Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 21 juillet 2010

L'assassinat de Pier Paolo Pasolini agite toujours l'Italie

.
Le cinéaste a-t-il été tué par un prostitué ou pour ses idées ? Trente-cinq ans après, de nouveaux éléments relancent l'enquête.

Le 2 mars 2010, le sénateur bibliophile Marcello De ll'Utri, proche de Silvio Berlusconi, déclare aux médias qu'un homme l'a contacté pour lui vendre un chapitre inédit de « Pétrole », le livre inachevé de Pier Paolo Pasolini, publié après sa mort.

Ce chapitre, volé au réalisateur d'« Accatone », contiendrait des révélations sur la mort mystérieuse d'Enrico Mattei, l'ancien président de la société pétrolière ENI, Ente nazionale idrocarburi.

Pour la rédaction de « Pétrole », Pasolini avait enquêté longuement sur les liens entre le pouvoir et la mafia, notamment sur la mort mystérieuse de Mattei. Une activité à risque : avant lui, le journaliste Mauro de Mauro, qui enquêtait lui aussi sur la disparition de Mattei, avait été liquidé.
Après avoir promis qu'il le présenterait à la Foire de Milan, le sénateur a finalement annoncé que son contact s'était rétracté. Cité par le Nouvel Obs, il explique :

« La personne qui m'avait promis le manuscrit a disparu. Pourtant je l'avais bien vu : une soixantaine de pages tapées à la machine, avec des corrections faites à la main… Et je n'arrive même plus à joindre ce monsieur au téléphone… »

Trente-cinq ans après la découverte du corps mutilé de Pasolini sur la plage d'Ostie, près de Rome, cette histoire relance les interrogations sur le meurtre mystérieux du cinéaste.


L'assassinat politique de Pier Paolo Pasolini

Le 2 novembre 1975, Pasolini est retrouvé inanimé sur la plage d'Ostie. Il a été sauvagement assassiné. Il porte la trace de multiples coups. De nombreuses fractures sont relevées sur le rapport d'autopsie et son cœur a explosé après qu'on lui a roulé plusieurs fois sur le corps.

Dans cet extrait d'« Ostia » réalisé par Sergio Citti sur un scénario de Pasolini, Laurent Terzieff joue un meurtre semblable à celui qu'a connu le cinéaste sur cette même plage. (Voir la vidéo)







.
« Sale pédé, sale communiste ! »

Pino Pelosi, jeune prostitué de 17 ans, avait été condamné pour le meurtre qu'il avait reconnu. Après avoir purgé sa peine, il change de version en 2005, contraignant le parquet romain à réouvrir l'enquête.

Sur la chaîne Rai3, l'homme affirme ne pas avoir tué Pasolini. Il accuse des Siciliens dont il ne donne pas les noms. Ils auraient roué de coups le cinéaste sous les yeux de celui qui est également connu sous le nom de « Pino la Rana » (la grenouille). Son long silence, explique-t-il, était motivé par la peur de représailles :

« Je suis innocent, je ne suis complice de personne. Je n'ai pas tué Pasolini […] Aujourd'hui je n'ai plus peur. »

« Profondo Nero », livre et film enquête sur la mort du poète, avance la thèse d'un crime commandité. Pino Pelosi, interrogé par les auteurs, témoigne dans ce sens. Pelosi confirme dans le dernier numéro du Nouvel Observateur :

« “Pourquoi j'ai changé de version ? explique Pino la Grenouille. Parce que tout le monde est mort, et que maintenant je peux parler.” Ce “tout le monde est mort”, on le retrouve en ouverture des confidences du même Pelosi à la metteur en scène Roberta Torre dans “La nuit où Pasolini est mort”, qui a été présenté au public le 14 mai. Un film qui a secoué les intellectuels romains.

“On l'a exécuté, y affirme Pino. Ils étaient cinq. Ils lui criaient : ‘Sale pédé, sale communiste ! ’ et ils le tabassaient dur. Moi, ils m'avaient immobilisé. Je ne l'ai même pas touché, Pasolini, j'ai même essayé de le défendre…” »

Ce témoignage s'accorde avec ceux de plusieurs personnes rencontrées par le réalisateur Mario Martone en 2005. Son documentaire publié intégralement sur le site internet de La Repubblica s'appuie sur la présence de nombreux témoins présents sur la plage d'Ostia le soir du drame.

Dès 1976, la police ne croit pas en la thèse du tueur solitaire

Depuis 1975, des indices et témoignages contradictoires alimentent la thèse d'un crime politique. Si Pino Pelosi a longtemps endossé le meurtre -selon sa première version, il se serait bagarré avec l'intellectuel italien puis l'aurait assassiné- ses déclarations ont été remises en cause par la police, qui ne croit pas à un acte solitaire, dès l'ouverture de son procès en 1976.

Selon Enrico Marussic, producteur, Pasolini aurait pu être tué par vengeance par une mafia italo-américaine. Des films du cinéaste avaient été volés et on lui en réclamait un milliard de lires. Il refusait de céder à ce chantage.


L'extrême-droite a menacé Pier Paolo Pasolini

Pasolini tué par un amant -les aveux initiaux de Pelosi, cette fin tragique supposée collait à l'image scandaleuse du réalisateur d'Accattone. Le romancier Dominique Fernandez, amoureux de l'Italie, est allé jusqu'à l'interpréter comme la manifestation ultime de son art. Une sorte de mise en scène inconsciente de son propre meurtre qu'il a raconté dans une biographie controversée, « Dans la main de l'ange ».

Il y récusait la théorie d'un complot fasciste, une piste longtemps évoquée. Peu de temps avant sa mort, Pasolini avait reçu des menaces de la part de l'extrême droite pour « Salo, ou les 120 journées de Sodome ».

Mais peu de personnes croient en la version initiale de Pelosi. En 1997, la musicienne Giovanna Marini, grande amie de Pasolini pour qui elle a composé de nombreux chants, s'en prenait à l'écrivain Alberto Moravia, lui aussi proche du poète, qui, en croyant au meurtre passionnel, « réduisait » la mort de Pasolini à celle d'un homosexuel scandaleux.

Les principaux témoins de cette affaire, ceux que Pelosi accuse, étant morts, la vérité sur la mort de Pasolini n'est pas prête d'éclater. Pour le réalisateur Marco Tullio Giordana, quelle que soit cette vérité, ce crime est le symbole d'une Italie à la dérive :

« Il n'y a pas de lien direct entre la mort de Pasolini et le crime d'état, et les indices recueillis sont trop faibles pour pouvoir crier au crime politique, mais toutes ses conséquences ont été politiques : les blocs opposés dressés l'un contre l'autre, les réactions, les automatismes, la volonté de savoir et celle de refouler, l'Italie coupée en deux.

Voilà pourquoi la mort de Pasolini reste de toute façon un événement politique, même si ce n'est qu'une bande de petits voleurs qui l'a tué. »

Pour Pelosi, c'est de toute façon retour à la case prison. Ce mercredi, Pino la Rana a été arrêté après avoir percuté un passant alors qu'il conduisait en état d'ébrieté.

Zineb Dryef