Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 13 juin 2010

Fribourg, capitale de la Suisse

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L’Acte de Médiation contient les constitutions des dix-neuf cantons (13 anciens cantons dont Fribourg et 6 nouveaux, soit St-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Tessin et Vaud) ainsi que l’Acte fédéral. Il établit les bases du caractère officiellement plurilingue de la Confédération autrefois dominée par le seul élément germanophone et impose l’égalité de droits entre les cantons. La griffe de Bonaparte se retrouve dans l’établissement d’un fédéralisme moderne qui se substitue à «l’imbroglio juridique de l’ancien Corps helvétique».

Le coup de génie du Premier Consul réside ici en ce qu’il agit comme s’il restaurait un fédéralisme qui n’avait en fait jamais réellement existé auparavant sous cette forme. L’Acte de Médiation est par essence consensuel car issu d’un compromis entre les aspirations nouvelles et les forces traditionnelles. S’il s’apparente à une tentative de subtil équilibre entre tradition et révolution, l’acte de Médiation marque le retour au système confédéral tout en le modernisant. Le rétablissement des coutumes politiques d’autrefois, tout en maintenant une partie des libertés acquises durant la Révolution helvétique, ramène la paix intérieure. Les Cantons ne peuvent plus contracter entre eux d’alliances particulières. Un indigénat suisse est créé. Le pouvoir central est faible.

L’Avoyer-président du canton directeur qui change chaque année joint à son titre celui de Landammann de la Suisse. Le Landammann d’alors a un rôle d’arbitre et représente la Confédération vis-à-vis de l’étranger. Il est secondé par un chancelier. Fribourg, choisi comme l’un des six cantons directeurs appelés à accueillir à tour de rôle le Directorat confédéral, devient en 1803 la première capitale tournante de la Suisse et fournit le 1er Landamman, doté provisoirement des pleins pouvoirs. Les cantons sont alors des républiques de propriétaires, d’aristocrates et de notables. Basée sur un modèle-type valable pour les anciennes villes-Etats patriciennes, la première Constitution moderne crée à Fribourg un système censitaire qui favorise la capitale et les classes aisées, mais sans rétablir le Patriciat cette aristodémocratie de cooptation déchu en 1798.

Pour être citoyen actif, il faut notamment être bourgeois d’une commune du canton et posséder une propriété foncière ou une créance hypothécaire de 500 livres suisses.

Née un 4 juillet

En 1803, Fribourg, choisi comme l’un des six cantons-directeurs appelés à accueillir à tour de rôle le Directorat confédéral, devient ainsi la première capitale tournante de la Suisse, siège de la Diète, de l’Administration fédérale et épicentre diplomatique. La Diète annuelle – qui n’est pas un parlement mais une réunion de représentants des Etats membres – est chargée de régler les affaires communes. Le Landammann préside la Diète et fixe son ordre du jour.

4 juillet 1803: Louis d’Affry procède à l’ouverture solennelle à Fribourg de la première Diète fédérale, en présence du Corps diplomatique accrédité (France, Italie, Espagne, Bavière).
Chaque canton envoie un député. Les plus grands (BE, ZH, VD, SG, AG, GR) ont deux voix.

Le choix de la Cité des Zaehringen pour donner sens à la Suisse nouvelle formule, ville-pont entre les cultures, est hautement symbolique. Trait d’union interhelvétique, Fribourg représenta un lieu idéal à tous points de vue pour commencer la Suisse moderne qui est, elle aussi… née un 4 juillet.

Le second Landammanat de d’Affry

Avec la fin de l’année 1808, la Médiation entrait dans une seconde phase, marquée par le déclin, et par des circonstances extérieures dramatiques et décisives. Après la relative confiance qui caractérisait les cinq premières années, les cinq dernières sont dominées par une méfiance grandissante des Cantons à l’égard de la France. Les fournitures en soldats conduisent à un mécontentement croissant.

1809 ne ressemble en rien à 1803. La République en paix a fait place à un Empire au faîte de sa gloire. De Lubeck à Gibraltar, de Dantzig à Reggio, une grande partie de l’Europe est française ou vassale de la France. Pour la Suisse, c’est l’année de tous les dangers. Au début de l’année 1809, au bénéfice du tournus entre les cantons, Fribourg redevient canton directeur et Louis d’Affry, son avoyer, Landammann de la Suisse. Il s’applique à tempérer l’expression des volontés impériales.

Le 15 mars, d’Affry convoque les députés des cantons à une Diète extraordinaire pour le 29 afin de prévenir la guerre franco-autrichienne à venir et de discuter de la violation de la frontière bâloise par des troupes françaises. La Diète s’ouvre solennellement le 30 mars à l’Hôtel de Ville de Fribourg. Le 4 avril 1809, la Diète autorise Louis d’Affry à mettre les contingents sur pied et à les envoyer à la couverture des frontières si la situation l’exige. D’Affry, qui avait hérité d’une
situation difficile, parvient à laisser la Suisse en dehors du conflit en faisant occuper les frontières orientales à titre dissuasif.

