Le canton n'a pas à craindre un séisme meurtrier, mais il n'est pas à l'abri d'un tremblement de terre de magnitude 4,5. L'ECAB procède à des contrôles de bâtiments sensibles; ingénieurs et architectes ont été formés.
Haïti, Chili, Japon, Asie du Sud, Iran, Turquie, l'Aquila (Italie). Quand la planète se met à trembler, elle peut laisser des plaies catastrophiques. Le canton de Fribourg est-il à l'abri de séismes aussi ravageurs que ceux survenus ces dernières années? La réponse est non.C'est ce qu'ont expliqué hier le directeur de la Sécurité et de la justice Erwin Jutzet, le Prof. Jon Mosar du département de géosciences à l'Université de Fribourg, et Thierry Berset, responsable de l'Inspection cantonale des éléments naturels à l'ECAB. Ils ont présenté le rapport sur la sécurité sismique demandé en 2005 par le postulat Solange Berset/Markus Bapst. Rapport dont le Grand Conseil doit prendre acte mercredi prochain.
Un rapport alarmant
Si le canton de Fribourg n'a pas à craindre un séisme meurtrier, il n'est pas épargné par un possible tremblement de terre. Les habitants du Grand Fribourg se souviennent sans doute de la secousse qui les a tirés du lit, aux premières heures du matin, ce dimanche 14 février 1999. Une secousse d'une magnitude de 4,3 sur l'échelle de Richter et dont l'épicentre se situait à Marly. Ce séisme, le plus important enregistré depuis de nombreuses années dans le canton, n'avait occasionné que des dégâts mineurs.En 2004, le Service sismologique suisse avait estimé que le canton de Fribourg était exposé à un aléa sismique «supérieur à la moyenne», autrement dit de magnitude 6, un niveau qui peut provoquer de sérieux dommages tels que des fissures. C'est ce rapport qui a alerté les députés Berset et Bapst. De son côté, l'ECAB a demandé au Prof. Mosar de faire le point sur la tectonique du territoire cantonal et de lancer de nouvelles études.
Probabilité «très faible»
C'est ainsi que deux sismographes ont été implantés à Tavel et à Cournillens, et un capteur mobile a été utilisé. Ce dispositif a permis de cartographier le canton de manière très précise et d'affiner les connaissances. Il ressort des études que la faille qu'on situait à l'est de l'agglomération de Fribourg (voir la carte ci-dessus) est en fait, comme dans le sous-sol suisse, un ensemble de petites failles, moins profondes que ce que l'on imaginait. Dès lors, les séismes potentiels de la région ne devraient dépasser une magnitude de 4,5. Toutefois, on ne peut exclure un séisme plus violent, même si cette probabilité est «très faible», explique le Prof. Mosar. De manière générale, les secteurs les plus exposés se situent dans les districts de la Gruyère et de la Veveyse.
Des normes renforcées
«On ne peut pas prévenir les séismes mais on peut s'en protéger», rappelle Thierry Berset. Car le vrai danger, pour la population, vient des dégâts aux bâtiments. En Suisse, 90% du bâti ne répond pas aux normes parasismiques. Raison pour laquelle les normes constructives SIA ont été renforcées.
Mühleberg pas exposée
A Fribourg, la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions, adoptée en 2008, oblige les nouveaux bâtiments à les respecter. A travers le projet Parasismo de l'ECAB, une campagne de sensibilisation a été lancée par une exposition itinérante en 2004 déjà. D'autre part, ingénieurs et architectes ont été formés. L'ECAB procède à des contrôles de bâtiments sensibles, comme les hôpitaux, les centres de renfort, les écoles et les bâtiments publics. «Les constructions les plus exposées sont les très vieux bâtiments, de cinq à vingt étages construits en maçonnerie», indique Thierry Berset. Pour renforcer les structures des bâtiments les plus fragiles, des moyens relativement simples sont proposés, tel que le renforcement des murs par des pellicules en kevlar. Pour les nouvelles constructions, le surcoût des mesures parasismiques correspond à environ 1% du coût du gros oeuvre.A noter aussi que tant l'Hôpital cantonal que la nouvelle salle de spectacle de Fribourg ne présentent pas de risques, selon Thierry Berset. Les barrages non plus. Quant à la centrale de Mühleberg, elle a été construite «au bon endroit», assure le Prof. Mosar. «Un bol incroyable!».
