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dimanche 12 décembre 2010

Michael Jackson, danse macabre

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Que faut-il faire du nouvel album d’un défunt? Ces chansons en tout point respirent le testament trahi

Ils vous diront, l’air absorbé, que les fans n’auraient pas su passer un hiver de plus sans nouvelles chansons de Michael Jackson. Qu’il fallait à tout prix extraire des armoires du mort ces trésors auquel le monde a droit. Comme pour tout contrat douteux, on doit aller lire les petits caractères en bas de page. «Album conçu et inspiré par le King of Pop», est-il inscrit dans les tréfonds du livret.

C’est le Michael Jackson Estate qui signe. Ce nouvel album a été voulu, dessiné et justifié par les légataires du chanteur décédé le 25 juin 2009. Un disque inspiré par Michael Jackson. Et non un disque de Michael Jackson. Le vice de forme est là. Les rumeurs flambent déjà sur la Toile de l’usage de voix sosies, comme dans le morceau «Breaking News», où la fille de Jackson n’aurait pas reconnu la voix de son père. Peu importe, la contrefaçon se situe ailleurs.

On peut imaginer les dizaines de textes, de bandes partielles, de demi-voix enregistrées dans des demi-circonstances. Au moins une décennie avant sa mort, Michael Jackson était déjà devenu un spécialiste de l’ébauche et du retour raté. Il suffisait de piocher, donc, dans cette masse d’esquisses et de la tourner en testament. La fiction qui en résulte donne davantage d’informations sur le mythe, sa dimension warholienne, que sur l’artiste qui, chacun le sait, n’avait plus grand-chose à dire.

Neuf chansons. Et un livret saturé de notes manuscrites paraphées «MJ», pour authentifier. Michael y écrit qu’on ne vit qu’une fois et qu’il faut donc passer sa vie à tenter de «s’immortaliser». Le disque s’achève sur «Much Too Soon», bien trop tôt. Et la chanson «Breaking News» contient une attaque violente contre le harcèlement médiatique. «Les reporters veulent un morceau de Michael Jackson/Ils veulent écrire ma nécrologie», chante Bambi fâché.

L’obscénité de ce disque naît de l’ambition des héritiers à en faire une œuvre prophétique et un message d’outre-tombe. Leurs doubles sens sont si lourdement assénés que ce disque bâtard, remplis de faux inédits et de vieilleries oubliées qui remontent à 1981, ressemble à ces expositions d’écorchés qu’on a mis en situation pour leur redonner vie.

Les morceaux les plus récents, ceux qui pourraient nous donner quelque indication sur le chanteur peu avant l’immense série de concerts qu’il projetait, confirment surtout que Michael Jackson était d’une autre époque. Les associations avec des stars de la musique noire contemporaine (Akon, 50 Cent) s’écoutent comme d’artificiels collages.

Enfant de la Motown, des années 70, produit par Quincy Jones à une époque où une trompette n’était pas un sample de trompette, Michael Jackson ne sentait plus son temps. Reclus dans ses ­palais hollywoodiens et ses paranoïas d’enfant glorieux, le génie de «Thriller» continuait de penser la musique comme une féerie; il était encore «We are the world», chants de Noël, synthétiseurs clinquants et bonnes intentions universelles, au moment où la production dans la pop américaine a fait de la saleté d’exécution, du crissé et de l’odeur ghetto ses plus solides arguments.

De ce point de vue, même Justin Bieber paraît plus dangereux que le Michael Jackson des années 2000. En écoutant «Hold My Hand», «Monster», «Best of Joy», qui ne sont pas des morceaux indignes, on a surtout le sentiment de leur innocuité. Michael, à l’avant-garde de la pop en 1979, était devenu depuis longtemps ce sujet daté et cet album souvenir qui servait aux quadragénaires de mémorandum.

Les fans les plus hystériques seront donc déçus, s’ils peuvent l’admettre. Même mort, ce Michael Jackson remis sur pied ne leur rappellera pas leur jeunesse. Au contraire, il est le témoignage le plus sûr qu’ils ont vieilli en parallèle de cette musique devenue obsolète. Huit albums d’inédits ont déjà été achetés aux légataires par Sony, pour un quart de milliard de dollars. C’est assez cher payé pour que, périodiquement, un disque vous ramène à l’éphémère de la pop.

«I am forever», chante Michael d’une voix intacte. Je suis immortel. C’est le pari que font ceux, nombreux, qui rentabilisent aujourd’hui cette petite éternité.

Michael Jackson, «Michael»
(Sony Music)

Arnaud Robert