Cinq mois après l'explosion de sa plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique, la compagnie BP est parvenue dimanche à colmater définitivement le puits. Mais la pollution continue et la facture explose.
Le puits Macondo responsable de la plus grave marée noire de l'histoire des Etats-Unis a été définitivement condamné dans le golfe du Mexique. Cinq mois après l'explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon de BP au large des côtes américaines, la compagnie britannique est parvenue dimanche à cimenter le gisement à près 4000 mètres sous le fond de la mer.S'il a écarté les risques de nouvelle fuite, le géant pétrolier n'est pas au bout de ses peines pour autant. Les grands nettoyages se poursuivent sur les côtes défigurées par sa faute. Près de 784 millions de litres se sont échappés depuis le 20 avril. Seize fois le brut vomi par l'Exxon Valdez en 1989 en Alaska...
Du pétrole sous-marin
En mer, une partie des nappes d'hydrocarbures ne sont plus visibles à la surface de l'eau. Le mois passé, le gouvernement américain avait estimé que près des trois quarts du pétrole écoulé s'étaient volatilisés, dévorés par les organismes vivants ou ramassés.Mais de nombreux scientifiques et des organismes environnementaux ne croient pas à ce tour de magie. «Il faut être réaliste, le pétrole ne disparaît pas aussi vite», assure Nicolas de Roten, porte-parole de Greenpeace Suisse. «Il a été démontré il y a deux mois qu'une grande partie du pétrole est en circulation sous-marine. On ne peut pas le localiser à l'oeil car il navigue entre deux eaux dans une fourchette de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de mètres d'épaisseur.»Une partie des hydrocarbures se balade même dans les grands fonds. Ils pourraient se déposer sur le sol ou remonter vers les côtes. «Il est certain que dans les années à venir, des résidus apparaîtront et continueront à endommager l'écosystème marin.»
Des dispersants toxiques
Et il n'y a pas que le pétrole: le Corexit, produit dispersant plus toxique que le pétrole lui-même, a été copieusement utilisé dès le mois de mai pour dissoudre la nappe. «La pollution est double car ce dispersant est très nocif pour l'environnement», ajoute le porte-parole. Autant dire que le coût environnemental de la catastrophe est élevé. Il se chiffre notamment en dizaines de milliers d'animaux (poissons, pélicans, tortue...) morts empoisonnés.Mais le géant britannique ne veut pas porter seul le chapeau. Au début septembre, il a décrit les erreurs qui ont conduit à la catastrophe dans un rapport de 200 pages. Et il a pointé du doigt la société Transocean qui exploite la plateforme et dont le siège est à Zoug, ainsi qu'Halliburton, chargée de cimenter le puits.Cela n'est pas étonnant au vu de la facture qui s'allonge de semaine en semaine. Au début du mois de septembre, BP avait déjà déboursé quelque 9,5 milliards de dollars, le double de ce qui avait été estimé à la mi-juillet... Le groupe britannique a perdu jusqu'à présent 70 milliards de dollars en terme de capitalisation boursière. Au deuxième trimestre, il a annoncé une perte de 16,9 milliards de dollars, soit la plus grosse perte trimestrielle de l'histoire des entreprises britanniques.
32 milliards de provision
Il faut y ajouter encore la provision de près de 32 milliards de dollars réalisée en juillet, dont la création d'un fonds de 20 milliards pour indemniser les victimes de la catastrophes. Sans oublier le volet judiciaire. Près de 70 000 habitants ou commerces ont par exemple déposé plainte en raison de la perte de leurs revenus, la plupart en Floride et en Louisiane.De son côté, l'administration Obama n'exclut pas de poursuivre BP en vertu de la loi américaine sur la propreté de l'eau. Ce qui lui permettrait de réclamer au moins 5 milliards de dollars. Le 2 novembre, date de la prochaine publication des résultats trimestriels, risque d'être douloureux pour le géant britannique.
Thierry JACOLET