L'aléa sismique n'est pas supérieur à la moyenne dans le canton de Fribourg
Le Conseil d'Etat a adopté le rapport faisant suite au postulat Berset-Bapst (n° 273.05) sur la sécurité sismique dans le canton de Fribourg. Alarmé par un rapport national estimant que Fribourg pourrait connaître des séismes d'une magnitude allant jusqu'à 6, l'ECAB avait chargé le professeur Jon Mosar de l'Université de Fribourg d'étudier de manière approfondie la tectonique et la sismicité du territoire cantonal. Les principaux résultats de ces études sont contenus dans le rapport sur postulat. Pour l'essentiel, le risque pour le canton ne devrait pas dépasser une magnitude de 4,5 - ce qui correspond à la moyenne suisse. Par le biais de l'ECAB, le canton met en œuvre depuis plusieurs années des mesures de protection et de prévention parasismiques.
Comme l'a relevé le Président du Conseil d'Etat Erwin Jutzet, le risque sismique est d'actualité après le tremblement de terre du Japon et les catastrophes collatérales qu'il a provoquées - un tsunami et un accident nucléaire majeurs. Ces catastrophes nous rappellent que même des risques considérés comme hautement improbables, voire quasiment nuls, peuvent se réaliser chez nous aussi, demain et pas seulement dans 10'000 ans.
En 2004, le Service sismologique suisse (SSS) avait revu à la hausse l'aléa sismique dans le canton de Fribourg, c'est-à-dire la probabilité qu'un séisme important s'y produise dans un laps de temps donné. Il avait alors jugé probable la présence, à l'Est de l'agglomération de Fribourg, d'une faille de plusieurs dizaines de kilomètres dans la croûte terrestre, pouvant donner lieu à un séisme d'une magnitude de 6 (annexe 6). Jusque-là, on pensait que l'aléa était faible pour le Nord et le centre du canton, situés sur le Plateau, et modéré pour les Préalpes au Sud.
Suite au rapport du SSS, l'ECAB a chargé le professeur Jon Mosar, expert internationalement reconnu du Département de géosciences de l'Université de Fribourg, d'approfondir l'étude du risque sismique dans le canton. Dans une première analyse de 2006 (annexe 5), le Prof. Mosar estimait que, sur la base des données disponibles, il n'existe pas une grande faille mais plutôt un ensemble de petites failles dans la région concernée. Il a en outre proposé d'améliorer l'observation sismique et d'étudier la structure géologique profonde du canton dans le cadre de projets de recherche, afin de compléter les connaissances du sous-sol. L'ECAB a ainsi financé l'installation de deux nouveaux sismomètres à Cournillens et à Tafers. Plusieurs thèses de doctorat et masters ont été réalisés.
Ces travaux de grande ampleur, dont certains sont encore en cours, ont permis d'affiner considérablement les connaissances de la sismicité du territoire cantonal. Pour le Prof. Mosar, on peut désormais admettre que l'aléa sismique ne devrait pas dépasser sensiblement la sismicité qui a été observée au cours des dernières décennies, soit une magnitude possible de l'ordre de 4,5. Cependant, l'aléa n'est pas une prévision, un séisme plus violent ne peut jamais être totalement exclu, souligne-t-il.
Mesures de prévention
En pratique, l'aléa sismique permet surtout de définir le niveau des mesures de prévention. Il s'agit surtout de renforcer la sécurité des bâtiments, de prévenir et de sensibiliser, de préparer l'intervention et de couvrir les dommages. L'ECAB est le centre de compétence du canton dans le domaine de la protection parasismique. Si l'on ne peut, à l'heure actuelle, ni prévenir, ni empêcher un tremblement de terre, on peut s'en prémunir en construisant des bâtiments résistants qui répondent à un concept parasismique moderne, souligne Thierry Berset, ingénieur à l'Inspection cantonale des éléments naturels (ICEN) de l'ECAB.
En Suisse, 90% du bâti ne répond pas aux normes parasismiques actuelles, ce qui explique pourquoi le risque sismique - égal au produit de l'aléa sismique et des dommages potentiels - est élevé dans notre pays. A Fribourg, la nouvelle loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC) rend obligatoire l'observation des normes parasismiques de la SIA pour les nouvelles constructions. Pour les bâtiments existants, la législation prévoit un contrôle de la sécurité sismique lors de transformations notables des ouvrages à forte fréquentation ou ayant une fonction vitale.
Par ailleurs, le canton a intensifié son action d'information et de sensibilisation dans le domaine des séismes ces dernières années. L'intervention en cas de séisme fait en outre partie des engagements planifiés et exercés par l'organe cantonal de conduite. Enfin, le risque de séisme est généralement exclu de l'assurance-immobilière. Plusieurs cantons envisagent de créer une assurance pour la couverture des risques sismiques. Fribourg devrait examiner cette question lors de la législature à venir.
Annexes : l'ensemble des documents sont accessibles sur le site de la DSJ
CLAUDE-ALAIN GAILLET