Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 3 août 2011

Les Suisses aiment les Alpes

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Image: Genève BGE


Pour les vacances d’été, vous êtes plutôt montagne? Alors vous rejoignez un penchant né dès le XVIIIe siècle. Deux chercheurs de l’Université de Lausanne étudient l’évolution de cette «mode des Alpes». Il y a pile 200 ans aujourd’hui, des alpinistes ont atteint pour la première fois le sommet de la Jungfrau.



«ALLEZ SAVOIR!»*


Passer ses vacances dans les Alpes? L’idée est vieille de bientôt 300 ans. Les Alpes ont en effet suscité un intérêt dans le monde européen dès la Renaissance, et cette curiosité s’est considérablement modifiée au cours des siècles, comme nous le racontent le professeur de littérature française et d'histoire de la culture à l’UNIL Claude Reichler, et l’historienne Daniela Vaj, responsable de la base de données VIATIMAGES, partenaires et initiateurs du projet Viaticalpes, qui étudie les représentations des Alpes à travers les récits de voyages, de la Renaissance au XIXe siècle. «Il y a toute une historiographie qui explique que, jusqu’au XVIIIe siècle, les Alpes étaient une région qui faisait peur, elle était à la fois évitée et rejetée, et qu’à partir du XVIIIe siècle, les voyageurs européens se sont passionnés pour ces montagnes», raconte le professeur Claude Reichler. «Ce n’est pas faux, mais en même temps, les chercheurs ont récemment montré qu’on rencontre déjà un intérêt pour les Alpes à la Renaissance. Dans le milieu des humanistes protestants suisses, des voyages dans les Alpes ont lieu, on trouve des écrits qui font l’éloge de la beauté du paysage des Alpes.» Si la Renaissance est l’époque des grandes découvertes géographiques, elle est aussi celle de l’invention de l’imprimerie. Apparaîtra dès lors un genre littéraire nouveau: le récit de voyage, accompagné, dans toute l’histoire européenne, d’illustrations. De ces textes, il ressort que ce n’est cependant qu’au XVIIIe siècle que l’on peut réellement parler d’une «mode des Alpes». «Dans le Grand Tour, comme on a nommé le voyage de formation que faisaient les jeunes gens des grandes familles anglaises sur le continent, la Suisse n’était alors qu’un passage», relève Daniela Vaj. «On passait les Alpes pour aller en Italie ou dans le Sud, on ne s’y arrêtait pas. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’on s’intéresse à la Suisse comme pays à visiter pour ses paysages.»


L’attrait du sauvage

A cette époque, l’on voit d’ailleurs se multiplier les gravures coloriées d’artistes que l’on appelait les «petits maîtres suisses», comme Aberli ou Biedermann, parce qu’ils travaillaient sur des petits formats. Des images que l’on vendait aux voyageurs, plus d’un siècle avant l’apparition des premières cartes postales. «Le goût pour le paysage se modifie vers le milieu du XVIIIe siècle», note Claude Reichler. «On passe de l’admiration pour les paysages à la française, c’est-à-dire des paysages géométriques où la nature est maîtrisée et ordonnée, comme les grands parcs de Versailles, au goût pour les paysages à l’anglaise, au landscape gardening: ces parcs paysagers où on dissimule l’intervention humaine. »On y cache par exemple les barrières derrière les haies d’arbres, on fait comme si le parc se prolongeait de manière naturelle et quasi infinie dans la nature environnante. Cela reflète un véritable changement dans la relation que l’on entretient avec la nature. Tout à coup, la nature sauvage devient préférable à la nature domestiquée.»

Une île préservée

Pas étonnant dès lors de voir les Alpes, où la nature s’impose dans toute sa grandeur, devenir une des destinations de choix pour les voyageurs aristocratiques du XVIIIe siècle. Mais la Suisse attire également sur un autre plan, plus politique. «A l’époque de la modernisation, de l’urbanisation et de l’industrialisation, la Suisse des Alpes apparaît comme une sorte d’île préservée où l’homme vit en harmonie avec la nature. On vient alors en Suisse et on admire ce qu’on pense être la démocratie, dans une opposition totale avec les monarchies absolues environnantes», explique encore le professeur Reichler. «Tout cela est partiellement imaginaire, bien entendu, mais cet imaginaire, les voyageurs pensent le vérifier quand ils se promènent dans les cantons alpins…»

Goethe et Mary Shelley

Pour preuve encore de ce nouvel engouement, la multiplication des ouvrages consacrés aux voyages dans les Alpes. Selon Gavin de Beer, un érudit anglais, on recenserait vers le milieu du XVIIIe siècle à peu près cinq livres nouveaux portant sur la Suisse en Europe par année, contre trente à quarante après les guerres napoléoniennes, soit après 1815. Des livres aujourd’hui très rares et pratiquement inconsultables, car dispersés dans les collections des bibliothèques, d’où l’intérêt de la base de données mise en ligne pour le public par le projet Viaticalpes. En découlera toute la mythologie de notre pays, qui, «même si nous voulons croire l’avoir autogénérée, est largement le produit de l’image que les voyageurs européens ont construite et projetée». Outre ces récits de voyages et autres textes savants, cette image de la Suisse est également construite, au fil des décennies, par les nombreux artistes prestigieux que la Suisse a vu défiler dans ses montagnes comme Goethe, Byron, Mary Shelley, qui place son personnage Frankenstein dans les Alpes, ou encore le célèbre peintre Turner, qui viendra en Suisse sept à huit fois. Autant d’artistes qui laisseront à chaque fois des traces de leurs impressions dans leurs oeuvres respectives.

