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Jens Tomas Anfindsen (à gauche) et Uwe Sigrist veulent démarrer en douceur la production de leur bière lager. Pour réussir,ils comptent sur la fibre civique et le soutien financier des Fribourgeois. Charles Ellena
«La Patriote», une lager du cru, sera lancée dans le canton en 2012. Comme son nom l’indique sans détour, elle veut séduire les Fribourgeois.
Le déplacement de la production de Cardinal à Rheinfelden, vécu comme un traumatisme par beaucoup de Fribourgeois, a donné des idées à certains. Un producteur de bières artisanales établi au couvent des Cordeliers dans le quartier du Bourg («La Liberté» du 19 janvier 2011), a décidé de saisir la mousse au bond. Il s’apprête à lancer une lager produite localement pour les Fribourgeois.
«La Patriote», c’est ainsi qu’a été baptisée la nouvelle blonde, devrait être disponible dans la région dès le début 2012. En bouteilles et à la pression. Comme son appellation annonce clairement la couleur, «La Patriote» sera brassée pour manger un bout de marché de Cardinal, en jouant sur la fibre civique des Fribourgeois. «Nous voulons montrer qu’il est possible de produire une lager locale de haute qualité», s’enthousiasme Jens Tomas Anfindsen.
On l’aura deviné, celui qui souhaite maintenir une tradition brassicole séculaire dans le canton, n’est pas Fribourgeois, mais… Norvégien et professeur de philosophie. Pour mener à bien son entreprise, le bouillonnant Viking, établi à Fribourg depuis ses études, s’est associé à un maître-brasseur, venu de…Schaffhouse. Et ce dernier sera épaulé par un employé… iranien qui a fait ses armes à la microbrasserie des Cordeliers. Bref, tout un programme: une équipe internationale pour une solution locale, pourrait-on dire.
«Dorée et aromatique»
Le maître-brasseur Uwe Siegrist, qui travaille pour la brasserie Falken outre-Sarine, rêvait depuis longtemps de créer sa propre brasserie. «Il a pris contact avec moi après la fermeture de Cardinal. Nous avons rapidement été sur la même longueur d’ondes», raconte Jens Tomas Anfindsen, 38 ans. «Et nous avons décidé d’aller de l’avant ensemble.»
D’après la recette mise au point par Uwe Siegrist, 36 ans, «La Patriote» devrait être légèrement plus dorée et aromatisée que la «Cardoche». Elle devrait être proche des bières blondes produites dans les brasseries régionales d’Allemagne du Sud et titrer autour des 5%. L’emploi du conditionnel est à ce titre important. Car pour l’instant, la bière en question est encore virtuelle. Selon les prévisions des entrepreneurs, les premiers hectolitres seront brassés d’ici une semaine.
Dans un premier temps, la lager sera produite dans les cuves de Felsenau à Berne. «Puis quand tout sera prêt à Fribourg, nous installerons la production dans les locaux des anciens abattoirs. Cela, dans le courant 2012», précise le Norvégien. «Nous avons une garantie de la commune d’une année aux anciens abattoirs. Ensuite, nous serions très heureux d’en occuper une partie, après sa transformation. Si cela n’est pas réalisable, nous chercherons d’autres pistes.»
David contre Goliath
En économie, produire est une chose. Mais commercialiser sa production en est une tout autre. Et c’est souvent à ce stade que le bât blesse. L’affaire est particulièrement corsée dans le milieu de la bière, ou quelques géants dominent massivement le marché. Le Scandinave et son associé alémanique en sont conscients: «Bien sûr, c’est David contre Goliath. Mais qui ne tente rien n’a rien, surtout pour deux amoureux de la bière comme nous.» Les deux compères visent deux types de clientèle: les commerces et les cafés fribourgeois. «Nous voulons développer un réseau très local pour écouler notre production.»
Les spécialistes de la branche, à l’image de Muriel Hauser, présidente de Gastro-Fribourg, saluent le projet tout en restant réalistes: «Pour réussir, il faut garantir un rapport qualité-prix irréprochable et être concurrentiel avec les grandes brasseries», partage-t-elle. Et de poursuivre: «Si la bière est de qualité, elle peut avoir sa place à côté des bières pression plus courantes. C’est là que je vois la principale niche pour une bière locale.»
Vente publique d’actions
Dans un premier temps, les concepteurs de «La Patriote» ont des ambitions modestes. Ils comptent se contenter de produire 1200 hectolitres en 2012. En commençant avec un personnel très réduit. «Ce volume est faible par rapport au potentiel de la région de Fribourg, le marché que nous ciblons. Mais nous ne voulons pas avoir les yeux plus grands que l’estomac. Nous comptons beaucoup sur les Fribourgeois pour soutenir notre projet.» Moralement et financièrement. Car les citoyens seront appelés à prendre des parts dans la société anonyme et l’entreprise en construction. «Nous mettons en vente 1500 actions à 500 francs pour augmenter le capital de notre SA.» Les deux hommes s’inspirent de plusieurs exemples de financement réussis de ce type réalisés et réussis dans d’autres microbrasseries en Suisse. Comme «Unser Bier» à Bâle ou la «Stadtbrauerei» à Lucerne. I
Plus d’infos sous: http://www.freiburger-biermanufaktur.ch/
Le projet d’UNIA en panne
Le concept de microbrasserie élaboré au début juillet par le syndicat UNIA et quelques employés de Cardinal («La Liberté» du 8 juillet 2011) prend la poussière dans un tiroir. C’est ce que confirme Armand Jaquier, secrétaire régional d’UNIA Fribourg. «Nous avons adressé aux autorités un projet précis et bien ficelé à réaliser dans un lieu encore à trouver à Fribourg. Nous n’avons reçu de la ville et du canton que de polis accusés de réception», déplore-t-il. «Cela est vraiment regrettable. Le canton, la Direction de l’économie en premier lieu, a fait beaucoup de promesses sans en tenir aucune. Entre les grandes déclarations et les actions concrètes pour maintenir la tradition brassicole à Fribourg, il y a vraiment un monde.»
Pour rappel, le concept prévoyait la production de 20000 hectolitres de bières lager et spéciales pour un marché englobant la Suisse romande, Berne et Soleure. Pour des investissements de près de 7 millions et la création d’une quinzaine d’emplois.
Voyant le projet de son syndicat et des employés de Cardinal au point mort, Armand Jaquier salue donc l’initiative de Jens Tomas Afindsen de créer une mousse fribourgeoise. «Nous soutenons chaleureusement tout projet susceptible de maintenir une vie sociale autour de la bière à Fribourg. Nous devons cependant nous contenter d’un support moral. Car en tant que syndicat, ce n’est pas notre rôle d’in-vestir dans un projet tel que celui-ci.»
La démolition des cuves a commencé hier matin
CHRISTINE WUILLEMIN
Une entreprise spécialisée s’est attaquée hier aux cuves de stockage et de fermentation de l’ancienne Brasserie Cardinal. Annoncés pour mardi, puis repoussés à lundi prochain, les travaux de démantèlement ont donc finalement commencé hier matin. L’excavateur, arrivé jeudi soir, s’en est pris aux cuves – une vingtaine – dont certaines mesurant 18 mètres de haut. Elles sont installées dans une charpente en métal qui devra elle aussi être démantelée. Cette étape est la plus lourde des travaux de démolition. Porte-parole de Feldschlösschen, Gaby Gerber précise que les plus grandes cuves seront enlevées lundi. Et que les travaux dureront quelques semaines.
Samuel Jordan
La Liberté
