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vendredi 5 avril 2013

La patiente reconquête des légumes oubliés


Radis noir, carotte violette, topinambour et rutabaga reviennent en Suisse romande. Un retour positif pour la biodiversité, dopé par la législation sur les semences la plus souple d’Europe. 




Certains les surnomment affectueusement les «Quasimodo» de la production maraîchère. Avec leur gabarit un peu difforme, leur nom à particule et leur saveur particulière, ces légumes dits «oubliés» — topinambour, rutabaga, panais, crosne du Japon, chou de Milan à pied court de Plainpalais ou pomme de terre bleue de Saint-Gall — connaissent une popularité grandissante en Suisse romande.

«Ces variétés adaptées à notre terroir profitent de l’engouement pour la vente directe: plus les légumes viennent de loin, moins les consommateurs ont confiance, explique Vincent Gigon, chargé d’enseignement à la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève. Ils permettent aux petits producteurs de se diversifier et de se distinguer des productions de masse.» De leur côté, les supermarchés commencent petit à petit à intégrer ces légumes d’antan: «En 2011, ce type de variétés a enregistré une hausse des ventes de l’ordre de 15%», indique Urs Meier, porteparole de Coop.

Olivier Amrein, cofondateur du service genevois de panier à domicile Espace-Terroir, observe une clientèle urbaine qui «apprécie la nouveauté, le fait de sortir des sentiers battus». Maraîcher à Ballens, dans le canton de Vaud, Gilles Roch suit lui aussi cette tendance. Depuis quatre ans, l’agriculteur a abandonné le secteur de la grande distribution pour se consacrer à la vente sur le marché de ces produits biologiques d’antan: betterave ronde de Chioggia, scorsonère, carottes de cinq couleurs ou encore radis noirs. «L’avantage, c’est que nous ne sommes plus dépendants des grandes surfaces. Mais cela implique plus de travail, car il faut suivre plusieurs petites cultures en même temps et tout conditionner nous-mêmes.»

Et pourtant, ces légumes reviennent de loin. Après la Seconde Guerre mondiale, ils ont souffert du développement d’une agriculture intensive, qui a conduit à ne retenir qu’un nombre limité de variétés standardisées, destinées à être produites en masse. «Des produits comme le crosne du Japon ont été abandonnés car ils subissaient des pertes de rendement, notamment à cause de virus, poursuit Vincent Gigon. D’autres, comme le topinambour, ont été consommés à outrance durant la guerre, jusqu’à susciter le dégoût.

Le pire a failli se produire il y a trois ans, lorsque la Suisse a voulu s’aligner sur la législation européenne sur les semences: «Dans l’Union européenne, les variétés de légumes doivent être inscrites dans un catalogue officiel qui est surtout conçu pour les nouvelles espèces hybrides, se basant sur un critère d’homogénéité, explique Denise Gautier, coordinatrice romande de la Fondation ProSpecieRara pour la préservation des plantes menacées d’extinction. Du coup, certaines variétés anciennes, qui ne répondaient pas à ce critère, n’auraient pu être répertoriées et n’auraient plus pu être commercialisées.»

Face à l’opposition de groupes comme ProSpecieRara, la Confédération a finalement créé une catégorie de variétés de niche, dans laquelle entrent les légumes anciens et pour laquelle aucune inscription n’est nécessaire.

Un trésor dans le jardin. Une victoire essentielle pour la biodiversité, estime Denise Gautier: «Depuis le début du XXe siècle, environ 80% des variétés de légumes ont disparu. Nous retrouvons aujourd’hui encore d’anciennes variétés, héritées parfois de la grand-mère qui cultivait quelques haricots sur son lopin de terre dans les Alpes. Ces espèces locales contiennent un ensemble unique de gènes, qui pourraient un jour servir face au réchauffement climatique, à de nouveaux goûts ou pathologies. Mais au début, nous passions vraiment pour des illuminés avec nos vieux légumes!»

Le but est d’abord de «les maintenir en vie», confirme Pascal Toffel, directeur de l’Union maraîchère suisse: «Pour l’heure, cela reste un marché de niche. Les grands distributeurs devront vraiment se mobiliser pour les populariser.» Joël Vuagniaux, responsable de l’Association Kokopelli Suisse, qui lutte également pour la préservation des variétés de semences, voit encore un obstacle de taille: «Une grande partie du public continue de vouloir payer le moins cher possible pour les légumes. Trop souvent, le critère économique passe avant celui de la biodiversité.» Denise Gautier milite quant à elle pour rendre obligatoire l’inscription de la variété sur l’étiquette des légumes dans les supermarchés: «La pomme de terre violette ou la tomate jaune attirent le regard, et amènent à s’interroger sur la notion de biodiversité.»