Alain Berset veut soumettre un contre-projet à la Caisse unique. (photo: Keystone)
Le Conseil fédéral a décidé mercredi de rejeter l'initiative. Il a chargé le ministre de la santé d'élaborer des propositions qui devront encore être mises en consultation avant que le Parlement ne se prononce.
«Le modèle actuel repose sur une concurrence régulée, ne connaît pas de contingent de prestations et n'a pas de dettes», a relevé Alain Berset en conférence de presse. Mais il pêche surtout par la sélection des risques qui mine la confiance des assurés dans le système. «Dans certaines régions, les primes pour adulte peuvent varier du simple au double», a-t-il rappelé.
Trois mesures
Le contre-projet sera décliné en trois points. Le Département fédéral de l'intérieur (DFI) souhaite créer une réassurance pour les très hauts coûts sous la forme juridique d'une fondation. Cette réassurance sera obligatoire et uniforme pour tous les assureurs. Elle se chargera, à partir d'un certain seuil, des coûts élevés d'un assuré.
Un montant fixe prélevé sur les primes financerait la réassurance. Vu les différences de coûts entre régions, ce montant varierait d'un canton à l'autre.
Interrogé sur le seuil à partir duquel le fonds de réassurance prendra le relais de l'assurance de base, Alain Berset a indiqué que ses service planchaient sur une fourchette allant de 5000 à 20'000 francs. «4% des assurés génèrent des coûts annuels de plus de 15'000 francs, ce qui représente 52% des coûts de la santé, 1% dépasse les 35'000 francs et constitue 21% des coûts globaux», a-t-il rappelé.
Le chef du DFI a souligné que cette réforme, tout comme l'initiative pour une caisse unique, ne visait pas à endiguer la hausse des coûts de la santé. D'autres pistes sont à l'étude après le «non» aux réseaux de soins et la fin du moratoire sur les cabinets.
«Pour l'assuré, la seule conséquence visible sera de ne plus se voir offrir d'aussi grosses différences de primes dans sa région», a dit le conseiller fédéral. Il n'a pas à craindre d'être transféré dans une autre caisse, un éventuel dépassement de ses coûts étant entièrement géré par son assureur.
Séparer les activités
Deuxième mesure: les assurances de base et complémentaires devront à l'avenir être offertes par des entités juridiques distinctes qui ne pourront pas échanger d'informations entre elles ou procéder à des financements croisés. Il a rappelé qu'actuellement 46 assureurs sur 64 ne pratiquent que l'assurance de base.
L'idée de séparer l'assurance maladie de base et les complémentaires n'est pas nouvelle. Elle était même portée par une initiative populaire des médecins, qui se voulait une alternative à la caisse unique. Ce texte n'a toutefois pas abouti.
La troisième mesure envisagée réside dans le renforcement de la compensation des risques. Le gouvernement veut ajouter un nouveau critère: les coûts des médicaments.
Concurrence sur la qualité
Pour le socialiste, ces trois mesures inciteront les caisses à se réorienter sur la qualité de leurs prestations plutôt que de privilégier la chasse au «bon risque». La nécessité de constituer réserves sera aussi moins importante.
L'initiative populaire «pour une caisse maladie publique» prévoit la création d'une institution nationale d'assurance maladie unique avec des agences cantonales qui établiront les primes et les encaisseront.
La gauche, les syndicats, des associations de défense des patients et de consommateurs l'ont lancée pour mettre fin à ce qu'ils estiment une fausse concurrence entre les 80 caisses privées actuelles.
La coalition se dit satisfaite, mais ne retire pas son initiative
La coalition soutenant l'initiative populaire «pour une caisse maladie publique» se dit «satisfaite du signal positif» que constitue le contre-projet du Conseil fédéral. Elle refuse cependant de retirer son initiative, car celle-ci permet de mieux résoudre les problèmes actuels, écrit la coalition.
Avec son contre-projet, le Conseil fédéral reconnaît l'urgence d'agir dans le domaine des assurances maladie, se réjouissent les initiants une prise de position mercredi. Ils sont par contre déçu de cette «demi-mesure» et continueront donc de se battre pour la caisse maladie unique.
Ils estiment cependant «positive» la volonté du Conseil fédéral de séparer l'assurance maladie de base et les complémentaires: «ça va rendre le modèle des assurances plus transparent», jugent-ils dans leur communiqué. Cette séparation n'empêchera pas pour autant la chasse aux bons risques, selon eux.
«Oui, mais...» de santésuisse
Santésuisse se dit favorable «à toute amélioration du système de santé» en général et n'est pas opposé en principe au contre-rpjet du Conseil fédéral. La faîtière des assureurs-maladie critique cependant le principe d'une séparation entre l'assurance de base et les complémentaires.
«Cette mesure contribuerait avant tout à renchérir tout le système» en créant une double administration, écrit Christoph Meier, direction de santésuisse, dans un éditorial du magazine «infosantésuisse» datant du 4 septembre 2012. Les assurés se retrouveraient, eux, face à deux assurances, «pris entre marteau et enclume».
Il juge également «contestable» la création d'un pool de hauts risques. Les assureurs ont déjà créé un organe comparable, explique- t-il. De plus, ce pool de haut risque ne réduirait pas la chasse aux bons risques, mais plutôt l'impact des mesures de suivi. Et de citer l'exemple de l'Allemagne, qui, après avoir introduit ce système en 2000, y a renoncé en 2009.
Santésuisse se dit par contre favorable à la compensation des risques. Son conseil d'administration avait d'ailleurs annoncé le 29 août dernier vouloir soutenir toute initiative politique allant dans ce sens.