Des abricots «du Valais» qui viennent de France, des asperges mexicaines vendues sous le label suisse: dans les magasins, l’indication de provenance des fruits et légumes laisse souvent à désirer, même si un pointage récent effectué par la Fédération romande des consommateurs indique qu’il y a du progrès. «Les manquements doivent être réprimés de façon plus sévère», estime le conseiller national Jacques Bourgeois. Pour faire pression sur les grands distributeurs, il propose des amendes en fonction du chiffre d’affaires.
Des abricots français vendus sous le label valaisan. Des asperges mexicaines présentées comme suisses. Dans les magasins, l’indication de la provenance des fruits et légumes laisse souvent à désirer. L’an passé, les chimistes cantonaux avaient d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme. La campagne nationale de contrôles qu’ils avaient menée avait abouti à des résultats jugés «mauvais et très insatisfaisants»: deux tiers des 500 commerces inspectés présentaient des lacunes, et pour 16% des fruits et légumes, l’indication de provenance n’était pas correcte (voir ci-après). Conseiller national libéral-radical et directeur de l’Union suisse des paysans (USP), le Fribourgeois Jacques Bourgeois trouve qu’il est temps de sévir. «Les manquements constatés constituent avant tout des cas de négligence. Ils n’en doivent pas moins être réprimés de façon plus sévère. Les consommateurs doivent pouvoir faire leur choix en pleine connaissance de cause. D’autant qu’avec le débat sur le changement climatique, ils sont de plus en plus sensibles à la provenance des produits.» Des sanctions, la loi fédérale sur les denrées alimentaires en prévoit déjà. Quiconque aura «donné des indications fausses ou trompeuses sur des denrées alimentaires» encourt ainsi une amende pouvant aller jusqu’à 40000 francs. Mais de tels coups de bambou sont rares. A Fribourg, aucune des 29 dénonciations à la justice effectuées en 2010 par le Service cantonal de la consommation ne portait sur de fausses indications de provenance des fruits et légumes, indique le chimiste cantonal Jean-Marie Pasquier.
Peu d’amendes
Peu utilisées, les amendes sont en outre peu efficaces, selon Jacques Bourgeois, dans la mesure où elles frappent de la même manière l’épicerie du coin et les grandes surfaces. Le libéral-radical propose donc dans une motion que les amendes soient désormais proportionnelles au chiffre d’affaires des entreprises prises en faute. Un tel système n’aurait rien d’exceptionnel, ajoute le directeur de l’USP. «Les amendes pour infraction à la circulation routière sont elles aussi calculées en fonction du revenu.»
Un accueil contrasté
Mais pourquoi vouloir durcir le ton contre les poids lourds de l’alimentation, alors que selon l’enquête des chimistes cantonaux, ils ne sont ni pires, ni meilleurs que les autres? Jacques Bourgeois les soupçonnerait-il de vouloir tromper le consommateur? «Oui, dans le domaine des fruits et légumes», répond le directeur de l’USP, soucieux que des produits étrangers ne se fassent pas passer à bon compte pour locaux, ce qui menace la stratégie qualité de l’agriculture suisse. Il attend donc de Coop, Migros et des autres qu’ils se montrent «plus exigeants envers les importateurs et veillent à la traçabilité des fruits et légumes jusque dans les rayons des magasins». Son idée d’amendes calculées sur la base du chiffre d’affaires trouve un bon accueil auprès de la Fédération romande des consommateurs, qui continue de recevoir régulièrement des plaintes de clients concernant l’indication de provenance. «Le montant minimal des amendes me paraît faible», analyse Aline Clerc, spécialiste agriculture et alimentation à la FRC. Qui prône dès lors des sanctions tenant compte à la fois du chiffre d’affaires et de la gravité de l’infraction en matière d’étiquetage. A titre personnel, le chimiste cantonal vaudois adjoint Christian Richard pense lui aussi que des amendes en fonction du chiffre d’affaires, comme elles se pratiquent en France, «seraient peut-être plus justes et plus efficaces». Mais c’est alors tout le système des sanctions dans le domaine des denrées alimentaires qui devrait être repensé. Elmar Pfammatter, le chimiste cantonal valaisan, estime au contraire que «la loi actuelle nous donne tous les moyens nécessaires». «Une prise en considération du chiffre d’affaires nous semble disproportionnée et difficile à appliquer», écrit de son côté Migros, le No1 de la grande distribution. «L’incitation suffit», enchérit son dauphin Coop.
La patate chaude
Quant au Conseil fédéral, il ne s’est pas encore prononcé sur la proposition de Jacques Bourgeois. Mais en décembre dernier, en réponse à une interpellation du conseiller national Jean-Pierre Grin (udc/VD), il refilait la patate chaude, et plutôt trois fois qu’une. «Il incombe aux distributeurs de fruits et légumes de renforcer leurs propres contrôles et de s’assurer que les denrées alimentaires sont déclarées correctement», écrivait le gouvernement. En cas de doute, c’est ensuite aux consommateurs d’exiger des informations directement auprès du vendeur. Enfin, c’est aux cantons d’effectuer les contrôles et, au besoin, de sévir. «Cette manière de se débarrasser du Pierre-Noir me paraît fausse», tique Jacques Bourgeois. «S’il constate des lacunes, le Conseil fédéral pourrait au moins donner des directives claires aux cantons.»
La Liberté