Comment comparer le coût d'une appendicite à l'Hôpital fribourgeois avec celui facturé à l'Hôpital de Schwytz? Actuellement, l'opération est impossible. Mais cela devrait changer dès 2012 avec l'introduction d'un nouvel outil de tarification des hôpitaux, le SwissDRG. Calqué sur un modèle allemand, c'est apparemment l'arme absolue.
Comment comparer le coût d'une appendicite à l'Hôpital fribourgeois avec celui facturé à l'Hôpital de Schwytz? Actuellement, faute de dénominateur commun de calculation, l'opération est impossible. Mais cela devrait changer dès 2012 avec l'introduction du nouvel outil de tarification des hôpitaux qui a comme acronyme SwissDRG pour Diagnosis Related Groups.Cette arme considérée comme absolue, calquée sur un modèle venu d'Allemagne, veut bien dire ce qu'elle veut dire: comme le Parlement fédéral l'a voté en 2007, dans deux ans, tous les établissements hospitaliers de Suisse calculeront les séjours par «groupes de cas» en tenant compte des diagnostics et des traitements. Fini l'indemnisation par cas isolé. Terminé. Pour revenir à l'exemple de l'appendicite, une durée d'hospitalisation et surtout un coût seront imposés. Que le séjour à l'hôpital dure deux ou cinq jours, l'indemnisation versée sera la même.
Ancienne pratique au panier
«La facturation par journée d'hospitalisation telle qu'elle est encore pratiquée aujourd'hui dans les cantons de Bâle-Ville, Bâle-Campagne et Soleure appartient au passé et a des effets catastrophiques», indique Bernhard Wegmüller, directeur de l'Association faîtière des hôpitaux de Suisse «H+» qui organisait hier à Berne un séminaire sur la question. «Indemniser à la journée pousse les hôpitaux à garder leurs patients plus longtemps.»
DRG dans 11 cantons
Le directeur de «H+» souligne que 11 cantons fonctionnent à satisfaction avec un forfait par cas calqué sur le système APDRG (All patient diagnosis related groups, hérité du modèle américain, ndlr). Il a bien sûr été adapté à la Suisse. Actuellement, dans les cantons qui n'appliquent pas ce système, il y a un manque de cohérence: l'indemnisation ne correspond pas à la prestation fournie.D'après Bernhard Wegmüller, la réforme SwissDRG devrait éviter certaines propensions à effectuer des prestations différentes selon que le patient ou la patiente soit couvert ou non par une assurance complémentaire, comme ça a été le cas lors d'opérations de l'utérus pratiquées en Suisse.
Et la qualité dans tout ça?
A défaut de les diminuer, le but de cette révolution tarifaire est bien de faire pression sur les coûts. «L'objectif n'est pas de réaliser des économies», rétorque Bernhard Wegmüller. «Au contraire, il s'agit d'indemniser de manière plus équitable les cas onéreux mais aussi, il est vrai, de verser moins pour ceux qui sont plus légers.»N'y a-t-il pas un risque pour la qualité des soins et la sécurité des patients? Aux Etats-Unis, l'introduction de l'APDRG avait uniquement pour but la réduction de la durée d'hospitalisation. SwissDRG n'incitera-t-il pas les chefs de clinique à pousser dehors leurs patients au risque de provoquer leur réhospitalisation?A l'Hôpital de Schwytz où le forfait par cas de type DRG est appliqué depuis 2004, le directeur Thomas Aeschmann assure ne pas avoir constaté cette dérive. «Si les médecins de référence voient que les patients traités chez nous doivent trop souvent être réhospitalisés pour la même pathologie, alors ils les dirigeront ailleurs», explique-t-il. «C'est une dérive que nous ne pouvons pas nous permettre.» En un mot comme en cent, l'Hôpital de Schwytz n'a pas constaté d'atteinte à la sécurité des patients. Et, suprême victoire, il est le seul établissement de Suisse où les honoraires des médecins dépendent des DRG dans l'assurance de base et complémentaire.Invitée au séminaire de «H+», Brigitte Senz, directrice du Centre de qualité de Hanovre, rassure: le modèle DRG appliqué en Allemagne depuis 7 ans a fait ses preuves. A l'appui de sa démonstration, une étude réalisée dans une trentaine d'hôpitaux de Basse-Saxe montre que la qualité des soins est bien portante.
Concurrence à prévoir
Il n'empêche que la possibilité d'envoyer les patients ailleurs, comme le prévoit SwissDRG, risque de mettre les hôpitaux en forte concurrence. «Le nouveau modèle de financement selon les forfaits par cas SwissDRG a été accepté par le Parlement fédéral en décembre 2007 et la possibilité d'envoyer les patients dans un autre canton a été prévue par le législateur», justifie M. Wegmüller. «Notons que cette alternative existe déjà.» D'accord, mais si une opération est vraiment d'un coût inférieur dans un autre canton, cela risque de mettre les établissements hospitaliers devant des réalités encore méconnues jusqu'à présent...
Pierre-André SIEBER