Tarpley signale que les USA sont en train de réorganiser la “légion arabe” d’al-Qaida (l’entité qui a toujours servi de levier à la CIA) justement au Yémen. C’est l’une des façons de vider le “goulag” caraïbéen de Guantanamo. La nouvelle agence de terroristes se résume à “al-Qaida dans la péninsule arabique”, alias AQAP, une entité composée de boucs-émissaires, de fanatiques et de fous-furieux qui ont promptement revendiqué l’opération de Umar Farouk Abdul Mutallab.

L’objectif à court terme [pour les USA] est multiple : imposer leur domination sur les étroits passages de la Mer Rouge et du Canal de Suez, soulager le dollar qui est au bord du gouffre en stimulant une hausse du prix du baril de pétrole. D’où la première étape : augmenter la tension dans la péninsule arabique. Dans ce contexte, d’après Tarpley, Muttallab est simplement une marionnette des Services secrets utilisée comme une provocation qui devait avoir le maximum d’effets avec le minimum de moyens. Le tout facilité par la perception générale sur al-Qaida qu’aucun rédacteur ou homme politique n’ose remettre en cause en Occident. Sous peine de devoir rouvir la question du 11/9.

Si al-Qaida n’est pas une organisation, alors qu’est-ce que c’est ? On nous dit que c’est une étiquette, une sorte de logo, comme une “franchise du terrorisme international”. Et cela arrange ceux qui l’utilisent, et encore plus ceux qui, en théorie, la combattent.

Al-Qaida constitue pour les gouvernements qui affirment être en guerre contre le terrorisme, un ennemi pratique à désigner à l’opinion publique, un alibi idéal pour instrumentaliser des buts internes (lois d’exception toujours plus restrictives, libertés individuelles toujours plus contraintes). Al-Qaida apparait tellement “fonctionnelle ” pour de nombreux gouvernements occidentaux. Si elle n’existait pas, ils auraient tout intérêt à l’inventer et à l’évoquer.
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Pino Cabras