Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mardi 14 juin 2011

Paisible et bucolique

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Le patriotisme est plutôt du genre réservé en Suisse, l’un des derniers pays où la fête nationale n’était pas un jour férié. Et ce n’est guère mieux question hymne national. Il n’y a en effet que depuis 50 ans que la Suisse a son hymne officiel qui fut d’abord provisoire. Et ce n’est que depuis 30 ans que cet hymne est définitif.

Pendant longtemps, le patriotisme s’est manifesté en Suisse, sur le plan officiel, de manière plutôt réservée. La Suisse a été l’un des derniers pays où la fête nationale n’était pas un jour férié. Et elle a été l’un des derniers à ne pas avoir de véritable hymne national. Ce n’est en effet que depuis cinquante ans qu’elle peut s’enorgueillir de posséder un hymne officiel (qui fut d’abord «provisoire»). Et ce n’est que depuis trente ans que cet hymne est «définitif». Ce double anniversaire suscite d’ailleurs une certaine confusion. Début mai, La Poste a sorti un timbre pour marquer le «Cinquantenaire de l’hymne national suisse». Or presque en même temps, l’Agence télégraphique suisse sortait une dépêche sur une information du journal «Le Temps»: «L’hymne national suisse fête ses trente ans»… Les deux ont raison. Mais comme souvent en Suisse, les choses sont un peu compliquées.

«God Save the King»

Tout commence dans la première moitié du XIXe siècle lorsque les Etats-nations qui viennent de se créer se donnent des hymnes nationaux en recourant à des morceaux de musique existants. C’est le cas en Suisse où la mélodie de l’hymne traditionnel britannique «God Save the King» devient celle de «Rufst Du mein Vaterland», hymne officieux suisse de l’époque. Rédigé en 1811 par un pasteur et professeur de philosophie bernois, Johann Rudolf Wyss, ce chant est traduit plus tard par un pasteur genevois sous le titre «Ô monts indépendants». Très vite, le recours à la mélodie britannique va cependant être critiqué. Au XXe siècle, avec l’intensification des rapports internationaux, notamment après la Seconde Guerre mondiale, la situation devient même embarrassante. Les paroles d’«Ô monts indépendants» («le sang de tes enfants…nous voulons tous mourir») ne font d’ailleurs pas l’unanimité. Cette évolution amène le Conseil fédéral à agir. Au terme d’une longue procédure, il décide le 12 septembre 1961 que le chant «Schweizerpsalm» sera désormais hymne national suisse. Rédigé par le journaliste zurichois Leonard Widmer et mis en musique en 1841 par le prêtre cistercien uranais Albert Zwyssig, cette prière patriotique connaît depuis des décennies un vif succès. Elle plaît notamment aux milieux patriotiques mais aussi aux sociétés chorales et cela dans tout le pays puisqu’il existe déjà des adaptations, très libres, dans les autres langues nationales (en français sous le titre «Cantique suisse»). La décision de Berne est donc assez logique. Mais pour y parvenir, le Conseil fédéral a dû se faire violence. Car jusque-là, il a toujours été d’avis que dans un Etat fédéraliste, ce n’est pas au gouvernement d’imposer un chant patriotique au pays tout entier.

Une prudence comique

Il reste toutefois très prudent. Sa décision n’est valable que trois ans. Et elle ne vaut que «pour l’armée et les cas où les représentations officielles de la Suisse à l’étranger sont engagées». Elle implique donc que les cantons sont libres de reconnaître ou de ne pas reconnaître le Cantique suisse comme hymne national. Mais elle stipule que le Conseil fédéral invitera les cantons à le faire… Cette prudence reste de mise dans les années qui suivent et elle deviendra presque comique. En 1964, le Conseil fédéral décide que l’hymne national «reste provisoire» mais cette fois «pour une période illimitée». En 1975, il supprime «provisoire» mais ajoute: «Cela ne signifie pas que notre décision est définitive.» Ce n’est finalement que le 1er avril 1981, après une vaste consultation nationale (cantons, Eglises, musiciens, écrivains, enseignants) – et après avoir envisagé puis renoncé à l’organisation d’un concours – que le Conseil fédéral se résout à décréter le Cantique suisse hymne national officiel. Il s’autorise pour l’occasion un commentaire: le Cantique suisse, dit-il, est «purement suisse, digne et solennel, comme le souhaite une grande partie de nos Confédérés et Confédérées».

MICHEL WALTER