Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

lundi 21 juin 2010

Libye : des indiscrétions stupéfiantes et dangereuses

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Les informations et spéculations sur le rôle des services de renseignements comme des forces spéciales suisses dans le cadre de la crise libyenne montrent que les luttes de pouvoir comptent davantage que les intérêts du pays. A quel prix ?

Depuis quelques jours, les médias du pays se répandent en révélations plus ou moins étayées sur de possibles tentatives d'exfiltration ou de libération des otages suisses détenus à Tripoli par le régime libyen. Le tout alimenté apparemment par l'entourage de conseillers fédéraux.

Il n'appartient pas à la RMS de se prononcer sur les actions potentielles que l'armée aurait évalué ou préparé dans ce cadre : le maintien du secret est un devoir que nous prenons au sérieux. En revanche, l'existence et les conséquences de telles révélations méritent l'analyse et la réflexion, surtout dans le contexte général de l'augmentation des enlèvements et des pressions exercées par ce biais.

Règlements de comptes

Le retour en Suisse de Max Göldi, détenu depuis presque 2 ans par le régime du colonel Kadhafi dans ce qui constitue une véritable prise d'otage étatique, a rapidement provoqué des règlements de compte au plus haut niveau de l'exécutif fédéral : on ne peut interpréter autrement les affirmations des médias selon lesquelles l'entourage de Hans-Rudolf Merz aurait divulgué des informations sur de prétendues actions militaires préparées sous l'égide de Micheline Calmy-Rey, laquelle s'est défendue - également par voie de presse - de tout agissement solitaire et non coordonné.

La Présidente de la Confédération a aujourd'hui clarifié les choses devant les représentants de la presse : le Conseil fédéral a été informé après coup des différentes options poursuivies par les Départements concernés en vue de résoudre la crise libyenne et de rapatrier les citoyens suisses retenus à Tripoli, options dont la légalité du reste a été vérifiée et confirmée. Les médias, qui ont les moyens de vérifier les assertions des uns comme des autres, ont d'ailleurs révélé dès la semaine dernière que le Chef de l'Armée, et donc le Chef du DDPS, ont donné leur aval en 2008 comme en 2009.

En revanche, Doris Leuthard a également souligné que les indiscrétions faites ces derniers jours constituent une infraction pénale. On espère donc qu'une enquête sera menée pour en connaître les responsables, même si les sources indiquées par les journalistes montrent que cela sera pour le moins délicat. Il est en effet absolument inqualifiable que des informations classifiées et particulièrement sensibles soient jetées en pâture pour justifier ou incriminer le comportement de l'un ou l'autre membre du Conseil fédéral : privilégier l'intérêt personnel au détriment de l'intérêt collectif et national est totalement contraire à la fonction même du Gouvernement.

Ce n'est pas un hasard si les États modernes ne communiquent aucune information spécifique sur leurs services de renseignements ou sur leurs forces spéciales : ces outils stratégiques ne peuvent pleinement jouer leur rôle et fournir des options d'emploi que si leurs capacités, leurs préparatifs et leurs activités sont protégées. Divulguer des informations sur ces outils est donc doublement irresponsable : non seulement de manière générale, pour une question de principe, mais également de manière spécifique, parce que la crise libyenne n'est pas nécessairement terminée. Surtout au regard de l'évolution de la situation en matière de prises d'otages.

Les enlèvements de citoyens suisses pour des motifs divers - politiques ou pécuniaires - ont en effet tendance à se multiplier ; il serait donc faux de croire que le bras de fer avec le colonel Kadhafi ne constitue qu'une parenthèse, et d'autres situations aboutissant à un chantage exercé sur la Confédération relèvent tout simplement de la certitude. Il peut certes apparaître surprenant que la Suisse tente depuis quelques années de développer des réponses à cette menace pour ses intérêts, notamment par la transformation des services de renseignements et par la création de forces spéciales, puisque cela ne s'accorde pas à nos habitudes. De tels instruments sont pourtant indispensables.

Ceci dit, au vu de l'incurie qui règne actuellement dans certaines ailes du Palais fédéral, il est aisé de parvenir à la conclusion que l'existence d'instruments adaptés à la prévention comme à la résolution de crises reste vaine sans la compétence de s'en servir. Et si l'administration fédérale s'est organisée en conséquence, comme le montre l'avènement d'un centre de gestion de crise au DFAE, il n'en va pas automatiquement de même au sein du Conseil fédéral. Il faut donc espérer que toute l'affaire libyenne génère une véritable prise de conscience en la matière, et que la conduite stratégique du pays mérite bel et bien de porter cette désignation.

RMS