Après ses nouvelles victoires, l’Empire français semble à son apogée. Napoléon joue au maître du continent. Il faut redoubler de prudence et se faire oublier dans la mesure du possible. Le titre de «Médiateur de la Confédération suisse» apparaît dans la titulature de l’empereur Napoléon, lors de la signature à Vienne du traité de paix avec l’Autriche, le 14 octobre 1809. La cession définitive de la seigneurie de Rhäzüns dans les Grisons, qui appartenait jusque là à l’empereur
d’Autriche, éloigne la dernière épée de Damoclès habsbourgeoise qui pesait sur la Confédération.

Les Suisses participèrent à l’épopée impériale en fournissant à la France napoléonienne quatre régiments de quatre mille hommes chacun «toujours au complet », enrôlés et équipés aux frais de la Suisse mais soldés par la France. Chaque régiment était composé d’un état-major et de quatre bataillons et chaque bataillon de dix compagnies dont une de grenadiers, huit de fusiliers et une d’artillerie à pied. Le général Lannes puis le maréchal Berthier furent successivement Colonel général des Suisses. 30526 Suisses ou considérés comme tels furent engagés sous l’Empire dont bien peu revirent leur patrie.

Un bilan contrasté

Les dix ans d’existence du régime de la Médiation peuvent être perçus de multiples manières selon l’idéologie de chacun. La Suisse reprend plus les apparences d’une Confédération que d’un Etat fédératif. L’Etat central est réduit à sa plus simple expression. Les constitutions de 1803 marquent assurément un recul net par rapport à 1798 en ce qui concerne les principes généraux et les libertés fondamentales (citoyenneté, liberté de conscience, liberté de la presse, droit à
l’instruction…). Les communes bourgeoisiales reprennent leur place alors qu’elles avaient été supplantées par les communes d’habitants, la souveraineté populaire est confisquée par les anciennes élites en raison du cens électoral, la torture et les supplices réintroduits. Les enfants naturels reperdent l’égalité civile, le droit au divorce est supprimé, les mariages mixtes interdits. Les confessions peuvent à nouveau se montrer intolérantes et l’inobservance des lois religieuses
est punie au nom de l’Etat.

L’Acte de Médiation de 1803 ouvre, au sortir des luttes civiles et de la guerre, au moins jusqu’en 1813, une période de repos qui permet l’assimilation des idées nouvelles. L’Acte de Médiation consacre les principes fédéralistes, celui en théorie de la souveraineté populaire et de la liberté d’établissement, celui de l’égalité des droits politiques, celui surtout de l’égalité entre toutes les composantes de la nouvelle Confédération. Les progrès matériels et intellectuels caractérisent la
période. L’agriculture, l’industrie et le commerce prospèrent dans la plupart de nos cantons.

Ainsi, en obligeant les Suisses à dialoguer sur des bases égalitaires, Napoléon Bonaparte prépare la transition vers l’Etat fédératif moderne de 1848, en nous apportant un des éléments incontournables de notre identité nationale: le désir de consensus auxquels nous sommes encore si attachés. Encore fallaitil le faire naître et nous en donner le goût! Il faut reconnaître à Bonaparte le mérite d’avoir compris la Suisse mieux que beaucoup de Confédérés.

La Médiation rétablit une part de l’Ancien Régime, tout en y mêlant des idées nouvelles, porteuses d’avenir.

La Médiation au présent

En redécoupant le territoire suisse, la France a mis fin au tabou de l'intangibilité des frontières intérieures de la Confédération et facilité la tâche des concepteurs de la Suisse nouvelle de 1848 qui n'auront pas à entreprendre un douloureux bouleversement des structures qui aurait prétérité l'ensemble de leur oeuvre réformatrice.

La résistance aux projets contemporains de restructuration des cantons n'est pas sans rappeler celle opposée au découpage établi à la fin du XVIIIe siècle. De nos jours, tous les projets de recomposition de la Suisse se heurtent à de fortes réticences et n'ont guère abouti. La crainte que la recomposition de la Suisse ne s'accompagne de la dislocation du pays dispense à bon compte les attentistes de se pencher sur l'avenir des entités cantonales. La restructuration du début du XIXe siècle à défaut d'être un exemple, puisqu'elle fut imposée de l'extérieur, devrait à tout le moins servir de point de repère.

Les grandes créations du régime de l’Acte de Médiation à Fribourg

La pratique du bilinguisme.

Sous le régime de l'Acte de Médiation furent créées à Fribourg des institutions appelées à se développer ultérieurement comme le Conseil de Santé et le Conseil d'instruction publique.

Les districts, les préfectures et l'organisation des communes, voient le jour en 1803, ainsi que le Corps de musique de la ville de Bulle.

Les services de l'Etat sont répartis en «départements».

La Landwehr, le Contingent des grenadiers fribourgeois ainsi que le Corps de gendarmerie sont fondés en 1804.

L'assurance sur le bétail est créée en 1808.

La loi sur les routes (1811) gère les chaussées fribourgeoises.

L'assurance contre l'incendie (l'actuel ECAB) et le Cercle littéraire et du commerce sont créés en 1812.

La Société économique et d'utilité publique sort des limbes en 1813.

Egger Ph.