Des chercheurs français ont enfin une piste qui permettrait d'expliquer pourquoi certains se souviennent de leurs rêves et d'autres pas.
Alors que la connaissance du cerveau humain progresse à grands pas, le phénomène des rêves reste encore très largement mystérieux. Au point que l'on n'est toujours pas en mesure d'affirmer avec certitude que tout le monde rêve pendant son sommeil. Et pour cause, aucune manifestation physiologique pouvant trahir cette activité n'a, à ce jour, été identifiée. Pas même le sommeil paradoxal qui lui a, un temps, été associé. Une chose est sûre cependant : certaines personnes rapportent très régulièrement des rêves et d'autres peu, voire pas du tout. C'est en étudiant ces cas extrêmes qu'une équipe de chercheurs de l'Inserm a découvert que le cerveau des "grands rêveurs" et des "petits rêveurs" fonctionnait différemment. Non seulement pendant leur sommeil, mais aussi quand ils étaient éveillés !
Les grands rêveurs plus réceptifs
Pour parvenir à cette conclusion, l'équipe de chercheurs, dirigée par Jean-Baptiste Eichenlaub et Perrine Ruby du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, a composé deux groupes de personnes, grands rêveurs et petits rêveurs et les a soumis à des sons (une voix prononçant de manière aléatoire des prénoms dont le leur) pendant la nuit. De jour, ces cobayes devaient regarder un film sous-titré alors qu'on leur faisait écouter ces mêmes sons, avec pour consigne de ne pas y prêter attention.
Résultats : l'expérience, lors de laquelle l'activité cérébrale était enregistrée à l'aide d'électrodes, a distingué deux profils différents. "Chez les grands rêveurs, nous avons repéré une plus grande amplitude d'une onde cérébrale associée à l'orientation involontaire de l'attention vers ces sons", explique Perrine Ruby au Point.fr. En clair, leur cerveau semble plus réactif à ces stimulations venant de l'environnement que celui des petits rêveurs qui parviennent plus facilement à en faire abstraction. Une caractéristique qui tendrait à rejoindre un trait de caractère que la psychologie expérimentale relève comme plus fréquent chez les grands rêveurs : l'ouverture à l'expérience. Quant aux petits rêveurs, spontanément moins réceptifs à ce qui les entoure, ils disposeraient d'une plus grande capacité à se concentrer. "Deux types de fonctionnement cérébral qui ont leurs avantages et leurs inconvénients", note Perrine Ruby.
Plus de temps d'éveil pour mémoriser
De là à associer cette hypersensibilité aux stimuli extérieurs à un sommeil plus léger, il n'y avait qu'un pas. Et les chercheurs l'ont franchi en mesurant le temps d'éveil pendant le sommeil des deux groupes : celui des grands rêveurs s'est révélé de quinze minutes supérieur à celui des petits rêveurs.
Ce constat éclaire une question jusque-là restée sans réponse : ceux qui déclarent ne pas rêver ont-ils une faible production de rêves ou bien est-ce simplement une absence de souvenir ? "Nos résultats laissent penser que ce serait, au moins en partie, une question de mémorisation", indique Perrine Ruby. "Disons que cela colle très bien. L'hypothèse dominante étant que le cerveau ne peut rien mémoriser lorsqu'il est endormi, les grands rêveurs disposent de quinze minutes d'éveil supplémentaires pour encoder leurs rêves dans leur mémoire", précise-t-elle. C'est pourquoi ils s'en souviendraient au réveil. L'explication est séduisante. Toutefois, elle devra encore être éprouvée pour qu'en matière de rêve, on puisse enfin poser des vérités.