Le bon air des Alpes

Au XIXe siècle, un autre critère apparaît dans l’intérêt suscité par les Alpes, celui du fameux «bon air pur». «Conjointement au développement des études scientifiques sur la physiologie, la médecine va de plus en plus s’intéresser à l’air des Alpes», explique Daniela Vaj. «Les scientifiques vont découvrir une série de propriétés propres à la montagne qui devient une sorte de laboratoire en plein air pour l’observation scientifique et la médecine. Ce nouvel intérêt sera alors réduit au domaine du bien-être physique, l’air pur des Alpes devenant carrément un élément thérapeutique au cours du XIXe siècle, car il soignerait de nombreuses maladies, en particulier la tuberculose.» Une croyance d’ailleurs véhiculée également par la tradition locale, souligne Daniela Vaj: «On envoyait couramment les femmes enceintes à la montagne.» I > Le projet Viaticalpes: www.unil.ch/viaticalpes
 
 * Cet article est tiré d’«Allez savoir!», une revue de l'Université de Lausanne. Abonnement gratuit, www.unil.ch/unicom Si l’on note très clairement des évolutions dans la manière dont on regarde les Alpes suisses et ce qu’on y recherche au cours des siècles, le changement le plus remarquable, note Claude Reichler, est de type sociologique: «On est passé, au milieu du XIXe siècle, de voyageurs issus d’élites urbaines, comme des aristocrates et des artistes, à un mode de voyage qui s’est de plus en plus répandu et à des technologies du voyage qui ont donné naissance à une «industrie des étrangers», avec des infrastructures, des modes de transports – la vapeur, le chemin de fer –, qui permettaient aux touristes à proprement parler d’arriver en beaucoup plus grand nombre.» Cette massification du voyage, qui arrive vers les années 1860, avec notamment l’agence Cook qui propose les premiers voyages organisés, est d’ailleurs relatée par certains auteurs avec une certaine ironie: «Certains voyageurs se moquent de ces Suisses qui, dès le printemps, regardent tous vers les frontières et attendent les étrangers avec impatience», raconte Claude Reichler. A cette même période, les touristes, notamment les Anglais, commencent à se passionner pour l’alpinisme, ce goût de vaincre les sommets si présent dans les mentalités à cette époque qu’il inspirera le titre d’un célèbre essai de Leslie Stephen, «The playground of Europe» («Le terrain de jeu de l’Europe»). Avec l’intérêt grandissant pour les Alpes et sa démocratisation, il n’était pas étonnant de voir aussi apparaître leur récupération tant sur le plan politique que publicitaire. «Cette reprise et la création de clichés à usage politique, que les historiens montrent dès l’exposition nationale de 1896 à Genève, avec la construction du fameux «village suisse», a un effet ambigu: si l’on renforce l’attrait de l’image helvétique, on la vide en même temps de sa réalité, on en fait un mythe», analyse le professeur Reichler. En même temps il est indéniable que les Suisses ont construit leur identité sur la montagne et l’identification au paysage alpin. «L’Expo.02 a voulu d’ailleurs réagir là contre en montrant non pas une Suisse des Alpes, mais une Suisse du Plateau et des lacs. Cette réaction était peut-être juste, mais elle n’a guère été suivie d’effets», raconte le professeur Reichler. «Tout de suite après, à Shanghai, c’était de nouveau la montagne qui représentait la Suisse. Les Alpes semblent indissociables de notre identité collective.» ASS Réalisée en 1828, cette gravure de l’alpiniste écossais John Auldjo illustre les périls de l’ascension du Mont-Blanc. Genève BGE Il y a pile 200 ans aujourd’hui, des alpinistes ont atteint pour la première fois le sommet de la Jungfrau. Ce fut la première ascension d'un sommet de plus 4000 mètres dans les Alpes suisses. L'exploit était l'oeuvre de deux fils d'un industriel argovien, Johann-Rudolf et Hieronymus Meyer et de leurs guides valaisans Joseph Bortis et Alois Volken. Les quatre hommes ont atteint le sommet, à 4158 mètres, le 3 août 1811 peu après 14h, et y ont planté un drapeau improvisé fabriqué avec un mouchoir noir. Las! depuis la vallée, leur drapeau n'était pas visible, tant et si bien qu'on a rapidement mis en doute la performance. Pour dissiper ces doutes, les frères Meyer ont répété l'ascension une année plus tard. Et cette fois-ci, on ne pouvait pas ne pas apercevoir leur énorme drapeau rouge en toile cirée… Therese Hänni/ats > Festivités du jubilé toute la semaine jusqu’à dimanche. Partie officielle aujourd’hui à Wengen (BE) avec ascension de la montagne en tenue d’époque, http://www.jungfrau4000plus.ch/
 
La Liberté